Depuis bientôt deux ans, nous luttons contre la pandémie, et le travail à domicile fait désormais partie de notre quotidien. Jamais autant de personnes n'avaient été mises en quarantaine et isolées, actuellement près de 200'000, le nombre effectif étant probablement encore plus élevé.
Des études montrent que le home office survivra à la pandémie. Mais ceux qui sont équipés pour le bureau à la maison ont tendance à prendre l'ordinateur et à répondre à un e-mail en dehors des heures de travail, à ruminer le soir sur un document stratégique ou à travailler sans en informer le chef, même si l'enfant est malade et couché sur le canapé à côté. Est-ce bien légal? Allons-nous tout simplement travailler encore plus à l'avenir?
Le télétravail n'est pas explicitement mentionné dans les dispositions du Code des obligations relatives au droit du travail. Mais la situation juridique n'a pas changé avec le Covid. Il n'est donc pas nécessaire de modifier les lois et les règles, affirme Serge Gnos, du syndicat Unia: il s'agit plutôt de veiller à «faire respecter les règles existantes».
Les attentes ont changé avec la possibilité de travailler à domicile. Il ne faut tout simplement pas que cela aille dans la mauvaise direction à l'avenir. Avant la pandémie, le fait de pouvoir être joint en permanence avait déjà entraîné une augmentation du niveau de stress et, par conséquent, des maladies psychiques, selon Serge Gnos.
Avec le home office, il sera encore plus important à l'avenir de se «débrancher». Pour cela, «il faut des accords et une communication claire entre les parties», affirme la spécialiste du droit du travail Isabelle Wildhaber, de l'Université de Saint-Gall. Il faut savoir être parfois injoignable. «Je considère l'évolution vers un décloisonnement complet comme problématique et malsaine», déclare-t-elle.
Celui qui connaît les règles ne doit pas craindre de devoir bosser encore plus à l'avenir. Blick répond ici à quelques questions urgentes sur le télétravail d'aujourd'hui et de demain.
J'ai attrapé le Covid, dois-je quand même travailler ?
Celui qui a une infection - dont le Covid - n'est pas en soi incapable de travailler. «On n'est malade que si l'on ne peut effectivement pas travailler à cause de cette infection, par exemple parce que l'on a de la fièvre ou des douleurs, que l'on est extrêmement fatigué ou simplement affaibli», explique Nicole Vögeli Galli, avocate et enseignante en droit du travail à la Haute école des sciences appliquées de Zurich (ZHAW).
Même son de cloche à la Fédération des médecins suisses (FMH): «Une infection virale peu symptomatique n'entraîne pas forcément une incapacité de travail. L'atteinte à la santé doit être évaluée individuellement par le médecin.» La plupart des entreprises exigent un certificat médical après trois jours. En revanche, un employé qui a passé une nuit blanche à cause d'un rhume ou d'un mal de tête peut appeler son patron, même dans son bureau à domicile, et lui expliquer qu'il ne peut pas travailler aujourd'hui.
Je suis maman et mon enfant est malade. Dois-je quand même télétravailler?
La situation juridique n'a pas changé avec le Covid: une personne qui s'occupe d'un enfant malade à la maison n'est pas obligée de travailler, même si elle est en home office. Les parents confrontés à une telles situation disposent d'un maximum de trois jours. Au-delà de ce délai, il leur incombe de trouver une solution.
Je me remets d'un accident ou d'une opération. Dois-je travailler à domicile même si j'ai un genou endommagé?
Aujourd'hui, avec le home office, on est peut-être moins longtemps en incapacité de travail après une opération à un genou. Auparavant, le trajet pour se rendre au bureau était souvent impossible pour le travailleur sur une longue période. «Le déplacement fait partie de l'évaluation de l'atteinte à la santé. Le travail à domicile est un aspect qui entre en ligne de compte dans l'évaluation médicale», explique la FMH. Mais l'horloger qui, dans certaines circonstances, a aussi son atelier à domicile, sera en incapacité de travail jusqu'à ce que son doigt soit à nouveau pleinement opérationnel. «L'important reste la situation de travail individuelle et le cas particulier», explique Nicole Vögeli Galli.
