Personnel surchargé
Les demandes des Ukrainiens s'accumulent à la Confédération

De nombreuses demandes ukrainiennes de statut S n'ont pas pu être traitées ces derniers mois, parce que le Secrétariat d'Etat aux migrations manque de capacités. Résultat: la scolarisation de nombreux enfants ukrainiens est retardée.
Publié: 08.01.2024 à 06:09 heures
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Dernière mise à jour: 08.01.2024 à 06:31 heures
Sophie Reinhardt

Après l'invasion russe en Ukraine, la Suisse a décidé en mars 2022 d'octroyer le statut de protection S aux personnes fuyant la guerre. Le statut S permet aux exilés – en majorité des femmes et des enfants – d'éviter une procédure d'asile compliquée. Les réfugiés obtiennent rapidement un permis de séjour temporaire, peuvent voyager et trouver un emploi.

C'est du moins ce qui était prévu initialement. Mais un rapide coup d'œil sur les chiffres de l'asile montre que la rapidité du système est en berne. L'automne dernier, les services compétents ont accepté nettement moins de demandes d'Ukrainiens qu'ils n'en ont reçues.

Concrètement, en octobre, 800 demandes de moins que celles déposées ont pu être réglées. En novembre, ce sont plus de 700 dossiers d'Ukrainiennes et d'Ukrainiens qui sont restés sans réponse. Ce même mois, près de 2000 personnes originaires d'Ukraine ont déposé une demande en Suisse. Seul un petit millier a reçu une réponse positive avant la fin du mois et 112 demandes ont été rejetées.

Les autorités suisses ont soudainement traité moins de demandes d'Ukrainiens en automne.
Photo: Keystone
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Davantage de demande en provenance d'autres pays

Les fonctionnaires de la Confédération n'ont pourtant pas été confrontés à davantage de demandes en octobre et novembre qu'au cours des mois précédents. En mars dernier par exemple, plus de 2000 personnes ont déposé une demande de statut S. Le Secrétariat d'Etat aux migrations (SEM) avait alors répondu à 2000 demandes, soit autant qu'il en avait reçues.

Que s'est-il donc passé au SEM? Contacté, le service de communication invoque une recrudescence des demandes en provenance d'autres pays. Le nombre de requérants d'asile soumis à la procédure ordinaire a en effet fortement augmenté à la fin de l'été et à l'automne. Il a cependant légèrement baissé récemment, a indiqué le SEM avant la fin de l'année.

Un recrutement qui prend du temps

Le SEM ne dispose pas d'intérimaires pouvant être mobilisés en cas d'augmentation soudaine des demandes d'asile: «Nous avons certes pu et pouvons recruter du personnel supplémentaire pour faire face à la vague migratoire actuelle, mais les nouveaux collaborateurs doivent d'abord être formés à cette tâche à responsabilité.»

En octobre 2023, 3515 demandes d'asile régulières ont été déposées en Suisse. C'est 307 de plus que l'année précédente, soit une augmentation de 9%. Parallèlement, les autorités ont fait face à environ 350 demandes de moins en provenance d'Ukraine, par rapport à l'année précédente. En octobre 2023, près de 2500 personnes ont déposé une demande de statut S.

Même si le traitement des demandes d'asile conventionnelles est plus complexe que celui des demandes de statut S, le retard accumulé par le SEM n'est que partiellement compréhensible.

Nouvelle vague d'arrivées?

L'incapacité des autorités migratoires à traiter les demandes en temps et en heures n'augure rien de bon pour les personnes en fuite. Et au vu de l'intensification des attaques russes, les exilés en provenance d'Ukraine pourraient à nouveau être plus nombreux à chercher refuge en Europe.

La lenteur de traitement des demandes ukrainiennes préoccupe l'Organisation suisse d'aide aux réfugiés (OSAR): «Les personnes concernées restent plus longtemps dans des hébergements collectifs et ne sont réparties que plus tard dans les cantons, où elles pourraient par exemple être accueillies par des familles d'accueil et travailler», déplore le porte-parole de l'OSAR Lionel Walter.

Scolarisation des enfants retardée

Même la scolarisation des enfants s'en trouve retardée: «Nous regrettons cette situation, mais comprenons que le SEM ne puisse pas travailler plus rapidement sans ressources supplémentaires.» L'OSAR redoute les conséquences qu'aurait aujourd'hui l'arrivée d'une vague de réfugiés ukrainiens similaire à celle du printemps 2022.

A court et moyen terme, la pression migratoire ne devrait pas diminuer. Le SEM table pour 2024 sur un nombre de demandes d’asile du même ordre que l’année dernière, soit entre 28’000 et 30’000 requêtes. Ces derniers mois, les centres d'hébergement ont parfois atteint leur limite.

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