Les astuces d'Alain Berset
Les conseillers fédéraux bourgeois voulaient la retraite à 66 ans

Le Conseil fédéral a failli recommander de voter «Oui» à l'initiative sur les rentes des jeunes libéraux-radicaux. Les conseillers fédéraux UDC et PLR plaidaient pour l'approuver. C'est alors qu'Alain Berset est intervenu.
Publié: 08.01.2022 à 11:22 heures
Ruedi Studer

Ce sera la votation populaire la plus importante de l'année: les électeurs se prononceront – probablement en septembre – sur la réforme de l'AVS et donc sur l'augmentation de l'âge de la retraite des femmes à 65 ans. Si elle est rejetée, tout sera à renégocier, ce qui promet un nouveau blocage qui durera des années.

Au milieu de ce conflit délicat, les conseillers fédéraux UDC et PLR ont mis des bâtons dans les roues de leur homologue Alain Berset. En automne, le Conseil fédéral débattait de la position que les sept Sages devaient adopter face à l'initiative populaire de l'Union syndicale suisse pour une 13e rente AVS ainsi que sur l'initiative des jeunes libéraux-radicaux pour une retraite plus élevée à 66 ans et plus pour tous.

Alors que le non à la 13e rente AVS n'était pas contesté (trop cher), Alain Berset s'est retrouvé brusquement isolé dans son rejet de l'initiative sur les rentes des jeunes PLR: les conseillers fédéraux UDC Ueli Maurer et Guy Parmelin, ainsi que le magistrat PLR Ignazio Cassis, penchaient plutôt vers un oui à l'initiative sur les rentes, comme CH Media l'avait rapporté à l'époque.

Le ministre des Affaires sociales Alain Berset a bataillé pour éviter une recommendation positive du Conseil fédéral à l'initiative des jeunes PLR.
Photo: Keystone

Selon nos informations, c'était également le cas de la conseillère fédérale PLR Karin Keller-Sutter, qui considérait l'initiative comme «digne d'être acceptée». Mise sous pression par la proposition d'Ignazio Cassis, elle n'a pas vu d'autre possibilité que de se positionner en faveur de l'initiative, dit-on dans la Berne fédérale.

Pour Ignazio Cassis, il s'agissait d'une «réforme structurelle à long terme»

Des documents officiels obtenus par Blick sur la base de la loi sur la transparence confirment l'image d'un quatuor UDC/PLR en faveur de l'âge de la retraite à 66 ans. Le secrétariat général du Département des affaires étrangères a demandé à Ignazio Cassis d'accepter l'initiative sur les retraites ou du moins un contre-projet indirect «qui reprend le contenu central de l'initiative et prévoit d'autres éléments pour stabiliser les finances de l'AVS».

Le Département des affaires étrangères s'est agacé de l'argumentation d'Alain Berset selon laquelle l'initiative sur les retraites serait en contradiction avec la réforme de l'AVS. Au contraire, celle-ci serait complétée : «alors que la réforme de l'AVS-21 couvre la période allant jusqu'en 2030, l'initiative sur les rentes vise une réforme structurelle à long terme». Si Alain Berset ne devait pas entrer en matière, le DFAE souhaitait que la différence soit officiellement indiquée dans le document de discussion.

Tir de barrage du Département des finances

Du côté du département des finances de Maurer, l'Administration fédérale des finances (AFF) s'est également prononcée en faveur de l'acceptation, tout comme le Secrétariat d'Etat aux questions financières internationales (SFI). En recommandant un oui à l'initiative, le Conseil fédéral pourrait signaler son «engagement pour une stabilisation à long terme de l'AVS (au-delà de 2030)», a souligné la directrice de l'AFF, Sabine D'Amelio-Favez. En référence aux déficits qui menacent les comptes de l'AVS, elle a estimé que «toutes les approches susceptibles de désamorcer cette situation qui se dessine doivent, à notre avis, être poursuivies activement».

