Podcast «Crimes suisses»
Antoine Droux: «Il se passe aussi des choses horribles derrière les apparences propres en ordre suisses»

Faits-divers obscurs ou procès retentissants, la RTS lance un podcast qui revient sur des affaires criminelles ayant marqué la Suisse. Antoine Droux raconte ces crimes qui se sont peut-être passés près de chez vous, à écouter dès le 5 janvier 2024. Interview.
Publié: 17.12.2023 à 19:59 heures
|
Dernière mise à jour: 18.12.2023 à 13:34 heures
Blick_Lucie_Fehlbaum2.png
Lucie FehlbaumJournaliste Blick

La Suisse, ses rues propres, ses alpages idylliques et ses dimanches paisibles. Derrière ce vernis stéréotypé existe évidemment une société comme les autres, avec ses codes, ses lois, ses pulsions et ses horreurs.

C’est justement en partant du principe qu’une société et son histoire se dévoilent aussi à travers ses crimes que la RTS lance «Crimes Suisses». Un podcast true crime (documentaire criminel, ndlr) qui reviendra sur des affaires résolues ou prescrites. Ces épisodes noirs de la vie de notre pays sont parfois tombés dans l’oubli, parfois encore vifs dans nos esprits.

Antoine Droux présentera quatre premiers épisodes dès le vendredi 5 janvier 2024. Auparavant à la tête de «Médialogues», l’émission de la Première qui observait le contenu et le fonctionnement des médias, le journaliste est désormais auteur et narrateur des épisodes de «Crimes Suisses». Interview.

Antoine Droux revient, dans le premier épisode de «Crimes suisses», sur l'histoire de «l'étrangleur à la cravate».
Photo: Laurent BLEUZE

Antoine Droux, ce podcast, c’est une manière de dire qu’en Suisse aussi, on peut être méchant?
Faire un énième podcast true crime en français, et parler du «Petit Grégory», ou d’affaires qui ont marqué la francophonie, ça n’était pas notre rôle. En réfléchissant au podcast, on s’est rendu compte que la Suisse n’avait jamais été racontée sous cet aspect-là. Quelques épisodes existent, mais personne n’a raconté certaines histoires que nous abordons. Les panels de public qui ont écouté le format nous ont dit que c’était incroyable. Ils ne savaient pas que ça pouvait arriver en Suisse. Qu’ils se passaient aussi des choses horribles derrière les apparences propres en ordre.

Qui choisit les affaires et selon quels critères?
C’est moi qui choisis les affaires et en discute avec le producteur. Pour l’instant, on en a identifié une petite dizaine qu’on est en train de travailler. Il faut que l’affaire soit réglée, je ne refais pas d’enquêtes. On ne veut pas non plus interférer avec la justice. Nous sommes loin des affaires d’actualité, il nous faut un début, un milieu et une fin.

Le journaliste Antoine Droux en plein enregistrement du podcast «Crimes suisses».
Photo: Antoine Droux

Fixez-vous une limite dans le temps, dans un sens ou dans l’autre?
Pour l’instant, l’affaire la plus ancienne date de 1912, et la plus récente, de 2005. C’est notre fourchette pour le moment. C’était intéressant de se plonger dans l’affaire de 1912 puisqu’il n’existe aucune archive sonore, et encore moins vidéo. On a reconstitué une scène du tribunal avec deux comédiens. Et pour apporter ce grain, on a utilisé une interview du guet de la Cathédrale de Lausanne, qui date des années 1940 – en précisant bien-sûr l’époque où elle a été enregistrée. Elle illustre et amène une patine.

Vous vous êtes replongé dans les archives de plusieurs époques. Les Suisses étaient-ils plus choqués par les crimes par le passé?
Les histoires de meurtre peuvent faire trembler toute une région. Ce qui s’est passé en Valais la semaine dernière a secoué toute la Suisse romande. C’est fascinant de voir que tout le monde peut être concerné. Une affaire peut faire écho, comme un miroir, à toute une toile d’émotions ou de liens que nous vivons ou partageons. Mais oui, notre société est plus exposée à la violence aujourd’hui, peut-être plus habituée.

Et à l’inverse, notez-vous une époque où ces histoires ont commencé à passionner le public?
Je ne suis pas sûr que les gens s’intéressent moins ou plus à ces affaires. Ils y ont plus facilement accès aujourd’hui, puisque les contenus se multiplient: podcasts, films, séries. Mais le premier true crime, c’est «De sang-froid», de Truman Capote, qui est sorti au milieu du 20ème siècle. C’est là qu’on commence à raconter ces crimes. J’ai mis un moment à comprendre cette notion de cathartique: on libère une pulsion. Ce qui est intéressant, c’est ce qui fait basculer quelqu’un. On pense tous une fois où l’autre à propos d’un voisin insupportable, «je pourrais le buter». Mais on ne le fait pas. Quand quelqu’un passe à l’acte, ça fascine beaucoup.

Faut-il des ingrédients spécifiques pour qu’un crime devienne une histoire qui se raconte?
Ça n’est pas comme ça que j’analyse le crime. C’est une période, un moment de notre société. Le premier épisode raconte le destin d’un homme qui arrive en Suisse, essaie de survivre et glisse sur la pente du crime. La dramatisation est nécessaire pour ne pas ennuyer les auditeurs, mais je ne fais pas non plus du grand spectacle. Il y a pleins de choses auxquelles j’ai eu accès et que je ne dis pas, d’ailleurs, pour ne pas transformer ces true crimes en spectacles.

N’est-ce pas le risque, avec un podcast, de «romantiser» des drames?
Non, ces histoires sont horribles. Elles concernent nos voisins, des gens qu’on croise et qui sont morts dans la violence et dans la peur. Quand on me demande ce que je fais en ce moment et que je parle du podcast, on me répond souvent «ah, c’est cool!». Mais non, ça n’est pas cool. C’est un travail important pour raconter des époques, des rapports sociaux, ce pays sous différents angles. Les histoires sont fortes, certes, mais je n’ai pas d’épisode préféré parce que je ne peux pas préférer une mort violente plutôt qu’une autre. C’est aussi pour ça qu’on fait ce programme avec grand soin et beaucoup de sérieux.

«Crimes suisses» sera diffusé dès le 5 janvier, à écouter sur Play RTS une semaine avant leur diffusion sur les autres plateformes d’écoute (Spotify, Apple Podcasts, etc...). Une vingtaine de capsules sont prévues.

Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la