Presque deux semaines par an!
Les Suisses ne se sont jamais autant portés pâles au travail

C'est un nouveau record: en 2022, les employés ont été absents en moyenne 9,3 jours pour cause de maladie ou d'accident. Les assureurs estiment que les gens se font porter pâles plus rapidement qu'avant le Covid. Les syndicats parlent plutôt d'une surcharge de travail.
Publié: 06.08.2023 à 19:04 heures
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Thomas Schlittler

Travailler dur fait partie de l’ADN helvétique. Ou cette devise appartient-elle au passé? C’est ce que pourraient indiquer les nouveaux chiffres de l’Office fédéral de la statistique (OFS). Les personnes actives sont plus souvent absentes du travail qu’auparavant, et ce, pour des raisons de santé.

En 2022, les travailleurs à temps plein ont été absents en moyenne 9,3 jours pour cause de maladie ou d’accident, soit près de deux semaines. Il s’agit d’un nouveau record. Entre 2010 et 2019, le nombre annuel d’absences se situait entre 6,2 et 7,2 jours. Et même pendant la pandémie de Covid-19, ce chiffre était plus bas: 8,1 jours d’absence en 2020 et 7,5 en 2021.

L’OFS n’a pas déterminé les raisons de cette augmentation des absences. Le Secrétariat d’Etat à l’économie (Seco), qui considère la protection de la santé des travailleurs comme une «tâche essentielle», se montre tout aussi perplexe.

De nouveaux chiffres de l'Office fédéral de la statistique montrent que les personnes actives en Suisse s'absentent de plus en plus du travail pour des raisons de santé.
Photo: Pius Koller
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Le rôle des maladies psychosomatiques

Les grandes assurances – auprès desquelles les employeurs peuvent s’assurer contre les absences de personnel – partent du principe que l’attitude face à la maladie a changé durablement, principalement depuis la crise sanitaire.

«Il est possible que la pandémie ait renforcé la conscience des risques de la contagion, de sorte que les employés décident plus rapidement de rester à la maison en cas de maladie», avance une porte-parole d’Axa, un grand acteur sur le marché des assurances d’indemnités journalières en cas de maladie. La porte-parole de Swica, leader du marché, partage cette analyse: «Une déclaration de maladie se fait souvent plus rapidement aujourd’hui.»

Les assureurs ne tombent toutefois pas d’accord sur l’impact des troubles psychiatriques. Alors qu’Axa n’observe «pas d’augmentation significative» à ce niveau-là, les «maladies psychosomatiques» jouent «un grand rôle» dans l’augmentation actuelle des incapacités de travail, selon Swica.

Afin de contrer cette tendance, Swica recommande de reconnaître à temps les conflits sur le lieu de travail et d’agir en conséquence.

La protection de la santé est une obligation de l’employeur

De son côté, le Seco rappelle que la prévention des risques pour la santé au travail n’est pas facultative, mais qu’elle est inscrite dans la loi sur le travail. «L’employeur est tenu de prendre toutes les mesures nécessaires afin d’assurer et d’améliorer la protection de la santé et de garantir la santé physique et psychique des travailleurs», cite un porte-parole.

Toutefois, l’Union patronale suisse (UPS) ne se sent concernée que dans une certaine mesure. Andrea Schwarzenbach, responsable adjointe du secteur Marché du travail et droit du travail, souligne que la santé et le bien-être des travailleurs sont de la «plus haute priorité» pour les employeurs et que l’augmentation des absences est observée «avec inquiétude». Elle est toutefois convaincue que la protection de la santé fait déjà partie intégrante de la culture d’entreprise dans la plupart des firmes.

Elle ne voit donc pas de nécessité d’agir. «La Suisse ne manque pas de bases légales pour la protection de la santé au travail», poursuit-elle.

De plus, Andrea Schwarzenbach remarque que les raisons des absences pour cause de maladie ou d’accident ne sont pas forcément liées à l’activité sur le lieu de travail. «Les risques d’accident ou de maladie sont au moins aussi élevés dans l’environnement privé.» Elle en appelle donc à la «responsabilité personnelle» des travailleurs.

Le personel se sent plus stressé

Les représentants des travailleurs ne voient pas les choses de la même manière. L’Union syndicale suisse (USS) attribue les absences plus fréquentes au fait que le stress au travail augmente. «Débrancher après le travail est difficile pour de plus en plus de travailleurs. Cela augmente le risque d’absences dues au stress et à la maladie», explique un porte-parole de l’USS, qui se réfère aux résultats de la dernière enquête sur la santé de l’OFS.

L’USS demande donc aux employeurs d’adapter l’organisation du travail et les ressources de manière à ce qu’il n’y ait pas de surcharge dangereuse pour la santé des employés. Les inspections cantonales du travail ont également un devoir à remplir. Elles devraient examiner de plus près si les règles légales sur le temps de travail sont correctement appliquées au sein des entreprises.

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