L'école ferme ses portes à cause du Covid. Puis-je rester à la maison et garder mon enfant?
«Cette question est controversée et n'a pas encore été réglée de manière définitive», explique Isabelle Wildhaber, qui a publié une étude sur le droit du travail en période de pandémie. Les personnes qui travaillent à domicile peuvent tout à fait continuer à le faire avec des enfants plus grands, le travail «concentré» étant éventuellement un peu plus difficile. Mais celui qui travaille au front ne peut pas simplement faire du home office. L'universitaire saint-galloise écrit à ce sujet: «Certaines entreprises cherchent leurs propres solutions, par exemple en accordant des jours de vacances supplémentaires pour la garde des enfants ou en comptabilisant les obligations de garde comme temps de travail. Et il reste la possibilité d'une allocation pour perte de gain, réglée dans la nouvelle ordonnance Covid-19. Elle soutient les parents d'enfants de moins de 12 ans, les parents de mineurs bénéficiant d'un supplément pour soins intensifs et les parents d'enfants jusqu'à 20 ans révolus si ceux-ci fréquentent une école spécialisée.»
Je travaille dans le bâtiment et je dois être mis en quarantaine parce qu'un collègue a été testé positif. Serai-je quand même payé?
Oui. L'ouvrier du bâtiment veut faire son travail, mais il ne le peut pas parce qu'il doit être mis en quarantaine. «Et il ne peut pas simplement transformer sa salle de bains chez lui, juste pour travailler n'importe comment», explique Serge Gnos. L'employeur est tenu de payer son salaire, même si l'employé ne fournit aucune prestation de travail.
Puis-je télétravailler la nuit, quand les enfants dorment et que je suis tranquille?
Il y a souvent une fausse idée de l'idée du home office, dit Isabelle Wildhaber. Les travailleurs auraient parfois l'impression de pouvoir travailler quand ils le souhaitent. Pourtant, «les directives sur le temps de travail s'appliquent également au home office». Si l'employeur remarque par exemple qu'un employé envoie constamment des e-mails à 2 heures du matin, il doit y mettre un terme.
Je travaille dans le commerce de détail, à l'usine ou dans le bâtiment. Ma fille est infectée et je dois donc être mis en quarantaine. Est-ce que je continue à recevoir mon salaire?
Si vous ne pouvez pas travailler à domicile, vous avez droit à une allocation pour perte de gain. Si la quarantaine tombe pendant les vacances, les jours de vacances peuvent être récupérés. Mais cela peut être contesté et il faut considérer chaque cas individuellement, souligne Isabelle Wildhaber. Cela dit, les juristes ne sont pas non plus d'accord sur l'allocation pour perte de gain et il n'existe pas encore de jurisprudence à ce sujet. Car, explique Nicole Vögeli Galli, dans ce cas l'employé est empêché d'exercer son travail par les prescriptions du Conseil fédéral. Ces prescriptions, édictées en raison de la pandémie, ne relèvent pas du risque des employeurs.
Mon entreprise est en vacances et je suis testé positif au coronavirus pendant cette période. Puis-je récupérer ces jours de vacances?
Ce point n'est pas clair, mais dépend en tous les cas de la gravité de la situation en termes de santé, donc de savoir si l'on est en incapacité de travail. Si c'est le cas, cela doit être considéré comme n'importe quelle autre incapacité de travail pendant les vacances: si la «capacité de repos» est limitée, on a droit à ces jours. Mais si, malgré l'infection, il n'y a pas de restriction au niveau du repos parce qu'il n'y a pas d'incapacité de travail avérée, l'employeur pourrait donc argumenter que les vacances sont considérées comme prises - on peut aussi se reposer à la maison. Un contre-argument serait qu'une infection constitue en soi un empêchement de travailler à la charge de l'employeur et ne peut donc pas être considérée comme une prise de vacances. «En fin de compte, ce sont les tribunaux qui devront répondre de manière définitive à cette question», déclare Nicole Vögeli Galli.
(Adaptation par Yvan Mulone)