Drogue du violeur au carnaval?
Rumeurs de piqûres au GHB à Sion: les activistes ne croient pas la police

Deux associations valaisannes et la coprésidente des femmes socialistes suisses Mathilde Mottet relaient un appel à témoins relatant des cas de piqûres au GHB lors du Carnaval de Sion. Après enquête, la police parle de rumeurs. Les militants ne sont pas convaincus.
Publié: 23.02.2024 à 17:13 heures
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Dernière mise à jour: 24.02.2024 à 09:31 heures
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Lucie FehlbaumJournaliste Blick

«Carnaval, c'est chouette mais c'est encore mieux quand personne n'est mis.e en danger. Plusieurs cas de piqûres aux GHB ont eu lieu durant cet événement: cela ne doit plus se reproduire.» Ce message inquiétant a été relayé sous forme d'appel à témoins après le carnaval de Sion.

Le collectif femmes Valais et l'association valaisanne contre le harcèlement (AVAH) l'ont publié de concert en vue d'une lettre ouverte, destinée au Département de la santé, à la police et à «toutes les institutions concernées» pour parler de la drogue du violeur. Cette dernière peut être injectée à une tierce personne par piqûre. Mathilde Mottet, coprésidente des femmes socialistes suisses, par ailleurs élue communale (législatif) à Monthey (VS), a relayé l'appel sur Instagram.

Investigations qui ne donnent rien

Si le message des militants est écrit à l'affirmative, la police cantonale valaisanne, contactée par Blick, parle de racontar. Elle a été «informée de ces cas le soir en question, rapporte Stève Léger, porte-parole. Nous avons mené nos investigations qui ont démontré qu’il ne s’agissait que d’une rumeur.» Béatrice Pilloud, la procureure générale du canton, confirme.

Des rumeurs de piqûres au GHB, notamment sur la place de la Planta à Sion durant Carnaval, ont été relayées sous formes d'appel à témoins par le collectif femmes Valais, l'Association valaisanne contre le harcèlement et l'élue socialiste montheysanne Mathilde Mottet.
Photo: Keystone

Selon la radio locale Rhône FM, cinq signalements ont été enregistrés, mais aucun cas n'a pu être confirmé. Le communicant des forces de l'ordre poursuit: «Ces dernières années, lors de grandes manifestations, nous sommes amenés à constater que régulièrement, la rumeur publique parle 'd’ajouts dans des verres' ou de 'piqûres'. Jusqu’ici, aucun cas avéré n'a été enregistré.»

Les soupçons de piqûres au GHB sont-ils donc une sorte de canular populaire anxiogène? Par le passé, plusieurs rumeurs ont été colportées à la suite de festivals ou de soirées en boîtes, sans que la présence de drogue du violeur ne puisse réellement être attestée (lire dans l'encadré).

Des cas compliqués à vérifier

En novembre 2021, 49 élèves de l'École hôtelière de Lausanne se trouvaient au cœur d'un scandale relayé sur les réseaux sociaux. Elles auraient toutes été droguées lors d'une soirée au Mad Club, dans la capitale vaudoise. Finalement, l'information s'est révélée fausse.

En 2022, plusieurs personnes s'étaient présentées au CHUV pour des faits similaires, dans la foulée du festival Balélec. Une seule plainte, la première sur sol vaudois, avait été déposée. Dans l'article publié par Blick à l'époque, le porte-parole de la police vaudoise Alexandre Bisenz tenait un discours préventif. «[Les gens] doivent aller dans un centre médical le plus rapidement possible s’ils pensent avoir été drogués à leur insu. La plupart des substances utilisées quittent le corps très rapidement.»

En novembre 2021, 49 élèves de l'École hôtelière de Lausanne se trouvaient au cœur d'un scandale relayé sur les réseaux sociaux. Elles auraient toutes été droguées lors d'une soirée au Mad Club, dans la capitale vaudoise. Finalement, l'information s'est révélée fausse.

En 2022, plusieurs personnes s'étaient présentées au CHUV pour des faits similaires, dans la foulée du festival Balélec. Une seule plainte, la première sur sol vaudois, avait été déposée. Dans l'article publié par Blick à l'époque, le porte-parole de la police vaudoise Alexandre Bisenz tenait un discours préventif. «[Les gens] doivent aller dans un centre médical le plus rapidement possible s’ils pensent avoir été drogués à leur insu. La plupart des substances utilisées quittent le corps très rapidement.»

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Relayer des rumeurs

Quelles précautions prennent les collectifs féministes avant de relayer ces informations? La question se pose notamment quant à leur responsabilité de vérité. Stéphane Torrent, membre du collectif d'AVAH, reconnaît que «l'usage du conditionnel aurait peut-être été mieux».

Stéphane Torrent est membre du comité d'AVAH, l'association valaisanne contre le harcèlement.

Cependant, il juge légitime de mettre en garde la population. Et ne pense pas que le message génère de la peur — «la mise en garde est légitime», dit-il.

«Un peu la honte» pour la police

De son côté, l'élue socialiste Mathilde Mottet est plus incisive. Elle trouve «que c'est un peu la honte que ce soit les associations qui doivent lancer des appels à témoins, alors que ça devrait être le travail de la police.» Pour elle, cela montre que le problème n'est pas pris au sérieux.

Le message des forces de l'ordre, estime l'élue, «c'est 'si personne n'est venu à la police pour faire état de preuves juste après l'agression, alors ce n'est pas arrivé'. Ce n'est pas un signal encourageant pour les potentielles victimes qui aimeraient porter plainte dans les prochains jours.»

Mathilde Mottet, coprésidente des femmes socialistes suisses, parlementaire communale à Monthey (VS).
Photo: KEYSTONE

La réponse de la police serait donc à prendre avec des pincettes. Le GHB disparaît de l'organisme au bout de 12 heures, rappelle Mathilde Mottet. «Si vous avez été droguée le soir, le matin, la substance aura disparu. C'est très difficile à prouver.» La parlementaire communale choisit de croire ceux qui ont rédigé l'appel à témoins, et trouve que la police pourrait faire bien plus de prévention, avec les moyens et connaissances dont elle dispose.

Le Valais n'a «pas totalement conscience» du GHB

Des victimes inquiètes de ne pas être prises au sérieux, Stéphane Torrent l'a vécu. Il administre aussi une salle de concert, le Port Franc, où deux personnes ont été droguées au GHB en 2019 et 2020. «L'association valaisanne contre le harcèlement existe parce qu'elles n'ont pas voulu porter plainte, explique le membre d'AVAH. On a réalisé qu'il n'y avait pas de structure en Valais pour les encadrer.» Et quand l'administrateur a voulu signaler un cas, on lui a répondu, se rappelle-t-il, qu'il s'agissait «de jeunes qui ont trop bu et qui disent avoir été drogués, car ils n'assument pas».

Stéphane Torrent ne craint pas que le message relayé après Carnaval alarme inutilement la population. «Il ne faut pas que les gens aient peur et pensent que Sion, c'est la zone. Mais il faut une prise de conscience. Le GHB circule, c'est sûr. En Valais, j'ai l'impression que les gens n'en ont pas totalement pris conscience.» Le membre du collectif d'AVAH se réjouit de la promotion prévue par la Ville de Sion en mai, qui mettra en avant les «capotes» à placer sur les verres pour recouvrir leur contenu.

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