«Mon fils n'est pas un terroriste!»
Blick s'est rendu chez deux jeunes Suisses soupçonnés de terrorisme

Dans les cantons de Schaffhouse et de Thurgovie, les autorités ont arrêté trois jeunes, accusés d'avoir planifié des attentats en lien avec l'Etat Islamique. Pour comprendre leur parcours, Blick a rencontré leurs proches, ainsi qu'un psy spécialisé dans le terrorisme.
Publié: 15.04.2024 à 10:09 heures
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Dernière mise à jour: 15.04.2024 à 11:35 heures
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Sandro Zulian et Ralph Donghi

Les souvenirs de la soirée du 2 mars de cette année remontent inévitablement à la surface. Un djihadiste radicalisé de 15 ans s'en était alors pris à un juif orthodoxe de 50 ans, à Zurich. La victime avait survécu, bien que grièvement blessée. Aujourd'hui, le djihadisme refait surface et implique de nouveau des jeunes.

Samedi, on a en effet appris que le parquet fédéral avait ouvert le lundi de Pâques une procédure contre deux adolescents de 15 et 16 ans, originaires du canton de Schaffhouse, et un autre de 18 ans du canton de Thurgovie. Le Ministère public de la Confédération les soupçonne d'avoir «planifié un attentat dans leur pays d'origine». En outre, ils auraient soutenu l'Etat islamique, considéré comme une organisation terroriste. Ils ont été placés en détention provisoire.

Toujours pendant les fêtes de Pâques, quatre adolescents âgés de 15 à 16 ans ont été arrêtés en Rhénanie-du-Nord-Westphalie, en Allemagne, parce qu'ils planifiaient des attaques à motivation djihadiste au couteau et au cocktail Molotov au nom de l'EI, a révélé le «Frankfurter Allgemeine Zeitung». Le Ministère public de la Confédération confirme à Blick qu'ils avaient été en contact avec des camarades basés en Suisse.

Valentin S.*, originaire originaires du canton de Schaffhouse. Cette photo de Facebook a été téléchargée il y a quatre ans.
Photo: zVg
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Le père d'un des suspects et une voisine sortent du silence

Blick s'est rendu à Neuhausen am Rheinfall, dans le canton de Schaffhouse, où vivent les deux adolescents accusés de terrorisme, à la recherche d'indices. L'Italien Valentin S.* vit chez ses parents au bord d'une route très fréquentée. Lors de la visite de Blick, son père ne veut pas donner d'interview devant la caméra, mais il confirme que Valentin S. a été arrêté.

Il ne veut pas être au courant des prétendues activités de son fils, qu'il juge honnête, et se montre visiblement choqué: «Mon fils n'est certainement pas un terroriste!»

L'autre personne arrêtée, le Suisse Aras P.* âgé 15 ans, est un garçon calme, explique une voisine. Cette dernière raconte qu'elle n'arrive pas à s'imaginer qu'Aras P. ait pu planifier des attentats terroristes: «Il traînait souvent avec deux ou trois amis et était toujours très gentil.» C'est plutôt du côté du père qu'il faudrait chercher des explications: «Il boit souvent de la bière et fume beaucoup de joints», explique ainsi la voisine, qui rappelle la discrétion de la famille du jeune garçon.

Une collecte d'argent au nom du djihadisme

Très peu d'informations concernant Aras P. sont disponibles sur Internet. Le garçon, qui a des racines kurdes, aime jouer au football. En février, des dons ont été récoltés sur Internet au nom de l'adolescent de 15 ans afin d'imprimer et de distribuer des flyers. L'objet de la récolte n'est pas très clair. 

«À l'école, tout le monde dit que ce sont des terroristes, mais personne ne les a vraiment pris au sérieux», confient des élèves à «20 minutes». Depuis l'été dernier, ils seraient en contact régulier avec l'EI.

Les deux garçons auraient gribouillé «ISIS» sur un mur à un arrêt de bus. «Tout le monde savait que c'était eux», racontent les jeunes.

La Suisse est-elle menacée sur son sol par le terrorisme?

Des adolescents suisses qui s'associent avec leurs voisins alémaniques pour planifier des attentats et entretenir la terreur mondiale? Comment en est-on arrivé là? Et que faut-il attendre de l'avenir?

Jérôme Endrass est l'un de ceux qui se penchent sur ces questions. Ce psychologue fait des recherches sur l'extrémisme de tous bords. Dans une interview accordée à Blick, il se veut rassurant: «Les personnes prêtes à commettre des attentats sont en général très visibles.» Dans le cas présent, il salue le travail des autorités: «Il y a des organisations extrémistes qui sont bien connectées et structurées, et d'autres qui misent sur des auteurs isolés ou de petites cellules autonomes. C'est tout sauf nouveau et bien connu des forces de l'ordre.»

Pour Jérôme Endrass, seule une minorité de personnes est réellement en mesure de mener des attaques à grande échelle. Et la plupart du temps, l'extrémisme n'est qu'un prétexte: «Il y a malheureusement partout un petit groupe de personnes avec un grand potentiel de violence qui utilisent une motivation idéologique pour commettre des délits.»

Outre le comportement sur Internet, les autorités se pencheront aussi sur la manière dont les jeunes djihadistes se comportent dans la vie réelle: «Il y a des dizaines de milliers de personnes qui propagent des conneries extrémistes, mais heureusement très peu veulent commettre un attentat. Et on reconnaît ces derniers à leur comportement problématique dans le monde réel.»

À l'avenir, une seule chose est sûre: «Il y aura toujours des extrémistes violents et nous savons très bien comment les reconnaître. Peu importe sous quel pavillon ils navigueront alors».

Toutes les personnes arrêtées bénéficient de la présomption d'innocence.

* Noms modifiés

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