Polémique dans le Nord vaudois
Marc Atallah quitte Yverdon et veut déjà créer un nouveau festival!

Marc Atallah démissionne de la Maison d'Ailleurs à Yverdon et quitte la direction de Numerik Games. Également employé de l'Université de Lausanne, il souhaite fonder un événement-clône sur le campus, avec son équipe, a appris Blick. La cosyndique grince des dents.
Publié: 16.10.2023 à 17:59 heures
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Dernière mise à jour: 16.10.2023 à 21:28 heures
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Amit JuillardJournaliste Blick

Stupeur pour le public, qui n'est pas dans la confidence. Alors que Blick finalise ces lignes, à 17h23 ce lundi, la Maison d’Ailleurs annonce la démission de son directeur, après douze ans. Marc Atallah quittera ses fonctions au 31 janvier 2024, mais effectuera un dernier mandat entre février et mars 2024.

Le musée de la science-fiction indique que son futur ex-leader «a choisi de donner une nouvelle orientation à sa carrière». «Dans l’attente du recrutement de la nouvelle direction, le Conseil de fondation nommera une direction ad interim», précise l'institution, qui accueille 19'000 visiteuses et visiteurs par an.

Plus tôt dans la journée, Blick apprenait que le médiatique quadragénaire quittait aussi son poste de directeur du festival yverdonnois Numerik Games et souhaitait fonder un événement-clône, qui s’appellerait «Festival des Futurs», et aurait «très probablement» lieu sur le campus de l’Université de Lausanne (UNIL)! Et ce, en emmenant «son» équipe, avec le soutien de «nombre» de «ses» partenaires et prestataires avec lui.

Ce samedi, Marc Atallah tentait de s'assurer du soutien des actuels partenaires du Numerik Games Festival en cas de création d'un nouvel événement sur le campus de l'Université de Lausanne.
Photo: Keystone

Le charismatique homme à la casquette l’a fait savoir samedi dans un e-mail adressé aux exposants, dont Blick a obtenu copie. But de la démarche? S’assurer de leur soutien à l'avenir.

Pourquoi cette décision choc? Dans son texte, celui qui est également employé par l’UNIL explique avoir été désavoué par l’assemblée générale de l’association Numerik Games, qui chapeaute le festival destiné l’art numérique. Les membres-fondateurs se sont opposés à la proposition de Marc Atallah, qui souhaitait organiser une édition de l’événement qu’il a créé — l’un des plus importants de la Cité thermale — sur le campus de l’UNIL. La haute école avait soumis une offre, souligne-t-il.

«C’est incompréhensible»

«C’est incompréhensible, surtout que je leur avais proposé de faire deux manifestations en 2024: une à l’UNIL, une à Yverdon (ou dans le Nord vaudois), peste — toujours par écrit — celui qui dirige aussi la Maison d’Ailleurs, musée de la science-fiction sis à Yverdon. Le modèle des Jeux olympiques, pourtant au cœur du Numerik Games Festival depuis ses débuts, a été balayé: le Numerik Games Festival ne pourra pas s’étendre, il restera une manifestation régionale.» Marc Atallah se dit «consterné»: «Ce n’est pas ce que j’avais en tête lorsque j’ai créé la manifestation […]».

Pour le maître d’enseignement en lettres, se tourner vers Dorigny aurait permis de voir beaucoup plus grand. «Ainsi, si l’édition 2023 (ndlr: la huitième de Numerik Games) a accueilli un public de quelque 14’300 personnes, les 30’000 étudiant·e·s que comptent les campus de l’UNIL et de l’EPFL additionnés à la population que compte la région lausannoise (~ 200’000 personnes pour le grand Lausanne) [devaient] assurer une affluence record pour la prochaine édition».

