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Les stations de basse altitude vont-elles devoir dire adieu au ski?

Le changement climatique donne du fil à retordre aux domaines skiables. A Sattel-Hochstuckli (SZ), on réfléchit par exemple à l'avenir des régions de montagne alors que l'enneigement ne permet plus de préparer les pistes.
Publié: 04.02.2023 à 06:48 heures
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Sophie Reinhardt

Pirmin Moser est le président de la commune de Sattel dans le canton de Schwytz. En pleine période de Noël, l'homme était d'humeur maussade. La raison? Le temps chaud et le manque de neige. Dans la région de Sattel-Hochstuckli, comme ailleurs en Suisse, pas question de skier. La piste de la commune était verte et les remontées tristement à l'arrêt. Les températures étaient si élevées que même les canons à neige ne donnaient pas beaucoup d'espoir.

Comble de l'ironie, la commune a donc décidé d'ouvrir une piste de luge d'été à la place. Les personnes déjà en possession d'un abonnement pour la saison de ski ont pu en bénéficier gratuitement. Les employés habituellement occupés avec le téléski ont été chargés de s'en occuper.

Le manque de neige menace les sports d'hiver

Avec un début de saison qui s'est révélé très inquiétant, les domaines skiables situés à basse altitude, comme Sattel-Hochstuckli, ont bien été forcés de se poser la question qui fâche: l'achat d'installations d'enneigement supplémentaires est-il encore rentable? Et quelles sont les alternatives à proposer pour tout de même attirer des visiteurs dans les stations lors des hivers peu enneigés?

«On nous dit depuis longtemps que les domaines skiables situés à moins de 1500 mètres sont condamnés», explique Pirmin Moser, président de la commune de Sattel (SZ).
Photo: Philippe Rossier
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Pour obtenir des réponses à ces questions, la station schwytzoise participe au projet européen Beyond Snow. Outre Sattel-Hochstuckli, huit autres régions de tourisme hivernal y participent en France, en Italie, en Allemagne, en Autriche et en Slovénie. Toutes luttent contre le manque de neige et espèrent trouver de nouvelles idées pour le futur du tourisme hivernal.

Heureusement, depuis mi-janvier, la situation s'est améliorée pour Pirmin Moser et sa commune. Les flocons tant attendus sont finalement tombés et les pistes ont pu être ouvertes. La semaine sportive qui débute ce week-end dans plusieurs cantons pourra donc se dérouler sans entraves.

Pirmin Moser reste toutefois préoccupé par les changements climatiques indéniables en haute saison: «Ici, nous observons d'année en année l'évolution prédite par les climatologues», affirme-t-il.

Un hiver déjà peu rentable aujourd'hui

Alors qu'il y a dix ans, on mesurait encore 111 jours de neige dans la localité de Sattel, ce chiffre n'était plus que de 58 l'année dernière, selon MétéoSuisse. Le nombre de jours où la neige est suffisante pour préparer les pistes a tendance à diminuer.

Et cela amène donc aussi une question économique: combien de temps pourra-t-on encore miser sur le tourisme du ski, qui devient de moins en moins rentable au fil du temps?

Aujourd'hui déjà, à Sattel-Hochstuckli, l'exploitation hivernale est financée par l'exploitation estivale. Dès décembre, les coûts sont nettement plus élevés. Il faut des dameuses, des téléskis, une préparation quotidienne des pistes et les canons à neige consomment beaucoup d'énergie. L'hiver est donc beaucoup plus coûteux que l'exploitation des sentiers de randonnée en été.

Le ski garde malgré tout une place de choix dans le cœur des habitants de la région. C'est avec une grande fierté que le village fait référence aux deux skieuses de compétition, désormais retraitées, Fabienne Suter et Nadia Styger. Toutes deux faisaient partie du club de ski local.

Le zéro degré toujours plus haut

Les premières évaluations du projet Beyond Snow devraient être disponibles dans trois ans. «Nous espérons que d'autres pays nous inspireront sur la manière dont nous pouvons maintenir une exploitation hivernale rentable», poursuit Pirmin Moser. En tant que région pilote, Sattel doit avant tout fournir des données, notamment sur la géographie, le climat et l'économie.

Pour le directeur du Groupement suisse pour les régions de montagne Thomas Egger, une chose est d'ores et déjà certaine: les régions situées à moins de 1600 mètres d'altitude doivent s'affranchir d'une dépendance unilatérale au tourisme de ski, affirme-t-il à Blick. L'enneigement n'est tout simplement plus garanti à ces altitudes.

Ces perspectives sont renforcées par les prévisions de l'Office fédéral de météorologie et de climatologie. Dans un rapport, il estime que l'isotherme zéro degré pourrait grimper jusqu'à près de 1500 mètres d'altitude d'ici le milieu du siècle. «En dessous de 1000 mètres, la couverture neigeuse diminuera de moitié environ d'ici le milieu du siècle, et probablement même de plus de 80% d'ici la fin du siècle», peut-on lire dans le rapport intitulé «Scénarios climatiques suisses».

Les retraités à la rescousse?

Même si le changement climatique devrait à l'avenir causer encore plus de soucis aux domaines skiables, les remontées mécaniques des destinations de basse altitude sont aujourd'hui déjà souvent confrontées à de grands défis financiers, poursuit Thomas Egger. «La plupart du temps, la commune intervient alors avec de l'argent, mais cela ne sauve pas non plus les remontées mécaniques à long terme.» C'est aussi pour cette raison que le Groupement suisse pour les régions de montagne participe au projet Beyond Snow. Il espère que d'autres domaines skiables suisses profiteront un jour de ces connaissances.

Reste à savoir quelles offres pourraient attirer les visiteurs dans les régions de montagne à l'avenir, alors que les pistes restent vertes. Thomas Egger voit des opportunités dans le tourisme de santé. La population âgée est de plus en plus soucieuse de sa santé, elle est active et veut donc faire de l'exercice. Quant aux touristes asiatiques, ils ne veulent pas forcément faire du ski ou du snowboard, mais voir la neige et les montagnes, estime-t-il. Ces deux groupes cibles n'ont pas besoin d'un téléski, mais aime prendre les petits trains pour se rendre en altitude par exemple. Les régions doivent ainsi réfléchir aux opportunités les plus judicieuses.

Personne ne veut dire adieu au ski

Personne n'ose y penser, mais que se passerait-il si le projet de recherche arrivait à la conclusion qu'à l'avenir, le ski n'a plus sa place en basse altitude?

L'idée que les téléskis puissent être un jour définitivement supprimés ne plaît pas du tout à Pirmin Moser, qui refuse à se résigner si vite à cette idée: «Les experts nous disent depuis longtemps que les domaines skiables situés à moins de 1500 mètres d'altitude sont condamnés, nous ne le croyons pas tout à fait», déclare ce skieur passionné.

A moyen terme, l'homme estime que sa station continuera à «se défendre contre les températures plus chaudes et à maintenir une offre minimale» grâce à l'enneigement et à la technique. Proposer de nouvelles offres, comme le chemin de randonnée hivernale qui est éclairé le soir avec des torches, voilà qui permettrait d'attirer des clients supplémentaires.

Pour Thomas Egger aussi: «Beyond Snow doit convaincre la population locale avec de nouvelles idées d'offres touristiques.» Car malgré le changement climatique, personne ne veut dire adieu au ski si rapidement.

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