Le patron du syndicat Pierre-Yves Maillard s'en prend à la réforme de la LPP
«Jusqu'à 270 francs en moins chaque mois! Cela représente une perte de rente pouvant aller jusqu'à 15%»

Le patron du syndicat Pierre-Yves Maillard explique dans une interview pourquoi il rejette la réforme des caisses de pension, pourquoi la classe moyenne souffre le plus de ce projet et comment il veut améliorer la situation des retraites pour les bas revenus.
Publié: 15.07.2024 à 11:34 heures
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Dernière mise à jour: 15.07.2024 à 12:27 heures
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Ruedi Studer

Pour le patron de l'Union syndicale suisse (USS) et conseiller aux Etats socialiste Pierre-Yves Maillard, 2024 est une année charnière en matière de politique sociale. Il a gagné la bataille pour la 13e rente AVS, perdu l'initiative sur les primes. Maintenant, l'épreuve de force se prépare pour la réforme de la prévoyance professionnelle (LPP) sur laquelle les électeurs se prononceront le 22 septembre.

Pierre-Yves Maillard, vous êtes-vous déjà renseigné auprès de votre caisse de pension sur les conséquences de la réforme de la LPP pour vous, comme le recommande la conseillère fédérale Elisabeth Baume-Schneider?
Je suis un cas particulier, puisque je toucherai ma rente en tant qu'ancien conseiller d'État du canton de Vaud. La réforme ne me concerne donc pas personnellement, mais pour d'innombrables personnes, elle signifie une baisse de la rente. C'est inacceptable.

De nombreuses personnes à faible revenu et travaillant à temps partiel peuvent se constituer une meilleure rente LPP.
Je dois d'abord vous rappeler d'où vient cette réforme: de l'industrie financière. Celle-ci nous dit depuis des années que les rentes sont toujours trop élevées. C'est pourquoi la pièce maîtresse de cette réforme est une baisse de 12% du taux de conversion obligatoire. Ce sont des rentes plus basses! Et maintenant, les partisans affirment que presque personne ne sera touché et que les plus pauvres auront une meilleure retraite. C'est de la propagande.

Le patron du syndicat Pierre-Yves Maillard combat la nouvelle réforme des caisses de pension: «La pièce maîtresse de cette réforme est une baisse de 12% du taux de conversion obligatoire. Ce sont des rentes plus basses!»
Photo: Thomas Meier
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Le fait est que pour les bas revenus, une plus grande partie du salaire est assurée, ce qui permet d'épargner davantage. Pour les bas salaires, cela signifie une rente LPP plus élevée.
Ce qui est perfide, c'est que les bas salaires ont sur le papier une rente LPP plus élevée. Mais en fin de compte, il reste pour beaucoup moins d'argent dans le porte-monnaie. Ils doivent verser plus d'argent à la caisse de pension jusqu'à la retraite et ont ainsi chaque mois 100 ou 200 francs de salaire net en moins. Malgré cela, beaucoup restent dépendants des prestations complémentaires (PC) à la retraite, car leur rente LPP ne suffit de toute façon pas pour vivre. En fin de compte, ils paient plus cher.

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«Les plus grands perdants sont ceux dont le revenu se situe entre 70'000 et 90'000 francs»
Pierre-Yves Maillard, patron de l'USS
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Il est préférable d'avoir sa propre rente LPP plutôt que de devoir demander des prestations complémentaires. Ainsi, on est également assuré en cas d'invalidité ou de décès.
Ce sont de belles théories. Mais la réalité est souvent différente. Ceux qui perdent de peu le droit aux PC avec cette réforme auront en fait moins d'argent à la fin du mois à la retraite. A cause des impôts et des primes d'assurance maladie. Cet effet de seuil est bien connu. Et savez-vous qui va également souffrir?

Vous allez me le dire.
La classe moyenne! Même les chiffres de la Confédération le prouvent. Le régime obligatoire LPP s'applique jusqu'à un salaire mensuel d'environ 6800 francs. Ce ne sont pas les riches. C'est la classe moyenne typique – artisans, ouvriers du bâtiment ou personnel soignant. Les plus grands perdants sont ceux dont le revenu se situe entre 70'000 et 90'000 francs. Les plus touchés sont les quinquagénaires d'aujourd'hui: ils voient leur rente baisser jusqu'à 270 francs chaque mois. Cela représente une perte de rente pouvant aller jusqu'à 15%.

C'est du catastrophisme. La grande majorité est assurée par des caisses qui paient déjà de meilleures prestations que celles prescrites par la loi. La réforme ne concerne qu'une minorité.
Et non! Le régime obligatoire s'applique à tous, même à ceux qui sont assurés au-delà. Si le taux de conversion est abaissé, la rente minimale garantie diminue également. Cela donne aux assureurs une plus grande marge de manœuvre pour baisser encore les rentes. Peut-être pas aujourd'hui, mais peut-être demain. Au cours des 15 dernières années, les cotisations salariales pour les caisses de pension ont augmenté de 14% et les rentes ont baissé de 300 francs par mois. Durant cette période, les caisses de pension ont accumulé 400 milliards de capitaux supplémentaires et possèdent désormais environ 150 milliards de réserves.

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«Nous devons renforcer l'AVS»
Pierre-Yves Maillard, patron de l'USS
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Un non n'éliminera pas le déficit des pensions des bas salaires. Quelle est l'alternative?
Avec un bas salaire, il reste difficile d'obtenir une bonne rente de vieillesse uniquement grâce aux gains d'intérêts. Le principe de solidarité, tel que nous le connaissons dans l'AVS, est donc d'autant plus important pour les petits revenus. Nous devons renforcer l'AVS. Nous avons déjà fait un pas en avant avec la 13e rente AVS.

L'initiative pour une 14e rente AVS va-t-elle maintenant voir le jour?
Non (rires). Si l'on veut améliorer les rentes LPP, il faut une contribution de solidarité, comme le prévoyait le compromis des partenaires sociaux rejeté par les partis bourgeois. Il serait également important de prévoir des bonifications pour l'éducation et la garde des enfants, comme nous le faisons dans l'AVS. Dans les familles justement, de nombreux parents travaillent à temps partiel parce qu'ils s'occupent de leurs enfants.

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«Elisabeth Baume-Schneider doit défendre collégialement une réforme que la majorité bourgeoise du Parlement a fait passer, malgré l'opposition du Conseil fédéral»
Pierre-Yves Maillard, patron de l'USS
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Une baisse de la déduction de coordination, comme le prévoit la réforme, les aiderait.
Une baisse de la déduction de coordination n'est pas mauvaise en soi. En tant que pragmatique, je propose de l'adapter progressivement sur une certaine période. Mais pas au prix et en compensation d'une baisse des rentes, comme c'est le cas actuellement.

Cette année, vous affrontez pour la troisième fois votre collègue de parti Elisabeth Baume-Schneider. Qui remportera le duel cette fois-ci?
Il n'y a pas de duel! Ce n'est pas un combat personnel. Je m'engage en tant que syndicaliste et elle, en tant que conseillère fédérale, doit défendre collégialement une réforme que la majorité bourgeoise du Parlement a fait passer, malgré l'opposition du Conseil fédéral.

La bataille autour de la réforme de la LPP s'est vraiment enflammée avant les vacances d'été. Allez-vous maintenant faire une pause dans votre combat?
En juillet, je passerai deux semaines de vacances dans le sud avec ma famille. Je serai de retour début août et je m'engagerai pleinement dans la campagne.

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