Scandale dans une brasserie suisse
Son boss regarde du porno au boulot, elle est virée

En 2021, une secrétaire de la brasserie Schützengarten (AG) dénonce le comportement déplacé de son supérieur, qui consomme du porno sur son lieu de travail. Sous pression, elle finit par être licenciée peu de temps après. Et ce, bien que le cadre reconnaisse les faits.
Publié: 13.10.2022 à 11:28 heures
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Dernière mise à jour: 13.10.2022 à 11:45 heures
Michael Sahli

Pendant près de huit ans, Gisela F.*, 59 ans, a subi en silence le comportement déplacé de son supérieur par crainte de perdre son emploi. L’homme regardait ouvertement des films pornographiques dans son bureau. Lorsque la secrétaire fait remonter les agissements du cadre au sein de la brasserie Schützengarten, c’est le début de la descente en enfer. Elle finira par quitter son poste.

Son supérieur, lui, n’est pas embêté. Pourtant, dans les documents que Blick a pu obtenir – rédigés en partie par le service du personnel, et en partie par Gisela F – il y admet tous les faits, par écrit: «Les reproches formulés dans les annexes 1 et 2 sont exacts. Je présente mes excuses les plus sincères.» Il ajoute même que la collaboratrice a «atténué» situation afin de le disculper.

Du porno au bureau

Rembobinons. Peu après son entrée en fonction, il y a un peu plus de huit ans, la collaboratrice voit pour la première fois son chef consommer de la pornographie dans son bureau. «Je voulais lui faire part de quelque chose et j’ai été contrainte de regarder des images de l’entrejambe d’une femme nue sur l’écran. J’ai eu l’impression qu’il n’avait même pas honte», raconte-t-elle.

Dans une filiale de l'entreprise Schützengarten AG, une secrétaire a dû quitter son poste après s'être plainte du fait que son supérieur consommait du porno au bureau.
Photo: Brauerei Schützengarten
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Au cours des années suivantes, elle est entrée dans son bureau, apercevant son boss «un nombre de fois incalculable avec une main à l’entrejambe». Mais ce n’est pas tout: «J’ai souvent entendu des gémissements jusque dans mon bureau.» La prédécesseure de Gisela F. confirme les faits, est-il écrit dans le dossier.

«Je pense qu’il le faisait exprès pour que je l’entende», soutient Gisela F. à Blick. Elle a certes essayé d’éviter les situations embarrassantes, mais c’était souvent impossible. La collaboratrice se sent prise au piège: «J’aimais mon travail. Et comme j’approche de la soixantaine, il faut bien réfléchir avant de démissionner.»

Juste un avertissement

En 2021, la situation empire. Gisela F. raconte avoir confronté directement son supérieur. «Après cela, il a commencé à me critiquer constamment. Il était clair pour moi qu’il ne s’agissait pas de mon travail.» Peu après, elle est licenciée. La raison invoquée? Des performances insuffisantes. Elle décide de monter au front et prend un avocat. L’affaire atterrit alors sur le bureau de l’échelon supérieur de la brasserie Schützengarten AG.

Dans un courrier adressé à l’avocat de Gisela F., la direction reconnaît que les infractions commises par le cadre sont «manifestement graves», mais s’en tient à un avertissement. Puis reproche à la collaboratrice ses agissements: «Votre cliente n’a porté plainte qu’après des années, et continue aujourd’hui encore à travailler tous les jours avec lui. (ndlr pendant la période de préavis).» Le document est signé, entre autres, par le directeur des ventes de la brasserie Schützengarten, Kurt Moor, et le président de la direction, Reto Preisig.

Selon ce document toujours, le licenciement de Gisela F. serait justifié en raison de «ses performances et de son comportement». A la demande de Blick, le directeur des ventes de Schützengarten, Kurt Moor, précise désormais que «ce n’est que deux semaines après son licenciement que la collaboratrice a soulevé auprès du service du personnel le comportement déplacé de son supérieur, et a en même temps demandé l’annulation de son licenciement».

«Je me suis sentie mobbée»

A la suite de ces échanges, le licenciement de Gisela F. est annulé. Elle va reprendre son poste, tout… comme son supérieur. «Nous sommes optimistes: nous pensons que la récente escalade a rappelé les deux parties à leurs devoirs», soutient Kurt Moor. La presque sexagénaire espère que le cauchemar est enfin terminé.

Ses espoirs sont rapidement déçus. Si les comportements déplacés du supérieur cesse, la relation entre les deux parties est tendue. Au bout de quelques mois, Gisela F. n’en peut plus et quitte son poste. L’entreprise lui propose alors un poste de vendeuse, en dessous de ses compétences, qu’elle finit par accepter. Ce changement de poste ne marque pas la fin des ennuis: «Je me suis sentie mobbée, également par le service du personnel de Schützengarten», confie-t-elle. En peu de temps, plusieurs dossiers sont constitués sur cette employée de longue date, où sont documentées de prétendues fautes: masques manquants, erreurs dans les bons de commande, manque d’initiative à son nouveau poste, etc.

«Je voudrais bien retrouver ma place»

Après peu de temps, Gisela F. craque et part en congé maladie. Le contrat sera finalement résilié pour l’été 2022, «d’un commun accord», avance Schützengarten AG. «J’étais malade et je n’en pouvais plus. J’ai simplement signé», explique la Suissesse. Dans le cadre de cet accord, elle reçoit une indemnité de 8000 francs, plus un mois de salaire. Le comportement déplacé du cadre supérieur est considéré comme un «secret d’affaires». Si elle venait un jour à en parler publiquement, elle devrait dédommager l’entreprise à hauteur de 5000 francs, stipule l’accord.

Malgré ces risques, Gisela F. s’est tournée vers Blick. Elle n’arrive pas à digérer l’affaire: «J’ai subi pendant des années, et aujourd’hui, je suis la seule à devoir en assumer les conséquences. Aussi sur le plan financier.» Elle a certes réussi à trouver un autre poste de secrétaire, mais à temps partiel seulement. Son ancien travail lui manque toujours. «Je voudrais bien retrouver ma place, mais pas avec ce chef et ses films pornos.»

«Pas de licenciement demandé»

Interrogé, le directeur des ventes Kurt Moor souligne que «plainte pour mauvais comportement de la collaboratrice a été immédiatement traitée et a mené à une enquête interne». Il précise que «ni la collaboratrice ni son avocat n’ont demandé le licenciement du cadre». La secrétaire aurait approuvé avec chaque étape de la démarche. Elle aurait elle-même accepté un nouveau poste à la fin de son engagement en tant que secrétaire, alors que l’enquête interne était encore en cours. Une version que Gisela F. conteste.

En raison du «devoir d’assistance», Kurt Moor précise qu’il n’est pas possible de s’exprimer sur les délits commis par des cadres. Avant d’ajouter: «Vous ne devez pas interpréter notre silence sur sa personne comme la reconnaissance d’un quelconque état de fait.»

* Nom modifié

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