Les actionnaires en colère
Une vague de plaintes devrait déferler sur les décideurs de Credit Suisse

La dernière Assemblée générale de Credit Suisse a laissé de nombreuses questions en suspens. Pour les experts du secteur financier, une vague de plainte pourrait déferler sur les responsables de la banque.
Publié: 05.04.2023 à 06:30 heures
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Dernière mise à jour: 05.04.2023 à 08:02 heures
La direction de CS, sous la présidence d'Axel Lehmann, est confrontée à des suites judiciaires qui dureront des années.
Photo: AFP
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Christian Kolbe

Tout s’est finalement passé très vite: après seulement cinq heures, la dernière assemblée générale (AG) de Credit Suisse s’est terminée et la banque appartiendra bientôt à l’histoire ancienne. Avant cela, Credit Suisse occupera encore longtemps la politique, les tribunaux, les médias, les juristes, les économistes et les historiens.

La fin rapide de l’AG est liée au fait que le président du conseil d’administration Axel Lehmann n’a pas pu fournir de réponses à toutes les questions des actionnaires. Dans quelle mesure Credit suisse était-il vraiment en mauvaise posture juste avant de devoir être sauvé par l’UBS? La chute de de la banque aurait-elle pu être évitée? Qui est responsable de la faillite de l'établissement? Comment en est-on arrivé à la «décapitation financière des actionnaires», comme le qualifiait le spécialiste du droit des actions Peter V. Kunz?

Autant de questions que Vincent Lehmann n’a pas pu ou voulu aborder lors de l’AG, notamment pour des raisons juridiques.

Le «cri de justice» était clairement perceptible dans le vaste ovale du Hallenstadion, les revendications allant de l’interdiction professionnelle à la prison pour les responsables de la chute de de Credit Suisse. Pour de nombreux actionnaires, il s’agit de faire en sorte que la débâcle de la banque, unique dans l’histoire, soit également traitée sur le plan juridique.

Envie de porter plainte

C’est aussi l’avis de Vincent Kaufmann, directeur de la fondation d’investissement Ethos: «Les actionnaires ont perdu beaucoup d’argent, mais ils posent les bonnes questions. Il s’agit de déterminer la responsabilité de cette débâcle, non seulement du conseil d’administration, mais aussi du Conseil fédéral.»

On parle d'«action en responsabilité». Vincent Kaufmann est toutefois sceptique quant à la possibilité d’en arriver là un jour. «Pour une telle action, il faut beaucoup d’argent», souligne le directeur d’Ethos.

L’actionnaire Alex Christian Bauer demande à ses collègues de fonder une association et de s’opposer juridiquement à la reprise de Credit Suisse par l’UBS. Selon lui, cela constitue une atteinte au droit de propriété. Il se réfère par ailleurs à la Convention européenne des droits de l’homme. «Nous avons été expropriés. C’est illégal.»

La Confédération également dans le collimateur

Peter V. Kunz est convaincu que l’AG et le naufrage de la banque auront des suites juridiques: «Il y aura des plaintes.» Contre le conseil d’administration de Credit Suisse, mais aussi contre l’UBS, qui prendra bientôt la succession juridique du numéro deux bancaire helvétique. Car il y a beaucoup d’argent en jeu: les actionnaires principaux du Proche-Orient ont justement laissé partir des milliards de francs dans le sable avec leur investissement au sein de l'établissement financier.

Enfin, le Conseil fédéral, qui a imposé la reprise par le droit d’urgence, pourrait également se retrouver sur le banc des accusés: «La Confédération doit s’attendre à ce que des plaintes en responsabilité de l’État soient déposées dans les prochains mois», estime Peter V. Kunz. Et d’ajouter: «J’espère que les personnes concernées se sont déjà préparées à de telles actions en justice.»

Il y aura donc beaucoup à faire pour les juristes, mais aussi les politiciens. Une session spéciale sur l'affaire Credit Suisse est prévue la semaine prochaine. Une commission d’enquête parlementaire (CEP) a ainsi de bonnes chances d’être mise sur pied. L’autorité de surveillance des marchés financiers pourra alors bientôt faire davantage lumière sur l'événement. La Finma a invité les médias à une conférence de presse ce mercredi.

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