Pourquoi l'alarmisme d'Ueli Maurer est infondé
Le mythe de la dette menaçante liée au coronavirus

Lors de l'assemblée des délégués de l'UDC, le ministre des finances a prévenu que nous allions devoir nous serrer la ceinture à cause du Covid. Mais le taux d'endettement de la Confédération dit le contraire.
Publié: 13.02.2022 à 12:35 heures
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Dernière mise à jour: 13.02.2022 à 12:38 heures
Thomas Schlittler

Cela faisait quelques semaines que notre pays était en confinement. A l’époque, Ueli Maurer, la mine sombre, osait ce pronostic: «Si l’on considère 50 milliards de dettes supplémentaires, il nous faudra environ 25 ans, soit une génération, pour rembourser ce montant», déclarait le ministre des finances en mars 2020 à Blick. Presque deux ans plus tard, alors que l’on approche de la fin de la pandémie, un coup d’œil sur le budget de l’Etat s’impose. Verdict? La situation financière de la Confédération est bien meilleure que ce qu'Ueli Maurer et de nombreux autres experts avaient prévu.

La dette brute s’élève à 15% du PIB.

Le Département des finances s’attend à une dette brute de 111 milliards de francs à la fin de 2021. Certes, cela représente 14 milliards de francs de plus qu’à la fin de 2019, mais ce n’est pas énorme, si l’on compare sur plusieurs années. En 2005, la Confédération était en effet endettée à hauteur de 130 milliards de francs, le niveau le plus élevé jamais atteint.

Ces chiffres deviennent vraiment significatifs lorsqu’ils sont rapportés au produit intérieur brut (PIB), c’est-à-dire à la valeur totale de tous les biens, marchandises et services produits dans un pays au cours d’une année. Plus le PIB est élevé, plus un pays peut se permettre de s’endetter. Pour la Suisse, 111 milliards de francs en 2021, ce n’est donc pas la même chose qu’en 2000 car notre économie nationale a connu une nette croissance depuis lors.

Cette carte a été envoyée par le ministre des finances Ueli Maurer pour Noël. Elle a été dessinée par le caricaturiste Tom Künzli.
Photo: Tom Künzli
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Selon le Département des finances, la dette brute de la Confédération par rapport au PIB s’élève actuellement à 15%. Il est intéressant de relever que cette valeur était de 24,9% en 2002 et 2003. En 2014, le taux d’endettement de la Confédération était encore supérieur à 15%. Or il y a sept ans, personne n’affirmait que l’État allait devoir se serrer la ceinture.

Pénurie d’argent dans les années à venir

Le 15 janvier 2022, lors de l’assemblée des délégués de l’UDC à Reconvilier (BE), Ueli Maurer se voulait encore et toujours défaitiste: «La crise du Covid engendrera environ 35’000 millions de francs d’ici la fin de cette année». Cela représente à peu près l’augmentation de la dette, a poursuivi Ueli Maurer, avant d'ajouter: «Cela va nous rattraper dans les années à venir. Nous n’aurons guère d’argent pour de nouvelles tâches».

Peu d’argent pour de nouvelles tâches? Comment Ueli Maurer en arrive-t-il à cette conclusion? Pourquoi un taux d’endettement de 15% serait-il une raison de paniquer, alors que personne ne considérait cela comme un problème il y a encore quelques années? Et pourquoi la dette brute de la Confédération n’a-t-elle augmenté que de 14 milliards de francs depuis 2019, alors que 35 milliards de francs supplémentaires ont été dépensés pour faire face à la crise, selon le ministre des finances?

Le Département des finances apporte des éclaircissements

«Dans le contexte de la réduction de la dette liée au coronavirus, c’est le déficit de 35 milliards de francs qui est déterminant et non la dette brute déclarée», argumente un porte-parole du Département des finances. Selon lui, la dette brute a moins augmenté que le déficit pour plusieurs raisons: «D’une part, une grande partie des mesures liées au Covid a pu être couverte en 2020 par des liquidités, car celles-ci étaient très élevées fin 2019. D’autre part, en 2021, l’évolution des recettes a été très bonne, notamment parce que la BNS a distribué des fonds supplémentaires».

Il faut savoir que la Confédération dispose d’un compte spécial – appelé compte d’amortissement – sur lequel sont comptabilisées les recettes et les dépenses extraordinaires. Avant la pandémie, le solde de ce compte était nettement positif. Mais à la fin de l’année 2022, la Confédération s’attend à un déficit de 25 à 30 milliards de francs. «Ce déficit doit être résorbé», conclut le Département des finances.

Deux variantes sont au choix

La question est de savoir comment y parvenir... Comme le montre l’exemple du compte d’amortissement, la comptabilité est parfois une science étonnamment créative. Or selon le degré de créativité que le Parlement laissera au Département des finances, la réduction de la dette pourrait être rapide et indolore.

Le Conseil fédéral a mis deux variantes en consultation. La première variante vise à réduire la dette liée au Covid en douze ans. La moitié de cette somme devrait provenir des distributions supplémentaires attendues de la Banque nationale, l’autre moitié des futurs excédents du budget ordinaire.

La deuxième variante est encore plus créative. Elle prévoit d’éponger les dettes du coronavirus en l’espace de six ans. Comment? En puisant dans un compte de compensation spécial dont dispose également la Confédération. Sur ce compte se trouvent actuellement environ 25 milliards de francs, provenant d’excédents budgétaires antérieurs. Le reste doit provenir, comme dans la première variante, des futurs excédents du budget ordinaire.

Pour faire court, si le Parlement le souhaite, la Confédération peut compenser les dépenses extraordinaires nécessaires à la lutte contre la pandémie sans coupes sensibles. Dans le passé, des excédents extraordinaires ont été accumulés sans que personne ne les ait vraiment pris en compte.

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