Le président d'Economiesuisse combat l'«initiative 99%»
«Le système fiscal assure déjà la redistribution»

Les Jeunes socialistes veulent frapper les plus riches au portefeuille avec leur «initiative 99%». Christoph Mäder, le patron d'Economiesuisse, ne mâche pas ses mots pour décrire celle-ci, qu'il juge superflue et inutile. Interview.
Publié: 06.09.2021 à 06:19 heures
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Dernière mise à jour: 06.09.2021 à 09:17 heures
Ruedi Studer (interview), Alexandre Cudré (adaptation)

L’organisation faîtière des entreprises Economiesuisse mène la campagne du Non contre l’initiative 99% de la Jeunesse socialiste. Les derniers sondages lui président un refus, alors qu’elle semblait bien partie il y a quelques mois. Le président d’Economiesuisse, Christoph Mäder, en poste depuis un peu moins d’un an, est déterminé à faire échouer l’initiative.

Selon l’OFS, les 0,3% les plus riches de la population possèdent environ un tiers des richesses, soit environ 650 milliards de francs. La moitié de la population se contente de 2% de la richesse totale. Pensez-vous que cette répartition soit équitable?
Christoph Mäder: La répartition des revenus en Suisse est très équilibrée en comparaison internationale. Même en termes de richesse, les 1% les plus riches possèdent moins d’un tiers si l’on inclut les actifs des fonds de pension. Ceux-ci sont généralement absents des statistiques sur la richesse. On parle ici d’environ 1000 milliards de francs suisses. Si l’on tient compte de ces éléments, l’écart est déjà plus équilibré.

L’initiative cible pourtant une petite classe de personnes fortunées qui peuvent investir dans des actions ou des biens immobiliers à grande échelle, et qui génèrent ainsi des bénéfices.
Le rapport entre les revenus du capital et les revenus salariaux est assez stable depuis des années, entre 30 et 70%. Les intérêts ou les dividendes sont déjà pleinement imposés et sont soumis à une progression, contrairement à d’autres pays. En outre, nous avons un impôt sur les gains immobiliers dans tous les cantons. Ce qui n’est pas taxé, ce sont les gains en capital privés. Ce que les Jeunes socialistes veulent introduire, c’est une super-taxation supplémentaire d’une fois et demie au-delà d’un certain seuil.

Christoph Mäder, président d'Economiesuisse, combat l'initiative des Jeunes socialistes.
Photo: Philippe Rossier
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Ils mettent le doigt sur un point sensible: les dividendes ne sont que partiellement imposés dans les entreprises familiales et les bénéfices des actions ne le sont pas du tout. Il existe donc des lacunes dans le système fiscal.
Non, ce ne sont pas des lacunes. Le système fiscal est équilibré et nous remplaçons de prétendues lacunes par d’autres éléments…

À savoir?
Nous avons un impôt sur la fortune par exemple, ce que beaucoup d’autres pays n’ont pas. Cela agit comme un impôt permanent sur le revenu du capital. Ceux qui réalisent des bénéfices d’actions un impôt sur la fortune plus élevé. Prenons l’exemple de l’impôt fédéral direct: la moitié de la population ne le paie pas ou très peu, et 1% de la population contribue à 40% de ses rentrées. Une redistribution importante a aussi lieu dans l’AVS, car la cotisation est versée sur l’ensemble du salaire. Il s’agit donc déjà d’un impôt sur les riches. Le système fiscal est équitable, c’est l’initiative des Jeunes socialistes qui est superflue.

L’initiative prévoit une valeur seuil au-delà de laquelle une imposition plus élevée est effective. Pour cela, il faut déjà avoir quelques millions de côté…
Si l’on prend une valeur seuil de 100’000 francs, cela touche très vite beaucoup plus de personnes que le 1% des super-riches, comme le prétendent les initiants.

Le citoyen ordinaire moyen ne va certainement pas obtenir un revenu sur le capital de 100’000 francs…
Certes, mais cela reste beaucoup moins que ce que les initiants prétendent. Prenons l’exemple d’un couple de personnes âgées qui a acheté une propriété il y a plusieurs décennies et décide de la vendre aujourd’hui. Compte tenu des prix actuels de l’immobilier, ce seuil sera au final rapidement atteint. Les conséquences peuvent facilement se faire sentir même pour un ménage moyen. Pareil pour les PME familiales, où cette initiative rendrait quasiment impossible la succession dans de nombreux endroits.

C’est un argument d’alarmisme classique, comme pour chaque référendum lié à la fiscalité. Rien n’empêche quelqu’un de reprendre une PME avec une taxation plus élevée.
C’est pourtant le cas! Aujourd’hui, les actionnaires familiaux, c’est-à-dire la plupart du temps des entrepreneurs de PME familiales, n’ont pas à payer d’impôt sur leurs dividendes parce qu’elles ont déjà payé l’impôt sur le bénéfice. Cette situation changerait drastiquement avec l’initiative, avec une imposition de 100% jusqu’au seuil et 150% au-delà. Pour de nombreux entrepreneurs, cela revient à doubler leurs impôts. Non seulement les PME se retrouveraient vidées de leurs fonds qui leur sont nécessaires pour faire des investissements, mais certaines devraient carrément devoir s’endetter. Comment trouver un successeur quand son entreprise est criblée de dettes et que celle-ci, de plus, n’a plus de revenus sur ses dividendes? De l’alarmisme? Ça n’a rien à voir.

Selon le calcul des Jeunes socialistes, environ dix milliards de francs pourraient être redistribués du haut vers le bas. Les petites gens ont souffert de la pandémie, une telle redistribution serait un juste retour des choses.
Non, le système fiscal assure déjà cette redistribution, l’amortissement social est garanti. La Suisse s’est très bien sortie de la crise économique causée par le Covid et a investi des milliards pour en amortir les conséquences. Soutenir d’abord les PME pour ensuite les accabler à nouveau de taxes n’a aucun sens. Le Covid n’a rien à voir là-dedans, c’est un prétexte fallacieux.

Pourtant, à cause de la dette provoquée par la crise du Covid, l’État pourrait avoir besoin d’un peu d’aide…
Nous devons réduire la dette, c’est vrai. Mais nous pouvons y parvenir tout en garantissant une économie florissante qui génère suffisamment de recettes fiscales.

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