Sa cécité lui coûte son job
Aveugle, ce Suisse est viré parce que trop lent

Oskar Betschart est aveugle. Cet Argovien s'est battu toute sa vie pour pouvoir travailler. Pari réussi durant 18 ans et jusqu'à l'an dernier. Jugé trop lent, il a été viré.
Publié: 14.06.2022 à 13:47 heures
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Dernière mise à jour: 14.06.2022 à 14:29 heures
Tobias Ochsenbein

La vue d'Oskar Betschart diminue depuis son enfance en raison d’une maladie héréditaire: la rétinite pigmentaire. À 39 ans, il arrive encore à distinguer la lumière de l’obscurité, mais rien d'autre. Même aveugle, cet Argovien travaillait depuis huit ans pour les ressources humaines d'une entreprise lucernoise. Mais il a dû faire face à un coup dur en octobre 2021: il a été viré. Que s'est-il passé?

«J’ai toujours été très fier de travailler pour cette entreprise malgré mon handicap. Et j’aurais volontiers continué à en faire partie, assure-t-il à Blick. Seulement voilà, en raison de ma cécité, je ne peux pas fournir les mêmes prestations que les personnes voyantes et il me faut donc toujours un peu plus de temps pour réaliser mes tâches.» C’est ce qui semble lui avoir coûté son emploi.

Interrogée par Blick, la firme qui a licencié Oskar Betschart se montre prudente: «Il y a huit ans, nous avons engagé Monsieur Betschart comme membre à part entière de l’équipe, et pas parce qu'il était aveugle. C’était très important pour lui comme pour nous». La direction fait en outre savoir que, depuis, les choses ont évolué à une vitesse fulgurante. «Avec la numérisation, tout devient de plus en plus exigeant. C’est un grand défi pour tous les collaborateurs.»

Pour le malvoyant Oskar Betschart, ce fut un coup dur lorsque la responsable du personnel de son ancien employeur lui a signifié son licenciement en octobre dernier, après huit ans de travail.
Photo: Nathalie Taiana
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La fin des rapports de travail serait, selon l'ex-employeur, plutôt liée à des difficultés d'adaptation de la part d'Oskar Betschart. «Nous avons cherché des alternatives, mais ça n'a pas marché. C’est une perte pour tout le monde», assure l'entreprise.

Sa devise: ne jamais abandonner

Oskar Betschart refuse de croire que la numérisation et l'évolution de l'environnement de travail soient à la source de son malheur. Il ne comprend pas que les responsables d’une boîte de plus de 400 employés n’aient pas pu lui trouver un poste plus adapté à son rythme.

Ce père de deux enfants est un battant. Il l’a toujours été. Il n’a jamais voulu être considéré comme quelqu’un de différent: après un apprentissage d'employé de commerce, il a travaillé 18 ans durant et a remplis son sac à dos de formations continues. Ces recherches d'emploi, il s'en charge sans aide extérieure. De prime abord, rien n’indique qu’il souffre d'un handicap. Assis devant son ordinateur, il tape à dix doigts. Des lettres en braille se cachent sous son clavier.

Il cherche à présent un nouveau job. De préférence à proximité de son domicile de Mühlau, au bord de la Reuss. Objectif: pouvoir s'y rendre sans sa canne d'aveugle. Sa devise: ne jamais abandonner. «Mes parents ne m’ont jamais préservé. Ils sont agriculteurs et j’ai dû aider à la ferme dès mon enfance: faire les foins, récolter les pommes de terre…»

Il mise désormais sur son accordéon

À ses yeux, il n’y a toujours eu que deux options: «Soit tu te caches et tu pleures, soit tu te lèves et tu fais quelque chose». Il a donc choisi cette deuxième possibilité. «Je veux être un modèle pour mes deux enfants», âgés de 4 et 6 ans.

Oskar Betschart souhaiterait aussi enseigner la musique à d’autres personnes. Oui, parce que sa sœur — elle aussi presque aveugle — et lui forment depuis des années un duo d’accordéonistes (schwyzerörgeli) très demandé. Ils se produisent sur scène presque tous les week-ends.

(Adaptation par Jocelyn Daloz)

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