Scandale juste avant les élections
Poutine a-t-il soudoyé les populistes de droite italiens?

Onze jours avant les élections, la bombe éclate: depuis l'occupation de la Crimée en 2014, Vladimir Poutine aurait tenté de diviser les démocraties dans 20 pays par des dons secrets aux partis. Sur la liste: l'Italie.
Publié: 16.09.2022 à 17:04 heures
Myrte Müller

C’est l’agitation à Rome. Tous ceux qui ont des relations avec les services de renseignement tentent ces jours-ci de mettre la main sur leurs sources. Les partis italiens ont-ils vraiment été soudoyés par Vladimir Poutine? Si oui, lesquels? Qui a fait des avances? Et quel service a été rendu aux Russes en échange? Même le Premier ministre, Mario Draghi, a appelé mercredi le secrétaire d’Etat américain, Anthony Blinken, pour demander des détails.

La veille, douze jours avant les élections législatives en Italie, le Département d’Etat américain lâche la bombe: depuis l’occupation de la Crimée en 2014, le chef du Kremlin aurait financé à hauteur de plus de 300 millions de francs suisses des partis et des candidats dans 24 pays, afin de déstabiliser leurs démocraties respectives. Presque partout, les personnalités visées sont des populistes de droite.

Le rapport explosif des services secrets a d’abord été envoyé à toutes les ambassades, puis les médias ont également été informés. Sur la liste des services secrets, rapporte «La Stampa», figure également l’Italie.

La présidente des Fratelli d'Italia, Giorgia Meloni.
Photo: DUKAS
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Les Fratelli d'Italia en tête des sondages électoraux

Dans les sondages, le parti les Fratelli d'Italia (néofasciste) est en tête, avec environ 25% des voix. Sa présidente, Giorgia Meloni, avec l’aide de la Ligue du Nord et du parti de Silvio Berlusconi Forza Italia, pourrait même prendre la tête d'une alliance centre-droite en tant que nouvelle Première ministre.

Mais les révélations sur des dons secrets au parti en provenance de Moscou menacent de freiner le virage à droite attendu en Italie. C’est du moins ce qu’espèrent les partis de centre-gauche.

Enrico Letta, chef des sociaux-démocrates et ancien Premier ministre, insiste ainsi sur la publication immédiate du rapport américain et sur une enquête de la commission parlementaire de sécurité nationale. «L’Italie doit savoir avant les élections quels partis ont été financés par une puissance étrangère hostile à l’Europe», a-t-il déclaré aux médias italiens.

Il s’agit en premier lieu de la Ligue du Nord. Matteo Salvini est un fan déclaré de Poutine. Lors de meetings électoraux, il portait de temps à autre un T-shirt avec le portrait du chef du Kremlin. Il y a encore quelques semaines, l’homme a même suscité l’indignation en critiquant les sanctions de l’UE contre la Russie. Matteo Salvini a toujours été associé à des Russes proches du Kremlin.

Le Parquet enquête déjà sur la Ligue du Nord

En 2017, la Lega avait conclu un accord avec le parti Russie unie de Poutine en vue d’un échange d’informations. En 2018, un proche collaborateur de Matteo Salvini avait été surpris à l’hôtel Metropol de Moscou en train de négocier avec des Russes de haut rang un contrat gazier. Celui-ci, selon les soupçons du Parquet chargé de l’enquête, devait rapporter 65 millions de dollars à la Lega.

Deux mois avant la démission de Mario Draghi, en mai 2022, le collaborateur de l’ambassade russe, Oleg Kostjukov, aurait demandé à un conseiller de Matteo Salvini si les membres du cabinet de la Lega ne voulaient pas renverser le gouvernement Draghi.

Les Fratelli d'Italia auraient également profité de Poutine, affirme le diplomate américain Kurt Volker à «La Repubblica». Les deux partis de droite rejettent toute responsabilité. Matteo Salvini affirme: «Je n’ai jamais demandé ou reçu un rouble, un euro, un dinar ou un dollar de la Russie.»

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