Président des directeurs de la Santé
«Nous devons attendre avant de grands assouplissements»

Vendredi, le conseiller fédéral Alain Berset a annoncé de possibles nouveaux assouplissements. Les cantons n'étaient au courant de rien. Le président de leurs directeurs de la Santé Lukas Engelberger met en garde contre un optimisme prématuré.
Publié: 30.01.2022 à 07:54 heures
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Dernière mise à jour: 30.01.2022 à 09:52 heures
Danny Schlumpf

La quarantaine et l'obligation de travailler à domicile devraient tomber dès la semaine prochaine. C'est ce qu'a annoncé le conseiller fédéral Alain Berset vendredi lors d'un voyage dans le canton d'Argovie. Le ministre de la santé a également évoqué la suppression de l'obligation de certificat et a promis le retour de l'insouciance face à la pandémie. Les annonces de Berset sont très optimistes, déclare Lukas Engelberger, conseiller d'Etat bâlois et président de la Conférence des directeurs de la santé, dans un entretien avec Blick.

Monsieur Engelberger, le Conseil fédéral a annoncé vendredi la suppression de l'obligation de quarantaine et de travail à domicile. Avez-vous été surpris?
Lukas Engelberger: Cela correspond à ce qui avait été annoncé précédemment. Le Conseil fédéral a déjà évoqué des assouplissements. La tonalité des annonces est toutefois très optimiste. Le Conseil fédéral suscite ainsi des attentes.

Alain Berset a anticipé une décision de grande portée sans consulter les cantons. Ne vous sentez-vous pas pris au dépourvu?
Le Conseil fédéral a déjà mis en discussion des assouplissements vis-à-vis des cantons début janvier. Si la situation ne s'aggrave pas, je comprends qu'il ne consulte pas à nouveau maintenant sur la quarantaine et le télétravail. Il en va autrement pour les étapes plus importantes comme la suppression de la 2G et l'obligation de certificat à l'intérieur du pays. Elles ont des répercussions importantes sur l'exécution dans les cantons. De telles mesures ne peuvent pas être décidées sans consultation.

Les annonces d'Alain Berset sont très (trop) optimistes, estime le président des directeurs cantonaux de la Santé Lukas Engelberger.
Photo: keystone-sda.ch

Dans des pays comme la Grande-Bretagne et le Danemark, l'obligation de porter un masque est désormais supprimée. La Suisse devrait-elle suivre?
Je ne suis pas d'accord pour l'instant. L'obligation de porter un masque est impopulaire, mais il s'agit d'une atteinte relativement légère à nos libertés.

L'Espagne traite désormais le Covid comme une grippe normale. La Première ministre danoise Mette Frederiksen a déclaré: «Bonjour à la vie que nous connaissions avant le Covid». La pandémie est-elle terminée?
La pandémie ne se termine pas comme une guerre avec une trêve décidée à une heure précise. Elle s'atténue. Dans les mois à venir, il est tout à fait possible que nous vivions avec un sentiment post-Covid. La vague Omicron va s'estomper et les températures vont augmenter. Mais ce sentiment devra faire ses preuves à l'automne, lorsque le froid s'installera et que la protection vaccinale devra peut-être être renouvelée.

Ce n'est donc pas encore terminé.
De nouvelles mutations pourraient aggraver la situation. C'est pourquoi il est dangereux de déclarer prématurément la fin de la pandémie. L'Angleterre et le Danemark le font d'ailleurs pour la deuxième fois. Peut-être pourrons-nous regarder en arrière en hiver et dire: au printemps, la pandémie était «terminée». Maintenant, nous ne le savons pas.

L'Union des arts et métiers a déjà demandé une «journée de la liberté», au cours de laquelle toutes les mesures tomberaient. Alain Berset annonce des «journées de joie». Le signal est clair.
Je n'ai pas l'impression que ce sentiment domine au quotidien. De nombreuses personnes continuent de ressentir la situation comme pesante et restent prudentes. Il est important de ne pas se laisser aller maintenant, car ce n'est pas encore fini.

Mardi, la Task force scientifique de la Confédération a mis en garde contre tout assouplissement. Est-ce que plus personne n'écoute la Task force?
Pas moi, en ce qui me concerne. J'apprécie beaucoup le travail de la Task force. Elle élabore différents scénarios. Heureusement, les plus négatifs ne se réalisent pas toujours. Mais critiquer la Task force pour cette raison, ou même demander son retrait, est injuste.

La situation est confuse. Le nombre de cas atteint un niveau record, mais les unités de soins intensifs ne sont pas surchargées. En revanche, les hospitalisations ne cessent d'augmenter.
En ce qui concerne les hôpitaux, la prudence reste effectivement de mise. Nous ne sommes pas simplement sortis d'affaire. Chez nous, à Bâle-Ville, les unités de soins intensifs sont certes stables. Mais les admissions à l'hôpital ont augmenté de près d'un tiers la semaine dernière. Le tableau n'est pas uniforme. Si la vague ne se calme pas et que les hospitalisations continuent d'augmenter, nous courons de nouveaux risques.

Les traceurs de contact ont abandonné, les tests en école et en entreprise ont été suspendus. L'OFSP estime que le nombre de cas non déclarés est élevé. En d'autres termes: Nous n'avons aucune idée de la situation réelle ...
Je n'irais pas jusque-là. Ici aussi, le tableau n'est pas homogène. A Bâle-Ville, nous maintenons les tests de masse, y compris dans les écoles. Nous voyons donc assez précisément comment la situation évolue. Dans les cantons où cela n'est pas fait, on voit naturellement les choses moins précisément.

Nous assouplissons les règles en nous référant à une immunité de 90% de la population. Quelque part, cette immunité par la contamination a été décidée depuis l'automne par la Confédération. Les cantons le savaient aussi.
Ce n'est pas vrai. Aucune contamination n'a été décidée. Ce serait une stratégie qui laisserait délibérément des personnes tomber malades alors que ce n'est pas nécessaire. Ce que la Suisse met en œuvre, c'est une immunisation contrôlée. Les gens peuvent et doivent se faire vacciner. Une contamination est certes possible, mais la vaccination protège contre une maladie grave.

Les assouplissements à grande échelle sont donc la prochaine étape logique?
Ces mesures permettent d'éviter un effondrement des hôpitaux. Et ce qui est nouveau, c'est qu'elles doivent aussi protéger les entreprises d'importance systémique dans des domaines comme l'approvisionnement, l'infrastructure, l'alimentation ou l'électricité. C'est pourquoi nous devons attendre le pic de la vague Omicron avant de prendre des mesures d'assouplissement importantes.

Sans compter qu'à peine cinq pour cent des enfants sont vaccinés. Est-ce que nous passons sous silence ce fait?
La vaccination des enfants ne fait que commencer. Et de nombreux enfants ont probablement déjà contracté une infection asymptomatique. Il y a bien sûr une incertitude, mais elle ne doit pas nous empêcher d'avancer.

Et qu'en est-il du Covid long? La politique semble s'en moquer complètement.
Ce n'est pas le cas. Mais une prévention systématique du Covid long impliquerait des mesures fortes pour une très longue période. Ce n'est tout simplement pas réaliste. Nous devons vivre avec certaines incertitudes.

(Adaptation par Jocelyn Daloz)

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