Le président des Vert'libéraux
«Rösti peut lancer le débat sur le nucléaire, mais cela n'est pas rentable»

Jürg Grossen sera l'un des vainqueurs de l'année 2023. On prédit à ses Vert'libéraux le plus grand nombre de gains électoraux. Dans cette interview, le Bernois s'exprime sur ses objectifs, ses attentes vis-à-vis d'Albert Rösti et sur la politique européenne.
Publié: 09.01.2023 à 06:19 heures
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Dernière mise à jour: 09.01.2023 à 07:35 heures
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Pascal Tischhauser

L'année à venir sera éprouvante pour Jürg Grossen. Il est sous surveillance non seulement en tant que chef des Vert'libéraux - le parti qui, selon les sondages, sera le grand vainqueur des élections de 2023 - mais aussi en tant que candidat au Conseil des Etats dans le canton de Berne. Mais l'homme de Frutigen prend cela - comme tout apparemment - avec un calme stoïque. Il ne se laisse pas non plus déstabiliser par la visite de Blick.

Monsieur Grossen, le membre typique des Vert'libéraux est jeune, branché et urbain. Peut-être même une femme. Vous venez de la campagne, vous avez 53 ans et vous êtes plutôt terre à terre. Êtes-vous votre propre antithèse?
Non, je suis le Vert'libéral typique et j'incarne le parti.

Parce que vous ne mangez pas de viande?
Je connais beaucoup de gens dans notre parti qui aiment la viande, et dans ma famille aussi, tout le monde en mange, sauf moi. Je n'ai tout simplement jamais aimé la viande. Mais revenons à la question de départ: je concilie l'écologie et l'entrepreneuriat libéral. Je prouve que l'on peut réussir économiquement si l'on agit de manière écologique et durable.

«Je suis le Vert'libéral typique», déclare le président du parti Jürg Grossen.
Photo: Peter Mosimann
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Le PVL est un parti urbain. A Zurich, vous devriez gagner les élections en février.

Pas dans la ville de Zurich, mais dans le canton. Nous nous développons dans l'agglomération et de plus en plus à la campagne. Il suffit de regarder le canton de Berne! Nous y avons des parts d'électeurs parfois plus élevées qu'à Zurich, et ce, dans les régions rurales. Parce que nous avons les bonnes personnes pour parvenir à cela.

Vous vous développez donc maintenant dans la ceinture périphérique, où les citadins fortunés s'installent. Le PVL est un parti de plus-value.
Je ne dirais pas ça comme ça. Les sondages montrent que nos électrices et nos électeurs ont plutôt des revenus plus élevés que ceux des autres partis. Ce n'est pas négatif, nous attirons en général des gens bien formés et orientés vers la performance, ce qui me réjouit. J'ai moi-même fait un apprentissage professionnel. Dans notre société, il est heureusement possible de gagner quelque chose si l'on est performant. Mais je sais aussi ce que c'est que de ne pas pouvoir payer sa caisse maladie.

Ceux qui en font plus ne sont pas toujours ceux qui s'en sortent le mieux financièrement.
Je suis d'accord. Il faut aussi avoir de la chance dans la vie. Mais ce n'est pas comme si nous n'avions que des gens aisés dans le parti. Vous simplifiez trop les choses.

Votre objectif pour les élections de cet automne est de 10%. Les sondages montrent que vous n'y parviendrez pas.
Nous voulons même dépasser la barre des 10%! Et siéger à nouveau au Conseil des États. Nous pourrions alors prétendre à un siège au Conseil fédéral.

Selon le baromètre électoral, vous obtenez 9,3 %.
Même avec 9,3%, nous aurions fait une belle progression. Mais dans ce cas, nous serions sans doute plus réticents à revendiquer notre entrée au Conseil fédéral. Mais le point central est le suivant: nous ne nous contentons pas de critiquer le Conseil fédéral, nous sommes également prêts à assumer nos propres responsabilités.

Un nombre suffisant de sièges au Conseil national ne suffit pas pour avoir un conseiller fédéral. Il faut une représentation au Conseil des États.
Nous voulons à nouveau siéger au Conseil des États, c'est pourquoi nous nous présentons dans différents cantons. Mais en tant que parti challenger, ce n'est pas facile.

Vous vous présentez vous-même à Berne. Mais votre parti n'a de réelles chances qu'à Zurich.
Je suis heureux que vous donniez de bonnes chances à Tiana Moser à Zurich! Je partage ce point de vue. Mais je suis convaincu que j'ai aussi de réelles chances. Bien sûr, la concurrence est forte à Berne - mais c'est précisément ce qui m'attire!

