Malgré le risque d'abus
La Suisse dit non à la banque de données européenne sur les Ukrainiens

Depuis deux ans, l'Union européenne enregistre les personnes en quête de protection en provenance d'Ukraine dans une base de données. Ceci, entre autres, afin d'éviter les abus. La Suisse a finalement décidé de renoncer à y participer.
Publié: 15.05.2024 à 07:27 heures
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Ruedi Studer

Depuis plus de deux ans, l'Ukraine est en proie à une guerre d'agression menée par la Russie. Parmi les millions d'Ukrainiens ayant fui leur pays, des dizaines de milliers se sont dirigés vers la Suisse. Environ 65'000 d'entre eux ont pu bénéficier du statut de protection S et vivent actuellement au sein de la Confédération.

Plus de 23'000 ont déjà quitté le pays, selon les derniers chiffres du Secrétariat d'Etat aux migrations (SEM). Il est souvent difficile de savoir s'ils sont retournés en Ukraine ou s'ils ont poursuivi leur route vers un autre pays tiers – par exemple un pays de l'UE.

La gestion de cette crise aurait pu être tout autre si la Suisse avait adhéré à la plateforme d'enregistrement européenne pour les réfugiés ukrainiens. Cette plateforme permet à l'Union européenne de consigner tous les réfugiés bénéficiant d'une «protection temporaire» afin d'obtenir une meilleure vue d'ensemble mais aussi d'assurer une meilleure coordination et de prévenir les abus.

Dans l'UE, les personnes en fuite sont enregistrées sur une plateforme.
Photo: Keystone
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Plan enterré

Très tôt, Karin Keller-Sutter, à l'époque ministre de la Justice, a annoncé que la Suisse voulait également participer à la plateforme. Mais fin 2023, le plan a été discrètement enterré sous la direction de la conseillère fédérale socialiste Elisabeth Baume-Schneider, comme le confirme désormais le SEM à Blick.

«Les unités concernées de l'administration fédérale sont arrivées à la conclusion qu'une connexion à cette plateforme n'apporterait pas la plus-value souhaitée, explique le porte-parole du SEM Samuel Wyss. La Suisse a informé la Commission européenne que nous renoncions à poursuivre les négociations.» C'était en mars.

Samuel Wyss évoque différents points pour expliquer cette annulation. Ainsi, une participation serait liée à des coûts élevés en raison des charges de personnel et la charge administrative serait disproportionnée. De plus, des questions juridiques se seraient posées, notamment en ce qui concerne la protection des données. Après presque deux ans, les autorités ne voyaient plus d'utilité immédiate. La Suisse n'est pas la seule à avoir pris cette décision, d'autres pays comme le Danemark ont également décidé de ne pas se connecter, ajoute Samuel Wyss.

Risque-t-on d'autres abus?

Mais ce refus interroge: la Suisse ouvre-t-elle la porte à des abus, par exemple lorsque des réfugiés s'inscrivent dans différents pays? Samuel Wyss réfute ces craintes. Selon lui, le renoncement n'entraînerait pas d'inconvénients opérationnels. «La collaboration avec l'UE fonctionne très bien même sans accès à cette plateforme», affirme-t-il. La Suisse a accès aux informations nécessaires et est impliquée dans les organes pertinents.

«Seules les personnes qui ont réellement besoin de cette protection reçoivent une protection temporaire en Suisse», souligne Samuel Wyss. L'existence d'une «alternative à la protection» est également examinée.

Ainsi, le SEM rejette les demandes lorsqu'une personne a déjà obtenu une protection ou un droit de séjour dans un Etat membre de l'UE ou de l'AELE, en Australie, en Nouvelle-Zélande, au Canada, aux Etats-Unis ou en Grande-Bretagne. «Le SEM rejette également la demande de protection des personnes en quête de protection qui ont en plus la nationalité de l'un des pays cités», précise Samuel Wyss.

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