Les indices mènent à... Chypre
Qui est derrière les fausses pubs d'investissement sur les réseaux?

Les fausses publicités de célébrités sur les réseaux sociaux, qui cachent généralement des arnaque aux investissements, pullulent de plus en sur le web. La cellule enquête de la SRF est partie sur les traces des arnaqueurs en ligne, qui mènent à... Chypre.
Publié: 08.09.2024 à 14:00 heures
Blick_Daniella_Gorbunova.png
Daniella GorbunovaJournaliste Blick

Nous avons toutes et tous constaté qu'elles inondent les réseaux sociaux et le web, ces derniers temps: ces fausses annonces tapageuses, qui promettent de vous faire gagner le pactole en investissant quelques francs sur un site web douteux. Pour mieux hameçonner les victimes, une célébrité locale — de Roger Federer à Alain Berset en passant par des présentateurs de la RTS — est en général mise en scène, évidemment à son insu.

Si vous avez le malheur d'y mettre 50 francs, puis 500 francs, puis 5000 francs, voire plus, vous avez de très fortes chances de ne jamais retrouver vos économies. Lorsque vous comprenez que vous vous êtes fait avoir, de manière certainement pas très légale, la justice suisse n'y peut rien ou pas grand-chose: la société avec qui vous avez choisi d'ainsi «faire affaire» se trouve à l'étranger, tout comme ses propriétaires. 

Face à la prolifération de ces pubs malveillantes, nos confrères de la cellule enquête de la SRF sont partis sur les traces de l'un de ces réseaux d'arnaqueurs en ligne. Traces qui mènent à… Chypre, dévoile le service public, dans une enquête publiée début juillet sur les plateformes de la SRF, et le dimanche 8 septembre sur celles de la RTS.

Face à la prolifération des arnaques à l'investissement en ligne, la SRF est partie sur la piste des malfrats. (Image d'illustration)

La justice suisse impuissante

Alors que, rien qu'en Suisse alémanique, «les ministères publics confirment des dizaines de plaintes pénales en lien avec les prétendues plateformes d'investissement du réseau de Chypre», la justice suisse reste souvent impuissante face aux malfrats. Les auteurs étant basés à l'étranger, ils ne sont que trop difficilement identifiables…

Mais nos confrères ont mis le doigt sur sept de ces plateformes du «réseau de Chypre», dont les structures sont presque identiques: Inefex, InvesaCapital, InvestMarkets, ForexTB, OBRInvest, Investous et 24Option. Derrière ces sites — d'après le registre du commerce de l'île — des sociétés liées entre elles, et des personnages récurrents.

Un modus operandi précis

Pour les besoins de l'enquête, la SRF s'est créée un compte sur une de ces plateformes sous un faux nom. Si ces plateformes «avertissent qu'il s'agit de paris financiers à haut risque et indiquent qu'elles ne font aucune recommandation d'achat de produits financiers», les promesses des annonces et l'incitation à investir toujours plus lors de conversations téléphoniques contrastent avec ce semblant de transparence. À noter cependant qu'à la fin de son enquête, la SRF a (contre toutes attentes) retrouvé son investissement, bénéfice compris.

En fait, l'une des particularités de ce «réseau de Chypre», c'est de faire naître des sites web comme des petits pains: dès que la fiabilité de l'un est trop compromise, ou qu'il est dans le viseur des autorités, un autre apparaît aussitôt. Un cas cité dans l'enquête est celui de 24Option, aujourd'hui hors ligne.

Et c'est un cas d'école car c'est l'un des rares à avoir été pincé par la justice: «deux anciens employés de cette plateforme ont été reconnus coupables d'escroquerie par métier en Allemagne l'année dernière.» Alors que l'entreprise frauduleuse avait un air «sérieux», et était même «partenaire officiel du club de football de la Juventus de Turin»…

Tête pensante ou homme de paille

Et Chypre, là-dedans? Il se trouve que le directeur général de 24Option était un homme d'affaires domicilié sur l'île, justement, d'après le registre du commerce. C'est également lui qui serait au centre du «réseau de Chypre», propriétaire de K.C. Firiakis Services Ltd — firme qui serait au cœur de la gestion et de la coordination de toutes ces arnaques.

Confrontée par la SRF, l'entreprise chypriote a rejeté ces allégations, les qualifiant de «fausses accusations non prouvées». Les plateformes elles-mêmes n'ont pas non plus répondu aux sollicitations de nos confrères. Et la grande question demeure: où va tout cet argent? On ne sait toujours pas qui l'empoche au bout du compte.

Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la