Votre parti s'est choisi une caractéristique particulière: vous êtes favorables à l'Union européenne. S'agissait-il d'une réflexion purement électorale?
Pas du tout! C'est dans l'ADN du PVL de vouloir avoir des relations régulées avec nos voisins directs et nos principaux partenaires commerciaux. C'est ma conviction à 100%. J'ai voulu émigrer lorsque nous avons rejeté l'EEE en 1992! Nous aurions aussi signé l'accord-cadre avec l'UE. Tel qu'il était présenté. Cela aurait certainement été la meilleure voie pour la Suisse. Mais dans un élan d'arrogance, le Conseil fédéral l'a abandonné. Sans plan B.

Le Conseil fédéral a fait une analyse objective et a jugé que l'accord n'était pas assez bon pour obtenir une majorité du peuple. Qu'en dites-vous?
C'est le contraire du leadership! Sur une question aussi importante, le Conseil fédéral ne peut pas simplement se placer au-dessus du peuple et du Parlement. Il aurait fallu en débattre au Parlement et consulter la population. Je suis convaincu qu'il aurait été possible de gagner cette votation. Mais si, au lieu de cela, on joue la montre et que l'on mène des discussions en coulisses avec des représentants d'intérêts quelconques, cela ne marchera pas. On demande certes l'avis des syndicats et des associations, mais on ne présente pas l'accord aux représentants élus du peuple. C'est un mépris pour le Parlement et cela ne correspond pas à ma conception de la politique démocratique.

En raison des nouvelles règles de transparence, on verra désormais d'où vient l'argent de la campagne électorale. Celui du PVL vient de Bruxelles, n'est-ce pas?
(Rires) Nous n'avons - malheureusement - pas de lien direct avec Bruxelles. En vertu des nouvelles règles de transparence, les dons en provenance de l'étranger sont de toute façon interdits. Mais nous saluons ces règles de transparence. On voit enfin d'où vient l'argent. Nous pouvons rappeler à l'économie ce dont elle profite - des conditions stables - et rappeler quelle est sa responsabilité pour notre pays: nos partis ne sont pas financés par l'Etat. Nous avons besoin d'argent de l'économie, mais cet argent ne doit pas être lié à des conditions.

Alors, d'où le PVL tire-t-il son argent?
Nous recevons des fonds de nombreux petits donateurs et aussi d'acteurs économiques importants. A ma connaissance, certaines grandes entreprises donnent quelque chose à tous les partis. Et je salue le fait que leur générosité soit rendue publique. Les entreprises peuvent et doivent être fières de contribuer au fonctionnement de notre système de milice. Je suis convaincu que les nouvelles règles de transparence apportent plus d'argent aux partis. Les entreprises nous signalent en effet qu'elles font volontiers des dons si tout le monde les déclare proprement en public.

Venons-en encore au thème principal des PVL, l'écologie. Quel regard portez-vous sur la transition écologique qui est à la peine?
Je préférerais que la transformation écologique se fasse plus rapidement. Nous ne serions alors pas aussi dépendants des énergies fossiles et notre approvisionnement énergétique serait plus sûr. Mais nous avons mis beaucoup de choses en place l'année dernière. Je compte désormais sur un fort développement des énergies renouvelables, notamment de l'énergie solaire.

Albert Rösti préfère tout de même miser sur les centrales nucléaires. Cela vous inquiète-t-il?
Albert Rösti ne pourra pas renverser la vapeur. Il est libre de lancer un débat sur les nouvelles centrales nucléaires. Je m'en réjouis. Il montrera ce qu'il en est: les centrales nucléaires de dernière génération n'existent pas encore. Elles arriveraient bien trop tard et personne ne construira de nouvelles centrales nucléaires, car elles ne seront jamais rentables. Albert Rösti a intérêt à fixer d'autres priorités!

A savoir?
Il devrait présenter la deuxième étape de la stratégie énergétique et améliorer ainsi la sécurité d'approvisionnement. Cela ne fonctionnera certainement pas avec de nouvelles centrales nucléaires. Certes, les anciennes centrales seront encore nécessaires plus longtemps, pour autant qu'elles soient sûres, j'en suis convaincu. Mais avec le développement du photovoltaïque, qui est déjà en cours, nous produirons d'énormes excédents d'électricité en été, avec un total de 45 térawattheures par an, que nous pourrons ensuite convertir en carburants et combustibles synthétiques pour les stocker. Nous pourrons les retransformer en électricité en hiver, lorsque nous en aurons besoin. J'attends d'Albert Rösti qu'il apporte des solutions concrètes à ce problème et je le soutiendrai dans cette démarche.

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