Le système de santé en crise
Les hôpitaux psychiatriques suisses sont aussi complètement débordés

Le système de santé suisse est en crise, ce qui se répercute sur les hôpitaux psychiatriques. En raison des longs délais d'attente, les gens tombent malades de manière chronique. Et il y a un manque d'offres pour les jeunes.
Publié: 28.12.2022 à 06:12 heures
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Dernière mise à jour: 28.12.2022 à 06:47 heures
Celine Trachsel et Myrte Müller

Le système de santé suisse repose sur des bases fragiles: manque de personnel soignant, nombre insuffisant de lits, nombre croissant de malades, surcharge permanente en cas d'urgence. Et cela crée un effet domino: les établissements médicaux qui s'occupent de la santé mentale sont également touchés.

«Nous sommes bien sûr, nous aussi, touchés par la pénurie de personnel qualifié, en premier lieu dans le domaine des soins», explique Marc Stutz, porte-parole de la clinique psychiatrique universitaire de Zurich. «Les postes peuvent souvent être pourvus moins rapidement.»

Patients transférés vers des institutions psychiatriques

Outre le manque de personnel qualifié, la crise hospitalière a aussi des conséquences directes: les patients sont transférés le plus rapidement possible des hôpitaux vers les institutions psychiatriques lorsque certaines conditions sont remplies – par exemple l'abus de drogues ou les tentatives de suicide.

«Les pensées suicidaires chez les jeunes ont augmenté pendant la pandémie», souligne à Blick Alain Di Gallo, médecin-chef pour les enfants et les adolescents des cliniques psychiatriques universitaires de Bâle.

«Comme les urgences des hôpitaux sont fréquemment surchargées, les patients sont rapidement transférés vers d'autres structures, développe le directeur de la clinique Lorenzo Folini, de la clinique privée Santa Croce à Orselina (TI). Les personnes toxicomanes, par exemple, atterrissent en principe chez nous, en psychiatrie.»

Le manque de médicaments entraîne par ailleurs une augmentation des séjours en clinique. «Certains patients doivent être hospitalisés dans un établissement psychiatrique en raison de la non-disponibilité d'un médicament donné», explique Jochen Mutschler, médecin-chef des services hospitaliers à la psychiatrie de Lucerne. Il manque par exemple d'Antabus - un médicament destiné à prévenir les rechutes en cas d'abus d'alcool.

De longs délais d'attente

«Nous sentons que la pression des admissions augmente dans nos trois cliniques», continue Jochen Mutschler. Le nombre de malades est également en hausse. «L'une des raisons est la déstigmatisation des différentes maladies psychiques, ce qui entraîne une augmentation de la demande. Un autre élément est la croissance démographique, aussi perceptible chez nous, et, finalement, on constate dans le monde entier davantage de dépressions et de maladies anxieuses depuis la pandémie de Covid-19. On parle d'une augmentation de 25%». Résultat: «Nous avons une forte demande de thérapies ambulatoires et sommes en même temps bien occupés en soins stationnaires».

Pour les offres de thérapies ambulatoires, les personnes concernées doivent parfois chercher loin avant de trouver un thérapeute. Selon Jochen Mutschler, en Suisse centrale, les délais d'attente pour les patients ambulatoires sont parfois si longs que leur maladie peut devenir chronique entre-temps.

Toujours est-il que «nous n'avons encore jamais dû refuser des patients aigus qui présentaient un danger pour autrui ou pour eux-mêmes». Le manque de lits n'est pas encore un problème en Suisse à l'heure actuelle, affirme Erich Seifritz, président de l'association Swiss Mental Healthcare. «La Suisse a une très forte densité de spécialistes en psychiatrie et psychothérapie et dispose d'une excellente situation en matière de soins pour les maladies psychiques».

Inégalités entre régions

Il existe néanmoins des domaines dans lesquels la prise en charge des maladies psychiques devrait être améliorée, explique Erich Seifritz. «Cela concerne en général les régions rurales, les enfants et les adolescents ainsi que les patients atteints de maladies psychiques graves et complexes». Dans le domaine de la jeunesse, davantage de capacités hospitalières sont actuellement créées.

«Les pensées suicidaires chez les jeunes ont augmenté pendant la pandémie», souligne à Blick Alain Di Gallo, médecin-chef pour les enfants et les adolescents des cliniques psychiatriques universitaires de Bâle. En conséquence, les demandes d'offres psychiatriques ont également massivement augmenté depuis 2020. «Dans toute la Suisse, nous ne pouvions plus traiter immédiatement que les cas d'urgence ainsi que les enfants et les adolescents en crise grave. Les cas moins graves devaient attendre longtemps. Ce manque de soins était déjà connu avant la pandémie, mais il s'est maintenant aggravé». Certains cantons ont tout de même débloqué des fonds pour les jeunes. «Nous avons pu en partie créer davantage d'offres, et certaines cliniques ont modérément augmenté leur personnel. Mais comme par le passé, de nombreux cabinets n'acceptent pas de nouveaux patients, ce qui entraîne une ruée persistante».

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