Le vice-président des médecins suisses s'exprime sur la hausse des primes maladie
«Les pays qui ont étatisé leur système de santé ont fini par payer plus cher, pour moins de soins»

Le Dr Philippe Eggimann, vice-président de la FMH, s'exprime suite à la conférence d'Alain Berset sur la hausse des primes d'assurances. Le praticien met en garde contre les systèmes de santé étatisés.
Publié: 26.09.2023 à 19:24 heures
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Dernière mise à jour: 07.11.2023 à 12:04 heures
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Lucie FehlbaumJournaliste Blick

Le Dr Philippe Eggimann, vice-président de la Fédération des médecins suisses (FMH), a suivi la conférence de presse d'Alain Berset, ce mardi. La hausse des prix annoncée, en moyenne 8,7% au niveau national, fait frémir les assurés. Mais le docteur croit au système de santé suisse. Le basculement vers l'ambulatoire, qui est une bonne chose, coûte cependant cher aux primes.

Dr Philippe Eggimann, qu'est-ce qui a vraiment retenu votre attention dans la conférence d'Alain Berset sur la hausse des primes d'assurance maladie?
Un élément positif, et très nouveau, c’est qu’il est enfin admis que le système est de très bonne qualité. En termes d’accessibilité et de qualité des soins, c'est probablement le meilleur au monde. On a montré avec la pandémie de Covid-19 une capacité d’adaptation et de résilience. En 2022, on a regagné les quelques mois d’espérance de vie perdus à cause de la pandémie. Il n’y a que deux pays au monde qui ont réussi à rééquilibrer cela.

Mais cela a un coût qui pèse de plus en plus lourd sur le portefeuille…
En Suisse, 11,3% de notre produit intérieur brut (PIB) est consacré au coût de la santé. Les États-Unis y consacrent 16,6%, mais certes, il s’agit d’un cas spécial. Nous ne sommes pas le pays le plus cher au monde dans ce domaine. Les pays voisins dépensent tous une proportion de leur PIB plus grande que la nôtre pour les soins. En France, le taux s'élève à 11,9%, 11,4% en Autriche et jusqu’à 12,7% en Allemagne. J’ai entendu dire que le système de santé était fabuleux au Japon, mais il revient à 11,5% de leur PIB.

Le docteur Philippe Eggimann estime que le système de santé suisse est l'un des meilleurs au monde.
Photo: Keystone

Pourtant l’augmentation des primes n’est pas près de s’arrêter, on parle depuis quelques mois de la fin d’un système.
Ce qui coûte cher aux primes, c’est que l’on transfère de plus en plus d’actes médicaux auparavant pratiqués à l’hôpital en ambulatoire. Dans un hôpital, la prise en charge est payée à 55% par le canton et à 45% par l’assurance. En ambulatoire, l’assurance assume 100% du coût. C’est ce qui explique pourquoi la hausse est plus élevée en Romandie: les cantons francophones ont pris de l’avance pour transférer la médecine vers l’ambulatoire.

Et c’est une bonne chose?
Oui, pour le confort du patient, mais aussi parce que cela coûte moins cher. Un consensus général existe en faveur de l’ambulatoire, mais tout ce qu’on sort de l’hôpital fait augmenter les primes plus vite que les coûts de la santé.

Les primes vont donc continuer de s’envoler?
Les hausses seraient moins importantes si les réformes qui ont été proposées par les assurances et les prestataires n’étaient pas bloquées par le Conseil fédéral. Alain Berset a dit aujourd’hui qu’il n’avait pas su comment faire, mais il a bloqué le projet Tardoc, qui remplace l’obsolète Tarmed. Pourtant, une vaste majorité des médecins, y compris à l’hôpital, et des assureurs soutient la nouvelle structure tarifaire ambulatoire. Elle est prête depuis trois ans. Alain Berset l’a bloquée dans une volonté d’augmenter les compétences subsidiaires de la Confédération. Une forme de début d’étatisation, quelque part.

Un système à éviter, selon vous?
On le voit en Angleterre, en France, en Autriche: les pays qui ont étatisé leur système de santé ont fini par payer plus cher pour moins de soins. Une nouvelle structure tarifaire permettrait, en Suisse, d’intégrer ce qu’on appelle «smarter medicine», ou «moins, c’est parfois mieux.»

Donc, nous aurions moins de soins, pour plus cher?
Non, il ne s’agit pas du tout de rationner, mais de contextualiser. Vingt spécialités médicales ont publié leurs listes de cinq examens ou cinq traitements qu’on ne devrait pas ou plus pratiquer. Par exemple, avant de faire un scanner pour un mal de dos, il faut prendre le temps d’examiner. Expliquer au patient pourquoi le scanner n’est pas toujours nécessaire, discuter. Rationner, comme au Royaume-Uni, c’est par exemple décider qu’à partir d’un certain âge, on ne dépiste plus certains cancers, comme celui du sein après la ménopause, car les risques sont minimes. Ça n’est absolument pas ce vers quoi nous voulons tendre.

Comment imaginer la suite ?
Il faut baisser la pression politique, avec les élections du 22 octobre de nombreuses propositions ont été faites par les politiques dans le cadre de leurs campagnes, qui seront probablement oubliées s’ils sont élus. Les pistes qu’on aimerait mettre en route sont un peu bloquées derrière. Il nous faut trouver également un Conseil fédéral qui ait des compétences subsidiaires sans chercher à les augmenter. Nos coûts augmentent moins que les pays voisins, nos prestations sont meilleures. On ne fait pas tout faux…

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