«Marche pour la Vie»
Qui sont les pro-life suisses qui ont manifesté à Zurich ce week-end?

Le samedi 14 septembre une «Marche pour la Vie» a eu lieu à Zurich avec une forte présence policière. Qui sont ces militants anti-avortement suisses, plus discrets que leur homologues étasuniens par exemple, mais qui étaient tout de même plus de 1000 à fouler le pavé?
Publié: 15.09.2024 à 19:34 heures
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Daniella GorbunovaJournaliste Blick
Parmi les manifestant de la «Marche pour la Vie», énormément de chrétiens.
Photo: keystone-sda.ch

Ils font assez peu parler d'eux, de manière générale, en Suisse. Et pourtant, les pro-life (ou pro-vie) sont bel et bien présents dans nos contrées. Et ils et elles étaient plus de mille, 1600 d'après les organisateurs, à descendre dans la rue, le samedi 14 septembre à Zurich-Oerlikon, à l'occasion de leur annuelle «Marche pour la Vie», qui se tient depuis quatorze ans désormais. 

Avec des slogans tels que «Discrimination prénatale? Non!», ou «Un être humain comme toi», placé sous une image de fœtus, ces militants contre l'avortement — en grande majorité chrétiens, mais pas exclusivement — ont défilé pour «sensibiliser à la protection de la vie à naître», comme l'écrivent nos confrères de la RTS. Cela dans un contexte où deux initiatives lancées pour restreindre le droit à l'avortement en Suisse n'ont pas réussi à obtenir le quorum, notamment l'année dernière. Preuve que la population suisse ne semble pas vouloir revenir sur cet acquis de la lutte pour les droits des femmes. 

Durant la marche, une forte présence policière. Quelque 200 participants à une contre-manifestation ont traversé le cortège plusiers fois à vélo. Les détracteurs ont notamment scandé le slogan «Mon corps, mon choix» et retardé la marche. Mais aucun incident majeur ne s'est produit entre les deux groupes, malgré des contrôles d'identité et cinq personnes (on ne sait pas de quel camp) embarquées provisoirement au poste «pour des investigations supplémentaires». 

Qui sont-ils?

Sur les images prises durant le défilé de samedi, que l'on peut consulter sur le site web (trilingue) de la manifestation, on voit une foule d'apparence assez hétérogène. Beaucoup d'enfants et de personnes seniors, sur ces clichés, mais aussi des jeunes gens. Le rassemblement a compté «un tiers de jeunes ayant une moyenne d’âge de 25 ans», d'après les organisateurs. Sur le site web en question, une liste des «organisateurs» de l'événement est disponible. Sans surprise, ce sont les organisations religieuses qui sont en majorité.

Par exemple, parmi les onze «organisateurs» principaux listés: l'association Jugend & Familie, qui défend «l’Occident dit chrétien», contre «la stratégie du tout est permis» d'après eux héritée «du mouvement de 1968». Ou une énigmatique Fondation Futur CH, dont le président est un pasteur, et qui se vend comme un groupe qui souhaite «empêcher l’introduction insidieuse de la charia dans notre pays, transmettre des valeurs porteuses d’avenir et consolider la famille en tant que pilier de la société». Ou encore l'Association des Médecins Catholiques Suisses, qui «promeut une médecine basée sur les valeurs chrétiennes». 

Quant aux politiques, les principaux relais de la mouvance sont l'Union démocratique fédérale (UFD) — qui, pour rappel, a récemment qualifié l'Eurovision de «sataniste» — et le Parti évangélique (PEV). Le conseiller national Marc Jost du PEV était par ailleurs de la partie. Il a déclaré: «Le chemin vers la protection de la vie à naître est long. (...) Il s’agit de vie, nous devons nous engager pour cela», relatent nos confrères. 

Quelle rhétorique?

Dans l’émission Forum de la RTS de samedi, Olivier von Sury, collaborateur du comité d’organisation de la «Marche pour la Vie», a avancé que «la priorité du mouvement est de sensibiliser le public plutôt que d’interdire l’accès à l’avortement». En observant les restrictions sur ce droit aux États-Unis, il se dit déjà content d'aborder le sujet, car selon lui «on vit quand même dans une société dans laquelle il y a la culture de la mort qui prend une place très importante».

Le service public a interrogé Pauline Milani, historienne à l’Université de Fribourg, quant à la rhétorique de ces groupes: ils préfèrent souvent le terme «pro-life» à la qualification «anti-avortement», et ce n'est pas pour rien. L'académicienne explique que leur discours, peu ou prou le même depuis les années 1970, mise surtout sur la supposée «détresse» des femmes qui avortent, en les mettant en scène comme des victimes à qui on forcerait la main. Elle précise, sur les plateformes de nos confrères: «Ces milieux ont compris que pour rassembler une base plus large, il faut parler de pro-vie et montrer les pro-avortement comme des meurtriers ou des partisans de l’euthanasie, tandis qu’eux se présentent en défenseurs de la famille». 

Combien de Suisses et de Suissesses compteraient parmi ces pro-life, hors manifestations? Aucune donnée n'existe pour l'heure. 

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