Lutte acharnée pour les civilistes
Le manque de personnel de la protection civile fait débat

La protection civile manque de personnel. Le Conseil fédéral veut que les civilistes donnent un coup de main à l'avenir. Les partis bourgeois et les cantons y sont favorables mais doivent faire face à une levée de boucliers des secteurs qui bénéficient du service civil.
Publié: 20.05.2023 à 06:14 heures
Daniel Ballmer

S'il y a bien une chose sur laquelle tous les partis politiques s'entendent, c'est qu'il faut agir. La protection civile (PC) manquera de personnel dans quelques années déjà, si rien n'est fait. Il y a dix ans, l'objectif était d'atteindre 72'000 membres dans les rangs de la PC, mais en 2021, les effectifs ne s'élevaient qu'à 68'000.

La problématique est similaire à celle de l'armée: de moins en moins de Suisses effectuent leur service. Un nombre croissant d'entre eux quittent la Grande muette – pour des raisons médicales ou parce qu'ils passent au service civil. Pour ce qui est de la protection civile, le Conseil fédéral met en garde contre une réduction des effectifs, qui pourraient n'atteindre plus que 51'000 membres en 2030. Si l'on ne recrute pas davantage de personnel, les prestations risquent d'être réduites à moyen terme.

Piocher chez les militaires et les civilistes

Pour éviter ce scénario, le Conseil fédéral veut accroître le personnel de la protection civile. Les personnes astreintes au service militaire, mais qui n'ont pas effectué d'école de recrues avant l'âge de 25 ans et qui sont libérées de l'armée, doivent désormais être astreintes à la protection civile. De même, certains anciens militaires qui sont devenus inaptes au service après avoir achevé leur école de recrues pourront être appelés à intégrer la protection civile, pour autant qu'il leur reste au moins 80 jours de service à accomplir dans l'armée.

Qu'il s'agisse d'une course de ski, d'un centre de vaccination ou d'un éboulement, la protection civile est toujours là en cas d'urgence.
Photo: keystone-sda.ch
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Les astreints au service civil pourraient aussi prêter main-forte. Ils doivent pouvoir être obligés d'accomplir une partie de leur obligation de servir dans des organisations de protection civile sous-dotées. En cas d'urgence, la protection civile doit à l'avenir avoir la priorité.

Vers une fusion de la protection et du service civils?

Les partis bourgeois sont majoritairement favorables aux modifications législatives prévues par le gouvernement. Elles sont saluées par l'UDC, le PLR ainsi que les Vert'libéraux (PVL). C'est ce que montre la consultation publique qui vient de s'achever. «Pour assurer une protection complète de la population en situation d'urgence, l'existence de la protection civile doit être garantie à l'avenir», souligne par exemple le PVL.

Malgré cela, le camp bourgeois est clair: ces mesures ne peuvent être qu'une étape intermédiaire d'une nécessaire réforme de fond. Depuis longtemps déjà, le Conseil fédéral étudie un nouveau modèle d'obligation de servir – qui inclurait notamment les femmes. Et au Parlement, des voix se sont déjà élevées pour réclamer une fusion rapide du service civil et de la protection civile.

Forte opposition des organisations

Quant à la gauche, elle ne veut rien entendre de tout cela. Elle relève par exemple que la loi a déjà dû être modifiée pour réduire les sureffectifs de la protection civile. Le Parti socialiste ne croit d'ailleurs pas aux sous-effectifs. Et même s'il y en a quelques-uns, la PC doit s'en occuper elle-même. Alors que la protection civile est un instrument principalement aux mains des cantons et des communes, le service civil, lui, ne peut être efficace que s'il reste une tâche purement fédérale, selon la gauche.

Les organisations et les associations qui dépendent des civilistes sont aussi nettement opposées à ce projet. «Un tel détachement de civilistes ferait qu'ils ne seraient plus suffisamment disponibles à l'avenir», critique par exemple Curaviva, l'association de branche des prestataires de services pour les personnes âgées.

Même son de cloche du côté de la Fédération suisse pour l’accueil de jour de l’enfant (Kibesuisse): «En obligeant les civilistes à effectuer des affectations dans la protection civile, on perd de précieux jours de service dans les domaines d'activité du service civil – concrètement dans la santé, le social, à l'école ainsi que dans la protection de l'environnement.» La possibilité de lancer un référendum est même sur de nombreuses lèvres.

Soutien nuancé des cantons

Malgré toutes ces craintes, une majorité des cantons souhaite aussi renforcer la protection civile. En effet, «le nombre et l'intensité des menaces pour la population ne diminueront pas à l'avenir», fait par exemple remarquer le gouvernement soleurois. L'utilité de la protection civile a été démontrée une fois de plus lors de la pandémie. Selon les cantons, la réforme permettra d'améliorer les problèmes d'effectifs à court et moyen terme.

Mais les cantons précisent aussi que le projet de loi n'est pas encore parfait à leurs yeux. Il donne l'impression que les défis du système de l'obligation de servir peuvent être atténués par des «mesurettes», alors qu'ils devraient être résolus pour de bon, commente par exemple le gouvernement bernois. Le projet ne peut donc être considéré que comme une mesure suffisante. De nombreux cantons sont de cet avis. Pour le gouvernement saint-gallois, le projet actuel n'est qu'un début.

La ministre de la Défense, Viola Amherd, en est également consciente. D'ici à la fin de l'année, son département (DDPS) doit examiner deux modèles différents d'obligation de servir, afin de maîtriser les problèmes d'effectifs à long terme. Il s'agit donc là d'un chantier qui ne fait que commencer.

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