Malgré la hausse des offres d'emploi
Le manque de personnel freine la croissance économique

Alors que la peur du chômage régnait pendant la pandémie, l'économie est désormais confrontée à un tout autre problème: la pénurie de main-d'œuvre qualifiée. Certains secteurs cherchent désespérément du personnel.
Publié: 12.04.2022 à 08:41 heures
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Dernière mise à jour: 12.04.2022 à 12:52 heures
Sarah Frattaroli

Une pénurie de personnel qualifié constitue la plus grande menace pour le succès économique de la Suisse. C'est la conclusion à laquelle est parvenu le cabinet de conseil Deloitte dans une enquête récente menée auprès de 400 membres de conseils d'administration suisses. Il manque actuellement 85'000 spécialistes, toutes branches confondues. En 2025, l'agence de placement Dynajobs s'attend même à une pénurie de 365'000 spécialistes!

Le marché de l'emploi en Suisse continue à prendre de la vitesse. Selon les derniers chiffres de l'agence de placement Adecco, les offres d'emploi ont augmenté de près de 50% au premier trimestre 2022 par rapport à l'année précédente. Le marché du travail suisse atteint ainsi un niveau record, selon Adecco. On parle d'un «boom économique post-Covid». Cela fait très longtemps qu'il n'y a pas eu autant de demande de main-d'œuvre. Mais il y a un problème: il manque cruellement de personnel qualifié.

Ce type de pénurie de main-d'œuvre qualifiée touche habituellement plus fortement les branches hautement spécialisées: informaticiens, ingénieurs, techniciens et médecins sont désespérément recherchés depuis des années. Mais actuellement, d'autres secteurs sont aussi au centre de l'attention, notamment ceux qui ont été les plus durement touchés par la pandémie. Dans une enquête récente, le consultant en ressources humaines Michael Page indique que l'hôtellerie et la restauration sont les branches qui créent en ce moment le plus de nouveaux postes.

Les informaticiens sont depuis longtemps recherchés sur le marché suisse du travail
Photo: Getty Images
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L'augmentation ne correspond pas à la main-d'œuvre disponible dans ce secteur: au cours des dix dernières années, le nombre d'apprentis en restauration s'est effondré de plus de 40%. Rien que pour les cuisiniers, la baisse atteint plus de 20%.

Manque d'équilibre entre vie professionnelle et vie privée

Très incertain, le secteur de la restauration suscite de moins en moins l'intérêt des jeunes. Le souvenir de la pandémie fait craindre une soudaine perte d'emploi. À cela s'ajoute le fait que le télétravail n'est guère possible dans l'hôtellerie et la restauration. Pour les employeurs, cela représente un désavantage lors du recrutement, car les jeunes générations accordent une grande importance aux modèles de travail flexibles, au travail à temps partiel et à l'équilibre entre vie professionnelle et vie privée.

Dans l'hôtellerie, les bas salaires et le travail régulier le week-end ne permettent guère d'atteindre cet équilibre. La moitié des professionnels ont déjà quitté le secteur quatre ans après l'obtention de leur diplôme. Dans un sondage récent de l'agence de placement temporaire Coople, seuls 36% des professionnels de l'hôtellerie-restauration interrogés indiquent vouloir rester fidèles à leur branche.

15'000 professionnels de la santé recherchés

La pandémie a également fait prendre conscience de la grave pénurie de personnel qualifié dans le domaine de la santé. L'impossibilité de prendre des vacances, les heures supplémentaires et le travail en tenue de protection contre les virus chassent les infirmières et les infirmiers de la branche: 40% d'entre eux abandonnent prématurément la profession. Plus de 15'000 postes sont actuellement publiés sur le portail d'emploi spécialisé Pflege-berufe.ch. L'écart entre l'offre et la demande continue de se creuser, car le vieillissement de la population entraîne une augmentation des besoins en personnel soignant.

Quoi qu'il en soit, le peuple suisse a approuvé l'initiative sur les soins infirmiers l'automne dernier. Elle oblige la Confédération et les cantons à améliorer les conditions de travail dans le domaine des soins et à renforcer la formation. Des centaines de millions de francs seront dépensés à cet effet dans les années à venir.

Les personnes qui changent d'orientation doivent y remédier

Une amélioration rapide n'est toutefois pas en vue. Il faut du temps pour que de telles mesures portent leurs fruits. Les programmes de reconversion sont plus efficaces à court terme. Les hôpitaux, les villes et les hautes écoles proposent des programmes permettant une transition relativement rapide vers les soins. L'hôtellerie et la restauration ont également lancé récemment un programme de reconversion. Dans le cadre d'un cours accéléré d'un an, des personnes étrangères à la branche sont formées comme cuisiniers et réceptionnistes.

Par ailleurs, les réfugiés ukrainiens pourraient également apporter un peu de soulagement. Jusqu'à présent, près de 30 000 d'entre eux se sont enregistrés en Suisse. Grâce au statut de protection S, ils peuvent immédiatement commencer à travailler. Mais il leur manque les connaissances linguistiques. On ne sait pas non plus combien de temps ils resteront dans le pays. Ce qui est certain en revanche, c'est que le manque de personnel qualifié s'annonce comme un casse-tête pour de nombreux employeurs.

(Adaptation par Thibault Gilgen)

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