Malgré l'opprobre de l'évêque
Il bénit des couples gays au nom de la dignité

Le prêtre uranais a failli être renvoyé par l'ex-évêque conservateur Vitus Huonder pour avoir célébré un mariage lesbien. Il a dû jurer de ne plus jamais recommencer. Mais après une profonde crise de foi il a décidé de reprendre du service, au nom de la dignité humaine.
Publié: 26.02.2022 à 15:34 heures
Beat Michel

Le pasteur catholique Wendelin Bucheli traverse d'un pas allègre la Klausenstrasse à Bürglen (UR) pour se rendre du bâtiment paroissial à l'église. En chemin, des passants le saluent à plusieurs reprises, avec amabilité. Le village uranais aime manifestement son curé. Ce dernier a pris une décision importante, comme il l'annonce à Blick : «je vais à nouveau officiellement bénir les couples lesbiens et les gays à l'église. Nous ne devons plus jamais exclure des personnes en raison de leur orientation sexuelle.»

C'est un fait remarquable, dans le cadre du catholicisme. Wendelin Bucheli a d'ailleurs fait parler de lui dans toute la Suisse en 2015. À cette époque, l'évêque de Coire Vitus Huonder l'avait contraint, après la célébration d'une cérémonie de mariage d'un couple de lesbiennes, à renoncer à la bénédiction de couples de même sexe à l'avenir. «C'était un accord. Si je n'avais pas cédé, j'aurais dû quitter ma fonction de prêtre à Bürglen.»

Des propos haineux

À la suite de cet épisode, le pasteur a connu une période difficile. En commençant par son congé sabbatique en Israël quelques mois plus tard, durant lequel il a dû à nouveau faire face à la haine de l'évêque contre les homosexuels.

Le pasteur Wendelin Bucheli en entretien avec Blick à la maison paroissiale de Bürglen (UR). Il explique à quel point le fait de ne plus pouvoir bénir les mariages de couples de même sexe lui pesait à l'époque.
Photo: Stefan Bohrer
1/2

Peu après un attentat au couteau perpétré par un juif ultra-orthodoxe lors de la Gay Pride de Jérusalem en été 2015, qui a fait un mort et six blessés, l'ex-évêque Vitus Huonder a provoqué un scandale. Lors du forum catholique «Freude am Glauben» en Allemagne, il a cité le même passage biblique que celui utilisé par les auteurs de l'attentat pour justifier leurs attaques : «Si quelqu'un couche avec un homme comme on couche avec une femme, ils ont commis une atrocité. Tous deux seront punis de mort. Que leur sang coule sur eux.»

Wendelin Bucheli en est resté sans voix: «je me suis juste dit que ce n'était pas possible qu'il dise une chose pareille en public à ce moment-là!»

Sa foi ébranlée, puis retrouvée

Le pasteur de Bürglen en vient alors à en vouloir à toutes les églises du monde. «J'ai vu partout les abus des religions. Que ce soit les juifs, les musulmans, les hindous, les chrétiens... Je me suis même demandé s'il ne valait pas mieux interdire toutes les religions pour avoir un monde plus juste.»

Mais en tant que chrétien convaincu, il retrouve finalement le chemin de la foi: «J'en suis arrivé à la conclusion que l'Église n'a de raison d'être que si elle apporte la paix aux hommes et soutient chaque individu. Chaque être humain est une créature de Dieu. Sans exception. Et pas seulement lorsqu'il a atteint l'idéal de l'Église. Avec cette prise de conscience, je me suis senti à nouveau fort.»

Dans le petit cercle de la paroisse, on sait que Wendelin Bucheli bénira bientôt les mariages lesbiens et gays. «La paroisse me soutient entièrement», dit-il. À l'époque, il n'y avait aucune demande. Mais cela pourrait bientôt changer. Après le large oui (64,10%) du peuple suisse au référendum en faveur du «mariage pour tous», les couples de même sexe pourront se marier à partir du 1er juillet 2022.

La dignité humaine au centre

Mais les pasteurs catholiques comme Wendelin Bucheli ne seront pas épargnés par le dilemme entre la loi de l'Eglise et leurs convictions. L'amour homosexuel est toujours considéré comme un péché dans le catéchisme – et les bénédictions ecclésiastiques ne sont donc pas autorisées pour les couples gays et lesbiens. Les prêtres peuvent donc bénir les vaches, les moutons, les voitures, les routes ou les alpages, mais techniquement pas les couples de même sexe...

Wendelin Bucheli veut regarder au-delà du catéchisme sur cette question: «je ne peux pas défendre cette attitude. Je le dois au Seigneur. Nous devons nous porter garants de la dignité de ces personnes. Les églises doivent être à l'avant-garde, et ne faire vivre l'enfer à personne.»

Le successeur de Vitus Huonder, l'évêque Joseph Maria Bonnemain, ne veut pas non plus donner formellement la permission à Wendelin Bucheli de procéder ainsi - bien que celui-ci soit considéré comme plus ouvert au monde, plus libéral que Vitus Huonder. Wendelin Bucheli conclut: «Il ne peut pas donner de réponse si la question ne correspond pas exactement à la ligne de l'Eglise. Il ne me reste rien d'autre à faire que d'agir.»

(Adaptation Quentin Durig)

Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la