Sont-ils sur un siège éjectable?
Les employés de Credit Suisse ne savent toujours pas s'ils garderont leur place

Les directeurs suisses de l'UBS et de Credit Suisse se sont rencontrés une première fois cette semaine. Mais la manière dont les deux entités seront réunies n'a pas encore été totalement clarifiée. Pour les collaborateurs, l'incertitude se fait très lourde.
Publié: 02.04.2023 à 13:58 heures
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Camille Kündig, Beat Schmid et Thomas Schlittler

Beaucoup d’employés de Credit Suisse (CS) en ont marre. S’ils ont d’abord refusé de parler à la presse, certaines langues commencent à se délier. En cause: l’incertitude ambiante pour leur avenir. Ils ne savent toujours pas s’ils pourront conserver leur emploi. «L’ambiance est mauvaise et dégouline de sarcasmes, tonne un employé de CS. Le message officiel en interne serait toujours le même: 'Ne lâchez pas prise, nous avons besoin de vous!'» Le trentenaire hoche la tête de droite à gauche. De l’hypocrisie, siffle-t-il. Tout le monde sait bien que beaucoup d’entre nous sont sur un siège éjectable, soupire le malheureux.

Pour lui et beaucoup d’autres, cet avenir incertain devient très difficilement supportable. Mais il faudra s’armer de patience. Sergio Ermotti prendra les rênes de la grande banque le 5 avril prochain. Et avec ce nouveau changement à la tête de l’UBS, on ne sait plus vraiment à quoi s’attendre.

Impossible, par exemple, de prévoir avec certitude la façon dont le rapprochement entre les deux entités se fera. Le banquier suisse devrait commencer par se faire une idée d’ensemble avant de prendre les premières décisions, assure une source connaissant bien les rouages de la banque. Pour les employés, le couperet n’est donc pas encore près de tomber.

On ne sait pas encore ce qu'il adviendra des activités suisses de Credit Suisse. Mais une première rencontre a eu lieu entre les directions de l'UBS et de CS, a appris Blick.
Photo: Keystone
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Un premier meeting entre les directions suisses

Ce mardi, une première rencontre a eu lieu entre des délégations des directions suisses des deux banques, sous la direction de la présidente de l’UBS en Suisse, Sabine Keller-Busse et du directeur général de CS Suisse André Helfenstein.

Pourtant, l’UBS garde encore pour elle la manière dont les unités vont être réunies. En interne, on explique que, jusqu’à la conclusion officielle de la reprise de CS, l’information est très délicate pour des raisons juridiques. Une seule donnée a filtré jusque-là: la marque Credit Suisse devrait encore exister pendant trois ou quatre ans, puis disparaître.

Des scénarios envisageant une séparation ultérieure des activités suisses de CS seraient aussi examinés. Mais selon des informations internes, l’UBS ne considérerait pas cette option comme particulièrement intéressante. Avec la nomination de Sergio Ermotti, les chances que l’UBS continue à gérer le secteur national de Credit Suisse en tant que banque indépendante devraient plutôt s’amenuiser.

Selon un rapport du magazine «Bilanz», le Tessinois aurait déjà pensé à la reprise de sa rivale de longue date il y a sept ans, lorsqu’il avait été à la tête de l’UBS pour la première fois.

Pas de souci de taille

Sergio Ermotti a-t-il donné quelques indices sur la suite des opérations? Que dit-il, par exemple, de la future taille gargantuesque de la banque? Devant la presse, le directeur général balaie le sujet d’un revers de la main. Ce samedi, il a déclaré dans les colonnes du journal italien «Il Sole 24 Ore» que la question d’une taille excessive ne se posait même pas.

Les autres banques ne seront absolument pas dépassées. Ce n’est que dans l’octroi de crédits aux multinationales que les autres établissements suisses ne seront pas à la hauteur de la position de cette «nouvelle» UBS, assure-t-il. Mais pour le Tessinois, cela n’est pas un problème. «Dans ce segment, nous aurons de la concurrence de la part de banques étrangères», se justifie Segio Ermotti.

Ses propos ne vont donc absolument pas dans le sens d’une scission. Ce qui n’est pas forcément une bonne nouvelle. Le regroupement des opérations en Suisse serait bien plus délicat que, par exemple, la réduction de la banque d’investissement qui a déjà été annoncée. La pression politique est énorme. Et des milliers d’emplois sont en jeu. La peur de déraper sur ce terrain glissant est ainsi probablement la véritable raison pour laquelle la banque ne concrétise pas ses plans pour la Suisse.

Or, chaque jour qui passe accroît l’incertitude chez les clients, mais aussi chez les collaborateurs. Le banquier de CS avec lequel Blick a pu s’entretenir sait que de nombreux collègues ont donné leur démission ce vendredi, dernier jour du mois du mars. Selon lui, ils n’en pouvaient plus d’être sur la sellette. «Raison pour laquelle certains d’entre eux ont même accepté un salaire inférieur ou un poste moins élevé que celui qu’ils occupent actuellement à CS», se désole l’informateur.

Credit Suisse ne commente pas les départs

Le service de presse de CS n’a pas souhaité répondre aux sollicitations de Blick à ce sujet. Mais ce qui est sûr, c’est que la concurrence annonce pratiquement toutes les semaines l’arrivée d’anciens collaborateurs de CS. Selon le blog financier «Inside Paradeplatz», la direction de CS a offert à ses principaux employés des «primes de maintien» pour qu’ils restent.

Les employés de Credit Suisse ne sont d’ailleurs pas les seuls à se faire du mouron. Les employés de l’UBS seraient tout sauf sereins par les temps qui courent. «Oui, il règne une certaine incertitude quant aux conséquences de la reprise pour leur propre avenir», confirme Natalia Ferrara, directrice de l’Association suisse des employés de banque. Raison pour laquelle l’association demande un gel des licenciements jusqu’à la fin de l’année. D’ici là, on devrait savoir bien plus clairement dans quelle direction ira cette nouvelle entité.

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