Le grand silence politique
Les partis traînent la patte pour défendre la loi Covid

Si les opposants à la loi Covid se font entendre, les partis en faveur du texte sont restés particulièrement silencieux jusque-là. Les associations culturelles et touristiques, directement menacées par un potentiel rejet de la loi, sont contraintes de prendre le relai.
Publié: 12.10.2021 à 06:05 heures
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Dernière mise à jour: 12.10.2021 à 11:43 heures
Qui gagnera la bataille sur la loi Covid?
Photo: Keystone
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Ladina Triaca, Christian Kolbe, Katja Richard et Matthias Dubach

On n’entend pratiquement qu’eux ces derniers temps. Les opposants à la modification de la loi Covid, qui doit être votée le 28 novembre prochain, manifestent depuis des semaines, collectent des dons et militent activement sur Facebook et Telegram pour son rejet.

Les défenseurs de la loi, en revanche, sont plutôt silencieux. Tous les grands partis, à l’exception de l’UDC, soutiennent la modification de la loi Covid, mais ils n’ont pourtant pas déployé d'efforts de campagne conséquents pour militer en sa faveur. Ils souhaitent apparemment mobiliser les électeurs grâce à des bulletins d’information et des publications sur les réseaux sociaux. Les présidents de parti prévoient également de se présenter à une conférence de presse commune. Mais c’est tout.

Une question d’argent?

Plusieurs raisons peuvent expliquer le silence des partis. Premièrement, leurs ressources financières sont limitées car ils ne peuvent pas compter sur les fonds des associations d’entreprises comme Economiesuisse. Deuxièmement, ils estiment que la plupart des gens se sont déjà fait une opinion sur le certificat Covid, qui est au centre du vote. Par conséquent, ils estiment qu’il ne faut pas offrir d’effort supplémentaire pour informer la population. Troisièmement, il semblerait qu’il n’y ait pas grand-chose à gagner pour les partis: personne ne semble pouvoir (ou vouloir) se présenter comme le grand sauveur du certificat.

Les différents partis ne cessent donc de se renvoyer la balle. Le porte-parole du PLR, Arnaud Bonvin, considère par exemple que c’est au PS de se porter comme défenseur de la loi. «Après tout, leur conseiller fédéral Alain Berset est responsable du dossier» estime-t-il.

Le PS se défend et considère qu’il s’agit d’une excuse facile. «Il est dommage que le PLR se dérobe à ses responsabilités», rétorque le chef du groupe parlementaire du PS, Roger Nordmann. Un refus dans les urnes serait tragique à ses yeux: «Les Suisses vaccinés ne pourraient plus prouver à l’étranger qu’ils ont été vaccinés. Nous nous retrouverions coincés dans notre propre pays». Le PS veut jouer un rôle actif dans la campagne du référendum. La manière de le faire reste encore sujet à supposition.

Une porte ouverte pour Opération Libero

Le manque de bonne volonté de la part des principaux partis n’est pas passé inaperçue auprès des plus petits acteurs du jeu politique. Opération Libero, par exemple, sous la nouvelle co-direction de Sanija Ameti, veut décider dans les prochains jours si elle s’engagera activement dans la campagne référendaire au vu de la morosité de la campagne.

Les professionnels du secteur touristique, eux, sont en alerte. Andreas Züllig, président d’Hotelleriesuisse, déclare: «Le problème est sous-estimé. Même si environ 60 à 65% des personnes ayant le droit de vote auront été vaccinées au moment du référendum, il est peu probable qu’elles se rendent toutes aux urnes à l’unisson».

Le président souhaite donc promouvoir une «campagne concentrée» des milieux économiques lors de la réunion du conseil d’administration d’Economiesuisse, la semaine prochaine. «Parce que sans certificat, il n’y aura plus que les options d’ouverture ou de fermeture.»

Economiesuisse ne veut pas payer

Jusqu’à présent, Economiesuisse n’a fait campagne pour la loi Covid qu’avec des mots. L’organisation faîtière ne veut pas verser d’argent. Le porte-parole Michael Wiesner affirme qu’il est important de ne pas gaspiller son énergie. D’autres votes importants sur le plan économique figurent à l’ordre du jour. «Quel est le préjudice économique présumé de la Suisse en tant que site économique? La réponse à cette question décide de l’utilisation des fonds pour une campagne référendaire.»

Economiesuisse ne semble pas considérer un potentiel refus de la loi comme dommageable. La Fédération suisse du tourisme et le secteur culturel voient les choses différemment. Pour eux, le certificat est considéré comme base indispensable pour autoriser l’entrée de touristes étrangers ou la tenue de concerts.

L’écrivain Thomas Meyer déclare au nom de nombreux travailleurs culturels: «Grâce au certificat Covid, les manifestations culturelles peuvent enfin être à nouveau programmées de manière certaine. Sans lui, la situation redeviendrait comme celle l’année dernière: des annulations à la chaîne à cause de trop d’incertitudes».

La culture prie pour que la loi passe

L’organisateur de concerts, André Béchir, souligne un autre aspect: «Il ne s’agit pas seulement du certificat, mais aussi du parapluie d’aides prévues par le gouvernement qui nous ont permis de tenir pendant la pandémie et qui constituent encore aujourd’hui un soutien important. Si la loi ne passe pas, nous n’aurons plus droit à des compensations».

Christoph Bill, président de l’Association des organisateurs de concerts et de festivals, n’y va pas par quatre chemins: «Un rejet du référendum serait dévastateur pour la culture». Il compte sur ses membres pour s’impliquer directement et veut leur fournir des arguments. «En fonction de l’évolution de la situation, nous discuterons certainement à nouveau d’un engagement direct en tant qu’association, car la situation de la branche reste précaire.»

Les agences de voyages sont inquiètes

«De nombreuses entreprises se battent encore pour leur existence. Si la situation sanitaire s’aggrave à nouveau, la situation sera très tendue pour ces entreprises sans la loi Covid», prévient André Lüthi de la Fédération suisse de voyage. Si la loi Covid devait être refusée, les indemnités qu’elle sous-tend seraient également menacées.

Ce phénomène est également redouté dans l’événementiel sportif. Le responsable de la Swiss Football League, Claudius Schäfer, déclare: «L’aide financière était et reste vitale pour les clubs et ne doit pas être compromise par le résultat du vote».

Seules les prochaines semaines nous montreront si les opposants à la loi, bien que plus bruyants, étaient moins nombreux que ses défenseurs. Pour l’instant, rien n’est sûr.

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