L'initiative sur les rentes soulagerait l'AVS d'environ 2,5 milliards de francs en 2030. «En faisant évoluer l'âge de la retraite avec l'espérance de vie, on crée un stabilisateur automatique (règle budgétaire) dans le premier pilier qui est bienvenu et souhaitable et qui pose les bons jalons», a déclaré Mme D'Amelio-Favez. Elle souligne également que d'autres recettes seront nécessaires pour un paquet de réformes équilibré après 2030.

Pour stabiliser la prévoyance vieillesse à long terme, il faudra non seulement des réformes de l'AVS et de la prévoyance professionnelle, mais aussi un relèvement de l'âge de la retraite, a lancé le SFI. En toute logique, le Conseil fédéral devrait également soutenir une initiative qui prévoit cela et «informer la population de manière neutre, qui s'appuie sur le fait en réalité réjouissant de l'augmentation sensible de l'espérance de vie, avec toutes les conséquences que cela implique». L'automatisme prévu place la durabilité de l'AVS au premier plan «et dépolitise donc dans une certaine mesure le paramètre de l'âge de la retraite».

Le Seco de Parmelin pour l'équité entre les générations

Pour contrer les oppositions des autres départements, Alain Berset a réagi. Il a commencé par présenter l'initiative sur les retraites comme un contre-projet à la réforme de l'AVS, ce qu'elle «n'est pas de facto», a critiqué le Secrétariat d'Etat à l'économie (Seco) du département de l'économie de Parmelin. L'automatisme de l'adaptation de l'âge de la retraite apporte «une contribution positive à la stabilisation financière de l'AVS ainsi qu'à l'équité entre les générations».

En outre, les fonctionnaires de l'économie ont déploré que le département de l'intérieur présente dans son document la situation du marché du travail pour les travailleurs âgés de manière trop négative. Selon le Seco, «il manque une appréciation de l'importance élevée et croissante de ce groupe pour le marché du travail» et il a demandé à Berset d'y remédier. Celui-ci a également repris l'idée selon laquelle le relèvement de l'âge de la retraite devrait répondre à la «demande croissante de main-d'œuvre qualifiée».

Le tour de passe-passe de Berset

Alain Berset n'en est pas resté là. Lorsqu'il s'est rendu compte qu'il pourrait se heurter à un mur avec sa proposition et que la majorité UDC/PLR pourrait recommander l'acceptation de l'initiative sur les retraites, il a retiré sa proposition sans hésiter.

Lors d'une tournée des départements, il a expliqué clairement à ses collègues dissidents, lors d'entretiens individuels, ce que signifierait la recommandation du oui. A savoir la mise en danger de la réforme actuelle de l'AVS, puisque les opposants pourraient faire valoir l'argument que si le Conseil fédéral était pour une augmentation de l'âge de la retraite à 66 ans, il pourrait ne pas vouloir en rester là et proposer, à l'avenir, 67 ou même 68 ans.

Pour balayer les rapports précédents, Alain Berset a eu recours à une astuce: au lieu de demander un double non dans une seule proposition comme jusqu'à présent, il a divisé sa proposition en deux propositions de non séparées. Ce tour de passe-passe a permis de relancer la procédure. Et cette fois-ci, les représentants de l'UDC, en particulier, ont fait preuve de retenue.

Renvoyés à la prochaine réforme

Lors de la séance décisive, ils se sont laissés consoler par le fait que le Conseil fédéral devait de toute façon présenter au Parlement, d'ici fin 2026, un nouveau projet d'AVS pour la période 2030-2040.

Dans sa note de discussion, Alain Berset admet donc qu'une augmentation de l'âge de la retraite au-delà de 65 ans est «inévitable à moyen terme». Cette augmentation ne doit toutefois pas être automatique, mais légitimée démocratiquement par des décisions politiques du Parlement et du souverain. L'âge de la retraite n'a pas seulement une dimension démographique, mais aussi une dimension sociopolitique, a expliqué le ministre des Affaires sociales.

Fin novembre, le Conseil fédéral a approuvé l'orientation générale. Alain Berset doit maintenant présenter son message sur la 13e rente AVS d'ici fin mai et celui sur l'initiative sur les retraites d'ici mi-juillet.

(Adaptation par Jocelyn Daloz)

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