Situation «insoutenable»
La contraception devrait être gratuite, en Suisse aussi

Dans de nombreux pays européens, les moyens de contraception sont gratuits pour, au moins, certains groupes de la population. Ce n'est pas le cas en Suisse. La scientifique Sonja Merten trouve cette situation «insoutenable».
Publié: 07.04.2023 à 06:09 heures
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Karen Schärer

Des moyens de contraception gratuits pour tous: c'est la règle depuis le 1er avril au Luxembourg. Qu'il s'agisse de la pilule, du patch contraceptif, du stérilet ou de la stérilisation chez la femme ou chez l'homme, l'État prend désormais en charge les coûts. Seuls les préservatifs font exception: le gouvernement renvoie ici à des programmes en cours avec des points de distribution gratuits.

Comme le montre l'European Contraception Policy Atlas 2023 (Atlas européen de la contraception 2023, en français), il existe déjà une bonne vingtaine de pays en Europe qui distribuent gratuitement des contraceptifs, soit à la totalité de la population, ou seulement aux jeunes ou aux personnes socialement défavorisées.

La Suisse au milieu du classement

La Suisse se situe en milieu du classement, qui répertorie 46 pays, et ce grâce à de bonnes évaluations du facteur «accès aux conseils et à l'information en ligne». Mais la contraception gratuite n'existe pas dans notre pays. Ce qui suscite de nombreuses critiques: «la situation actuelle en Suisse est intenable. Dans l'un des pays les plus riches du monde, certains groupes de la population n'ont presque pas les moyens de se payer une contraception», déclare la médecin Sonja Merten. Cette dernière occupe un poste de direction à l'Institut Tropical et de Santé Publique Suisse (Swiss TPH) et est en outre membre de la Commission fédérale pour les questions familiales. Elle a, à ce titre, a pris position sur cette thématique en mars dernier.

Au Luxembourg, les coûts des méthodes contraceptives courantes, de la pilule à la stérilisation, sont pris en charge par le budget de l'État depuis le 1er avril 2023.
Photo: Getty Images
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«Une preuve de pauvreté pour notre pays»

La médecin souligne que chez les couples mariés, une grossesse sur cinq — et même une grossesse sur trois pour les femmes non mariées — n'est pas planifiée. Sonja Merten soulève un problème d'égalité des chances: «les données récoltées à travers les années démontrent toujours la même chose: certains groupes de la population utilisent moins de contraceptifs que d'autres, à savoir les personnes aux revenus plus faibles et les personnes issues de l'immigration.»

Pour les femmes à faible revenu, le coût des contraceptifs est souvent la raison qui les pousse à ne pas en utiliser. «Lorsqu'une femme qui n'a pas les moyens de payer pour une contraception tombe enceinte de manière imprévue et doit avorter, c'est une tragédie personnelle. Cela illustre aussi une forme de pauvreté dans notre pays», déclare Sonja Merten.

Le fait que les interruptions de grossesse soient remboursées par l'assurance maladie, mais pas les moyens de contraception, peut également peser dans la balance. Pour cette spécialiste de la santé maternelle et infantile, la contraception est un sujet de santé publique.

Un sujet récurrent au Parlement

La scientifique n'est pas la première à réclamer la gratuité de la contraception. Au Parlement fédéral, le sujet a fait l'objet de plusieurs interventions au cours des quinze dernières années.

Le mois dernier, une motion de la conseillère nationale Stefania Prezioso Batou a été classée. Le Parlement ne l'avait pas traitée dans les deux ans impartis. Le Conseil fédéral y était toutefois opposé. Une adaptation de la loi serait nécessaire pour étendre le catalogue de prestations de l'assurance de base aux moyens de contraception. Et il appelle à la retenue face à l'augmentation des coûts de la santé.

Sonja Merten ne l'entend pas de cette oreille. «Il faut une solution! Nous — différents scientifiques et membres de la commission — sommes favorables à un accès libre aux moyens de contraception pour l'ensemble de la population ou, si cela n'a aucune chance de passer au Parlement, au moins un accès pour les personnes les plus défavorisées.»

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