Les politiques genevois réagissent à l'annonce
«Le retour de Pierre Maudet est une mauvaise nouvelle pour la droite»

Il avait fait scandale avec l'affaire Abu Dhabi en 2015. Surprise? Ce matin, Pierre Maudet a annoncé sa candidature aux élections cantonales genevoises 2023 via le journal «GHI». Entre soupirs et joie discrète, les politiciens genevois nous disent ce qu'ils en pensent.
Publié: 28.09.2022 à 12:41 heures
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Dernière mise à jour: 28.09.2022 à 16:29 heures
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Daniella GorbunovaJournaliste Blick

Neuf. C'est le nombre de listes entre lesquelles les citoyens genevois auront le choix pour élire leurs représentants en 2023, si le nouveau parti anti-establishment Civis, l'Elan radical et... une liste signée Pierre Maudet se présentent tous trois aux élections, en plus des sept partis institutionnels déjà représentés au parlement du bout du lac.

Pour Pierre Maudet, le verdict est tombé ce matin: il retentera sa chance. Il l'a annoncé via l’hebdomadaire genevois «GHI», qui l’a ensuite relayé sur son site. Sa liste à lui se nommera Libertés et Justice sociale.

Pour rappel, en octobre 2020, Pierre Maudet annonçait sa démission du Conseil d’État, et sa candidature à sa propre succession lors de l'élection complémentaire, que la Verte Fabienne Fischer a finalement emportée. Depuis, dans les couloirs de l'Hôtel de Ville, on n'a cessé de spéculer, de susurrer son retour: «Le bruit des rumeurs à son sujet aurait pu faire exploser n’importe quel bâtiment de cette République...», nous confie un politicien.

Il l'a annoncé mercredi matin: Pierre Maudet se présentera aux élections genevoises de 2023.
Photo: Philippe Rossier
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Blick a sondé la classe politique genevoise: que va-t-il se passer, à présent? Entre feinte indifférence, joie à peine dissimulée, lassitude ou préoccupation, une chose est certaine: ils l'attendaient, et ils en pensent quelque chose. Nous avons posé trois questions clefs à un PLR, un socialiste, un Vert et un UDC.

Le retour de Pierre Maudet, c'est une bonne ou une mauvaise nouvelle?

Pierre Maudet serait plutôt synonyme de mauvaise augure pour la droite. «De manière générale, la droite est assez mal barrée pour ces élections. Même sans l’arrivée de Maudet, il y aurait eu de la casse...», ose d'entrée de jeu le chef de file de l'UDC genevois André Pfeffer. «Et maintenant, cela nous fait un concurrent en plus.»

Et d'un point de vue gauchiste? Thomas Wenger, président du parti socialiste du bout du lac, ne mâche pas ses mots: «Pour la population genevoise, je pense que c’est une mauvaise nouvelle: c’est le retour de quelqu’un qui a sali l’image de Genève, qui a menti aux instances juridiques et politiques tout comme au peuple.» Mais l'élu partage l'analyse de son confrère agrarien: «En tant que président du parti socialiste, j’observe que la droite genevoise est complètement morcelée. Leur tentative de grande alliance a l’air d’avoir du plomb dans l’aile. L’UDC, le Centre et le PLR n’ont pas su faire front commun.»

De manière plus décomplexée (et pragmatique), le député Vert Didier Bonny abonde également en ce sens: «Sa candidature va diviser la droite davantage encore. Pour mon parti, c’est donc plutôt une bonne nouvelle.»

Le PLR, parti-mère de Maudet, qui l'a exclu en 2020, reste quant à lui impassible: «Pour moi, la candidature de Pierre Maudet n’est ni une nouvelle, ni une surprise, affirme Bertrand Reich, président du PLR Genève. C'est simplement la confirmation d’une hypothèse. C’est le jeu de la démocratie. Et c’était un petit peu dans l’ordre des choses: nous savons qu’il prépare quelque chose depuis un an et demi, désormais.»

Qu’est-ce que ça change, dans la dynamique électorale?

Ils l'ont dit: Pierre Maudet risque de prendre des sièges à droite. De surcroît, Didier Bonny n'exclut pas que cette candidature donne lieu à un cas de figure très peu commun en politique cantonale, en 2023: «Franchement, je doute qu’il puisse obtenir le quorum des 7% de voix nécessaires pour atteindre le Grand Conseil. Mais, au niveau individuel, nous l’avons vu aux dernières élections complémentaires au Conseil d'Etat: il a encore des soutiens. Et, dans ce deuxième temps des élections, les gens mettent simplement des croix à côté des noms. Surtout de ceux des gens connus. On ne peut donc pas exclure son élection à titre individuel.»

Le gros «mais» dans ce scénario étant, selon le Vert: «Être élu sans parti derrière soi, c’est tout de même très compliqué: car il n’y aurait personne pour soutenir directement la politique qu’il souhaite mener. Il rencontrerait systématiquement des fronts d’opposition au parlement, et obtenir des majorités serait extrêmement difficile...»

Plus encore que diviser la droite, l'invité (pas si) impromptu risque de diviser le PLR Genève à l'interne, selon le chef de file UDC: «Les problèmes d’unité entre les libéraux et les radicaux pourraient revenir à la surface. Tous les mécontents du PLR pourraient sortir de leur hibernation.» À rappeler que Pierre Maudet est un fervent radical. André Pfeffer ajoute: «Le vrai perdant, avec Maudet, c’est le PLR.»

Est-ce que Pierre Maudet a ses chances?

Pour la classe politique, le déclassé a-t-il encore ses chances? «Ayant pratiqué Monsieur Maudet, poursuit l'élu agrarien, je peux dire que c’est un fin analyste et connaisseur de l’électorat. Hélas, c’est un adversaire. Mais il faut être bon joueur: s’il se présente, c’est qu’il a ses chances.»

Malgré sa fine analyse, le Vert Didier Bonny n'est quant à lui pas convaincu: «Il lui faudrait un parti, et ce parti va devoir avoir le quorum. C'est peu probable.» Son allié rose Thomas Wenger ne veut pas non plus voir Maudet revenir dans le paysage politique. Pour cela, il en appelle même aux électeurs: «Pour qu'il soit réélu, il faudrait que la population genevoise soit amnésique! Qu’elle oublie tout simplement ce qui a mené à sa non-réélection. Ce que je n’espère pas.»

Le président du PLR reste quant à lui toujours poliment sceptique: «Peut-il être élu en 2023? Cette réponse appartient au corps électoral, aux gens qui votent. Ce que je peux dire, c’est que nous connaissons tous l’homme – et il y a encore des gens qui le soutiennent, certes. Maintenant, reste à voir son programme. Car la politique n’est pas qu’une question de personne.»

Ce qui est certain, c'est que s'il passe la barre, il y aura de l'ambiance au Conseil d'Etat, pour reprendre les mots de notre interlocuteur Vert. «Car il va forcément y retrouver d’anciens collègues…»

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