Parti en difficulté?
Des anciens membres tournent le dos à l'UDC

L'UDC fait partie des perdants de ce dimanche de votation. Ses dirigeants soulignent que leurs critiques de la politique Covid leur apportent de nouveaux membres. Peut-être. Mais en parallèle, ce sont surtout les anciens membres qui quittent le parti.
Publié: 29.11.2021 à 18:49 heures
Sermîn Faki et Pascal Tischhauser

Dimanche, les votants ont affiché un soutien clair à la loi Covid. Ce faisant, la majorité silencieuse a mis fin aux doléances des coronasceptiques, mais aussi à celles de l’UDC, le seul parti du pays à s’être prononcé contre la loi.

Sur un ton contestataire, le calcul politique du parti agrarien était de satisfaire sa base d’électeurs tout en gagnant de nouveaux adhérents. Cette stratégie ne semble pas avoir fonctionné. Si la défaite de dimanche était prévisible, elle aura aussi fragilisé le parti.

Sa section cantonale argovienne, par exemple, a joué les dissidents en donnant comme mot d’ordre de voter «oui» à la loi Covid. Certains ténors du parti s’insurgent également, à l’image de la conseillère nationale thurgovienne Verena Herzog, qui avait averti très tôt que «la politique anti-certificat Covid du parti» serait fortement «remise en question».

L'attitude critique de l'UDC vis-à-vis des mesures Covid n'a pas été payante. D'anciens membres quittent même le parti.
Photo: Simon Marti

Seule réussite pour le parti ce dimanche de votations: l’UDC fait son grand retour au Conseil d’État fribourgeois après 25 ans d’absence. À la surprise de tous, Philippe Demierre a repris un des cinq sièges de la droite.

Plus de rentrées que de sorties

De nombreux membres du parti, notamment les seniors et les personnes vulnérables face au Covid, ont eu le sentiment que l’UDC ne s’engageait pas assez pour leur protection. Une partie conséquente d’entre eux ont tiré leurs conclusions du comportement du parti ces derniers mois et l’ont quitté.

Fin septembre déjà, l’émission «Rundschau» de la SRF avait fait état de plusieurs membres sur le départ. Une tendance qui n’est pas sans inquiéter les cadres du parti dans les cantons. Car parmi ceux qui tournent le dos à l’UDC, on retrouve plusieurs fidèles ex-militants de longue date.

Le vice-président de l’UDC Franz Grüter le confirme à Blick: «C’est vrai, nous enregistrons des départs. Le Covid divise la société et l’UDC n’est pas épargnée.» Cependant, il estime que le bilan reste positif. «Il y a beaucoup plus d’entrées que de sorties», rassure-t-il.

Des nouveaux membres en campagne

Les dirigeants de l’UDC ne se lassent effectivement pas de souligner que leur attitude critique envers les mesures sanitaires leur a apporté de nombreuses adhésions. Dans les campagnes en particulier, le parti gagne de nouveaux membres, à l’image du discours donné par Marco Chiesa en août dernier.

Toutefois, la votation de dimanche dernier n’aura pas vu de clivage significatif entre les villes et les campagnes. A l’exception d’Appenzell Rhodes-Intérieures et de Schwyz, tous les cantons ont dit oui à la loi Covid.

Les nouvelles entrées concernent surtout des protestataires de la politique anti-Covid de la Confédération, coronasceptiques ou non, qui sont mus par une certaine frustration. «Il est probable qu’ils ne paient jamais leur cotisation et encore moins qu’ils s’engagent pour de bon», souffle à Blick un dirigeant cantonal de l’UDC qui préfère rester anonyme. «C’était déjà le cas de ceux qui nous ont rejoints suite à l’éviction de Christoph Blocher», analyse-t-il.

Affluence record après le départ de Blocher

Rappelez-vous. Après l’éviction de Christoph Blocher du Conseil fédéral en 2007, l’UDC avait en effet connu une affluence record. «Mais cela ne nous a rien apporté, les nouveaux adhérents ne se sont jamais investis», déplore un représentant en coulisses.

Franz Grüter confirme que la croissance actuelle n’est pas aussi élevée que lors de la «vague historique» de nouveaux adhérents qui a suivi l’éviction de Christoph Blocher. Et il ne s’attend pas non plus à ce que les nouveaux membres s’investissent pleinement. «C’est vrai, parmi les nouveaux membres, seule une partie travaille activement au sein du parti, s’engage ou assiste aux assemblées, explique-t-il. Ce n’est pas un phénomène spécifique à l’UDC et ce n’est pas un problème en soi. C’est le cas dans tous les partis».

Quand l’UDC n’est plus l’originale

Entre-temps, de nouveaux ennuis se profilent à l’horizon: les forces derrière le référendum contre la loi Covid prévoient la création d’un mouvement politique qui compte également se présenter aux élections de 2023.

Il y a certes peu de chances que les détracteurs des mesures trouvent d’autres positions communes en dehors de la lutte contre la politique sur le Covid. Difficile donc de savoir s’ils parviendront à devenir un mouvement politique durable. Ce regroupement semble actuellement bien hétéroclite. Mais s’ils y parviennent, les coronasceptiques arrêteront probablement de soutenir l’UDC. Ce qui n’est pas une bonne nouvelle pour le parti agrarien.

Mais les jeux ne sont pas encore faits. Il faudra attendre les élections parlementaires dans deux ans pour voir comment la situation se sera développée.

(Adaptation par Alexandre Cudré et Jessica Chautems)

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