Les mauvaises surprises du congé maternité en Suisse
«Je n'ai passé que deux mois à la maison avec mon bébé»

Une solution à un problème peut parfois en créer un autre. C'est le cas de la nouvelle loi sur le congé maternité, qui place comme date de début celle de l'accouchement, plutôt que du retour à la maison. Une situation difficile à gérer avec des «très grands prématurés».
Publié: 30.03.2022 à 15:40 heures
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Alexandre Cudré

«Je laisse mon bébé à seulement deux mois de vie, contre cinq mois pour les mères 'normales'.» Marie, 34 ans, est remontée. Non seulement son bébé est né grand prématuré – et souffre en conséquence de problèmes de santé – mais la loi actuelle l’a forcée à retourner au travail plus tôt que prévu. Cela alors même qu’elle a déjà sacrifié toutes ses vacances annuelles pour donner la vie.

La jeune femme, qui témoigne sous pseudonyme, raconte son calvaire dans les colonnes de la «Tribune de Genève». Sa petite Camila, née avec quatre mois d’avance, a dû être «sortie deux minutes par césarienne» alors que le placenta de Marie se décollait. Une expérience brutale, d’autant plus qu’elle avait déjà subi une fausse couche lors d’une précédente grossesse.

À la naissance, l’enfant pèse 630 grammes. Au bout de sept jours, le nourrisson arrête soudain de respirer. La mère et le bébé restent donc en néonatalogie durant plusieurs semaines. En rentrant à la maison, la désillusion est rude: pour passer le plus de temps possible avec son enfant, Marie doit poser toutes ses vacances de l’année. Ce qui ne lui permet cependant que de profiter de deux mois de récupération.

Certains bébés nés «très prématurés» doivent disposer de soins aigus durant de longues semaines à l'hôpital.
Photo: AFP

Une lacune comblée provoque d’autres problèmes

En cause: la modification de la loi, dont le changement a été acté en juillet dernier. Auparavant, le congé maternité commençait une fois l’arrivée du bébé à la maison. Un délai de trois semaines, durant lequel le congé pouvait être repoussé, était prévu pour les prématurés.

Mais le système présentait une lacune, justement à cause des «très grands prématurés». Un cas a fait jurisprudence en 2008: un employeur refusait de payer son salaire à une femme lors de son séjour à l’hôpital, après la naissance de son bébé prématuré de plus de trois semaines.

«Le versement du salaire durant la phase de report n’était pas garanti» et «la mère ne bénéficiait pas de protection contre le licenciement au-delà des 16 semaines après l’accouchement», indique l’Office fédéral des assurances sociales, cité par le média genevois.

Les syndicats dénoncent le problème

Avec la nouvelle loi, l’allocation maternité est versée dès l’accouchement, avec jusqu’à 56 jours supplémentaires dès l’arrivée à la maison. Pour les très grands prématurés, illustrés par le cas de Marie, cela pose un autre problème: même en posant toutes ses vacances, elle n’a pu passer que deux mois à la maison avec son enfant. «Ces 56 jours ne sont pas suffisants», explique Marie dans le quotidien du bout du lac.

Les syndicats dénoncent également le problème. Pour le SIT, «toute la période d’hospitalisation jusqu’à la sortie devrait être couverte par les assurances perte de gain pour permettre aux mères de conserver 80% de leur revenu et pouvoir se maintenir en emploi». Des situations notamment difficiles pour les employées de PME ou les indépendantes.

La solution? «Un congé parental plus long, à l’image de ce que font certains pays d’Europe du Nord», assène l’association Né Trop Tôt. Mais l’Office fédéral des assurances sociales est prompt à écarter cette solution: «des hospitalisations prolongées peuvent aller jusqu’à une année», ce qui rend impossible «une prise en charge complète».

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