Le président de l'USS Pierre-Yves Maillard prend la parole
«Le peuple ne veut plus de baisse des rentes!»

Avec le refus de la réforme de la LPP, Pierre-Yves Maillard fête une nouvelle victoire en votation. Dans une interview accordée à Blick, il explique comment il entend améliorer la prévoyance professionnelle.
Publié: 22.09.2024 à 15:07 heures
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Dernière mise à jour: 22.09.2024 à 17:58 heures
Chez les opposants au projet, parmi lesquels Pierre-Yves Maillard, la joie est grande dimanche.
Photo: keystone-sda.ch
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Ruedi Studer
Le patron des syndicats Pierre-Yves Maillard marque de son empreinte la politique des retraites.
Photo: Thomas Meier

Le président de l'Union syndicale suisse et conseiller aux Etats (PS) Pierre-Yves Maillard peut à nouveau jubiler: au début de l'année, il a gagné la bataille pour la 13e rente AVS ainsi que celle contre l'initiative des jeunes libéraux-radicaux sur les retraites. Ce dimanche, il est également venu à bout de la réforme controversée des caisses de pension. Dans une interview accordée à Blick, il dévoile sa vision pour le futur de la prévoyance professionnelle et comment il veut rendre l'AVS encore plus forte.

Pierre-Yves Maillard, lors de la votation sur le relèvement de l'âge de la retraite des femmes en 2022, les syndicats ont perdu leur réputation d'invincibilité en matière de politique des retraites. Au vu des succès actuels dans les urnes, ils sont redevenus une force influente. Comment allez-vous utiliser ce pouvoir?
Ce qui est désormais clair pour tout le monde, c’est que le peuple ne veut plus de réduction des rentes! Après leur succès étriqué sur l'âge de la retraite des femmes, les partis bourgeois ont voulu pousser à la baisse des prestations AVS et de prévoyance professionnelle, tout en ouvrant davantage de niches fiscales dans le troisième pilier. C'était l'agenda de l'industrie financière et des assurances. Aujourd'hui, les électeurs ont mis un terme à ces projets.

Un coup d'arrêt qui pourrait entraîner des années d’immobilisme?
Nous sommes ouverts à des réformes qui améliorent les rentes, plutôt que de les réduire, car elles sont devenues tout simplement trop faibles.

Allez-vous ressortir le compromis des partenaires sociaux du tiroir?
Avec le compromis des partenaires sociaux, l'Union patronale suisse et les syndicats ont présenté une proposition équilibrée, que le Parlement a balayée d'un revers de main. Toutefois, la situation de départ a changé entre-temps: l'époque des taux d'intérêt négatifs est révolue, une baisse du taux de conversion minimal n'est plus nécessaire.

Malgré tout, il y a des caisses pour lesquelles le taux de conversion pose problème et qui font davantage payer les assurés. Les laissez-vous tomber?
Ces quelques caisses peuvent résoudre les problèmes elles-mêmes. Il n'est pas question de réduire la sécurité pour tout le monde. Le régime obligatoire est une protection minimale pour tous.

Que proposez-vous donc?
Avec une fortune de 1200 milliards de francs, les caisses de pension sont en excellente santé financière. Rien que les réserves et les provisions s'élèvent à environ 150 milliards de francs. Avec le rejet de la réforme, elles économisent également sur les coûts des compensations promises. Les assurés doivent maintenant en bénéficier.

Comment, concrètement?
Pour les actifs, il faut améliorer le taux d’intérêt sur les avoirs de vieillesse. Quant aux retraités, qui ont perdu du pouvoir d'achat ces dernières années, il faut un ajustement au coût de la vie ou un crédit spécial.

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«Si les partis bourgeois tiennent tant au deuxième pilier, qu’ils y mettent du leur»
Pierre-Yves Maillard, boss de l'Union syndicale suisse (USS) et conseiller aux États socialiste
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Le grand problème reste le déficit des rentes des femmes...
Sur ce point, nous devons prendre l'AVS comme modèle. Cela signifie qu’il faut des crédits d’éducation et de prise en charge dans le deuxième pilier aussi. Nous pouvons financer cela en réduisant les frais excessifs de gestion de la fortune et d'administration, qui s'élèvent à plus de huit milliards de francs par an.

Ou en supprimant la déduction de coordination afin de pouvoir épargner davantage de capital vieillesse?
Pour les nouvelles générations, la réduction de la déduction de coordination reste une possibilité. Mais il faut être conscient que le système LPP actuel ne permet pas de financer une bonne rente pour les personnes à faible revenu. Cela coûte incroyablement cher. Mais pour les bas salaires, l'AVS est de toute façon bien plus importante que la caisse de pension.

La gauche préférerait une retraite populaire pour tous, sans caisses de pension. Prévoyez-vous déjà une initiative à ce sujet?
Non. Avec le compromis des partenaires sociaux, nous avons prouvé que nous étions favorables à une prévoyance professionnelle plus forte. Mais il faut une certaine dose de solidarité. Si les partis bourgeois tiennent tant au deuxième pilier, qu’ils y mettent du leur.

Et si ce n'est pas le cas?
Ils porteront alors la responsabilité du statu quo. Mais notre priorité est clairement de renforcer l'AVS.

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«Une partie de la classe politique tentera d'affaiblir financièrement l'AVS en creusant des déficits importants»
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Vous l'avez déjà obtenu avec la 13e AVS...
Oui. Et si le Parlement écoute la volonté du peuple, la 13e rente AVS devrait être versée dès 2025. De plus, avec l'initiative AVS du Centre, une proposition est sur la table pour supprimer le plafonnement des rentes des couples mariés. Cette initiative corrige une injustice, surtout que le Conseil fédéral remet en question la rente des veuves. Elle a de très bonnes chances auprès de l’électorat.

L'AVS aura alors besoin de plus d'argent. Où allez-vous le trouver?
Selon le Conseil fédéral, l’AVS fera environ quatre milliards de bénéfices cette année. Cela signifie que l’introduction de la 13e rente AVS pourrait être financée avec une fraction d’un pourcentage de salaire. Ce montant pourrait être compensé par la baisse prévue des cotisations chômage. Une augmentation modérée de la TVA devrait, en revanche, être réservée à l’initiative du Centre pour l’AVS.

Le PLR et l'UDC ne suivront probablement pas.
Une partie de la classe politique tentera d'affaiblir financièrement l'AVS en creusant des déficits importants, afin de forcer un relèvement de l'âge de la retraite. Mais la base de tous les partis ne suivra jamais cette stratégie. C'est pourquoi les forces raisonnables vont maintenant trouver les solutions.

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