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«Je sonde mon entourage pour savoir qui serait prêt à me suivre»
Marc Atallah, futur ex-directeur de la Maison d'Ailleurs et de Numerik Games
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Dans son courrier électronique, il ne laisse planer aucun doute sur son avenir. «Loyal à mes convictions et à mes idées, j’ai donc décidé, et ce ne fut pas facile, de quitter le Numerik Games Festival — je ne peux pas cautionner un repli sur soi alors que nous avions une opportunité hors norme de nous ouvrir — et de fonder, avec mon équipe, une nouvelle manifestation: le FESTIVAL DES FUTURS!»

Un président surpris

Contacté par Blick lundi matin, Olivier Bloch, président de l’association Numerik Games, est surpris. «Je n’ai pas connaissance de cet e-mail, j’en prends acte, lance l’avocat. L’assemblée générale de vendredi a décidé de maintenir le Numerik Games Festival dans le Nord vaudois.»

Marc Atallah lui a-t-il parlé d’un désir de s’en aller? «Marc Atallah m’a confié qu’il explorait différentes pistes. Rien n’était décidé.» Et Olivier Bloch de préciser: «Officiellement et juridiquement, Marc Atallah est directeur de la Maison d’Ailleurs. C’est en cette qualité qu’il a organisé et animé le Numerik Games Festival sur la base d’un contrat de prestation liant l’association Numerik Games à la Fondation de la Maison d’Ailleurs. Indépendamment de l’éventuel départ de l’actuel directeur de la Maison d’Ailleurs, le festival se poursuivra, avec tout le succès que nous lui connaissons.»

Également joint par Blick en début d’après-midi, Marc Atallah confirme ce qu’il a écrit dans son e-mail, mais ne pipe pas mot sur son départ de la Maison d’Ailleurs, évitant soigneusement le sujet. «Oui, je quitte Numerik Games: je ne peux pas continuer dans ce contexte. J’ai envie de créer un nouveau festival dédié à la créativité du numérique, mais peut-être pas uniquement. Je sonde mon entourage pour savoir qui serait prêt à me suivre. Je n’ai pas soumis de projet à l’Université de Lausanne et le nom cité est un titre de travail.»

Au téléphone, le Vaudois n’est toutefois pas toujours aussi affirmatif que dans son e-mail. «J’ai parlé avec le président de l’association Numerik Games ce dimanche. Si une nouvelle proposition, qui correspondrait à mon ambition de faire grandir ce festival, me parvenait, j’y réfléchirais.»

«Tentative de siphonnage des partenaires»

Qu’en disent les autorités municipales, qui financent l’événement à hauteur de 120’000 francs par an? «Comme dans chaque entité culturelle, un départ est une nouvelle étape, lâche la cosyndique Carmen Tanner, en fin d’après-midi. Nous allons accompagner les deux structures dans leur processus de recrutement. Pour nous, ça ne change pas grand-chose, nous sommes très contents que le Numerik Games Festival reste à Yverdon.»

«La Ville s’interroge sur cette façon de démarcher des partenaires, pique Carmen Tanner. Cela questionne la loyauté de Marc Atallah envers ses employeurs.»
Photo: KEYSTONE/Jean-Christophe Bott

La Verte dénonce toutefois «une tentative de siphonnage». Une référence au courrier électronique envoyé ce samedi par Marc Atallah: «La Ville s’interroge sur cette façon de démarcher des partenaires. Pour nous, c’est une grande déception. Cela questionne sa loyauté envers ses employeurs.»

L’élue met aussi l’UNIL, actuel partenaire de Numerik Games Festival, en garde. «Nous espérons que l’UNIL ne serait pas tentée d’entrer en concurrence avec une ville située à une trentaine de kilomètres et avec une autre haute école (la HEIG-VD) de la région».

Pour mémoire, en juillet 2021, une grande enquête de Blick avait mis en lumière des problèmes de gouvernance à la Maison d'Ailleurs et relatait des accusations de plagiat à l'encontre de son chef. Les résultats de l'audit, commandé par le Conseil de fondation à la suite de nos révélations, écartaient toute infraction pénale, mais soulignaient des dysfonctionnements internes. En juin 2022, les auteurs de ce rapport externe recommandaient même l'engagement d'un codirecteur, désavouant ainsi la gestion de Marc Atallah.

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