Resquillage en hausse
Vous cacher dans les toilettes du train peut vous coûter cher

Les cas de resquillage dans les transports publics suisses sont en hausse constante depuis 2021. Entre autres, des passagers se planquent dans les toilettes, privant les autres voyageurs d'y accéder. Mais lorsqu'on les interroge à ce sujet, les CFF font l'autruche.
Publié: 09.05.2023 à 17:52 heures
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Dernière mise à jour: 09.05.2023 à 17:59 heures
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Nora FotiJournaliste Blick

J'utilise les CFF tous les jours entre Genève et Lausanne. Alors, les retards, suppressions de trains, wagons surchargés et tutti quanti, je connais. Ces petits aléas n’étonneront d’ailleurs que peu de monde, puisque nous sommes 3,4 millions d’usagers réguliers à vivre cette réalité. Et que les couacs du rail suisse sont assez régulièrement discutés dans les médias.

Mais il y a un détail dont on parle moins: les toilettes des trains. Le sujet est certes cocasse, mais peut concerner nombre de personnes. Mon constat personnel? Celles-ci sont fréquemment occupées. Et pas seulement pour quelques minutes. Plutôt entre une demi-heure et une heure. Le temps d’un trajet.

Il m’a d’ailleurs suffi d’une discussion non formelle avec un contrôleur pour en avoir le cœur net: «Je dois déloger des personnes qui tentent d’esquiver le contrôle en se cachant dans les WC deux fois par jour», m’a-t-il glissé jeudi passé, avant de monter dans un wagon.

L’Alliance SwissPass a enregistré une hausse d’environ 13’000 incidents de resquillage, d'avril 2021 à décembre 2022. (Photo d'illustration)
Photo: KEYSTONE

Les CFF font l'autruche

Alors, ces petites salles verrouillables sont-elles vraiment une planque efficace? Pour répondre à cette question, j’ai contacté les CFF. Je pensais pouvoir obtenir des réponses facilement et rapidement. Il n'en n'a rien été. L’entreprise ferroviaire a fait l’autruche de A à Z. Un peu comme les passagers qui se cachent dans ses WC.

Après plusieurs emails et appels téléphoniques échangés entre mercredi dernier et ce mardi – lors desquels mes interlocuteurs se sont renvoyés la balle – voici ce qu’il est ressorti de nos discussions. L'ex-régie fédérale admet d'abord qu'un tel phénomène existe bel et bien, et que celui-ci n'est pas nouveau. Les CFF refusent en revanche d'indiquer en détail les directives que leurs contrôleurs sont censés suivre face à ce genre de situation.

«Notre personnel de bord vérifie les toilettes ouvertes lors du contrôle et a un œil spécial sur les toilettes fermées», se contente de commenter, par écrit, Sabine Baumgartner, porte-parole de l'entreprise. La justification? «Pour des raisons évidentes, nous ne donnons pas d'informations sur les activités de contrôle dans le train, ni sur notre dispositif de sécurité en général.»

Les resquillages augmentent

Mais de tels filous du rail sont-ils aussi nombreux que sous-entendu par le contrôleur rencontré sur le quai? Silence radio. Je suis redirigée vers l’Alliance SwissPass, l'organisation de branche des transports publics, qui regroupe 250 entreprises de transport et 17 communautés tarifaires. Celle-ci possède un registre des resquilleurs, dont les chiffres publiés s’arrêtent fin 2022.

Que disent-ils, en somme? Une augmentation générale des resquillages sur les différents réseaux de transports publics suisses est notable depuis au moins avril 2021, mois durant lequel 54’054 incidents de la sorte ont été comptabilisés. Quasiment deux ans plus tard, en décembre 2022, 67’146 cas de resquillages ont été dénombrés. Le calcul est vite fait: d’une date à l’autre, l’Alliance SwissPass a enregistré une hausse d’environ 13’000 incidents de triche, tous types confondus.

Ces chiffres sont toutefois très vagues, puisque l’organisation reçoit les décomptes de 250 sociétés précitées. Difficile alors d’affirmer avec certitude la tendance réelle chez les CFF. D’autant plus que celles et ceux qui se planquent dans les cabinets ne sont pas isolés par les statistiques.

Minimum 190 francs d'amende

Je trouve néanmoins les amendes encourues, toujours sur le site de l'Alliance SwissPass. Les fraudeurs de la cuvette doivent, en règle générale, payer 90 francs pour avoir voyagé sans titre de transport valable, plus un supplément de 100 francs.

La raison: le fait de se soustraire «de toute évidence au contrôle» est considéré comme un abus. Des montants qui augmentent en cas de récidive.

Reste à savoir si la hausse des prix des CFF – d'en moyenne 4,3% – prévue en décembre 2023 fera gonfler le nombre de clandestins du petit coin. L'Alliance SwissPass, contactée par téléphone, n'a pas pu établir de lien entre l'augmentation des tarifs et le nombre de resquillages, car ses données ne sont pas assez nombreuses et anciennes. Également questionnés à ce sujet, les CFF ont à nouveau soigneusement éludé la question.

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