Sopico, pépite du rap à Paléo
«Par pudeur, quand je pleure, j'essaie de me retenir»

Émotions, pleurs, rapport aux autres, rock, hip-hop, chanson française: ces quelques mots résument cette interview du Français Sopico, étoile montante de la scène rap qui assume sans fard sa grande sensibilité. Rencontre ce samedi, juste après son concert à Paléo.
Publié: 24.07.2022 à 19:01 heures
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Dernière mise à jour: 24.07.2022 à 21:52 heures
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Antoine HürlimannResponsable du pôle News et Enquêtes

Sopico, 26 ans, débarque à l’espace presse de Paléo avec la banane jusqu'aux oreilles. Il y a tout juste une demi-heure, le jeune rappeur parisien terminait son concert dans un Club Tent bouillonnant et plein à craquer. Nous sommes samedi, il est 21h30, je me réjouis de l'interviewer.

Sofiane — son vrai nom — avait cassé Internet en 2017 en posant sa voix sur l’incontournable micro de Colors, chaîne YouTube berlinoise. C’est là que je l’avais découvert. Son univers, à mi-chemin entre le Wu-Tang Clan et Nirvana, est délirant. Je ne lui connais pas d'alter ego. Jouissif.

Aussi fan de Jacques Brel et de Georges Brassens, l'artiste d'origine algérienne crée des ponts entre les genres musicaux. Et spleene son flow sensible, à fleur de peau, dans toute la francophonie. Sa venue sur la plaine de l'Asse est l'occasion rêvée pour causer musique, scène, sentiments... et pleurs. Interview.

Sopico, 26 ans, est la nouvelle pépite du rap français.
Photo: Yann Rabanier

J’annonce tout de suite mes intérêts: j’attendais de te rencontrer avec impatience! Tu es l’un de mes coups de cœur de cette édition de Paléo. Et c’était en plus la première fois que je te voyais en live.
Merci frérot, c’est gentil! Je pense que les gens qui me connaissent bien ne s’attendaient pas forcément à voir un show comme ça ce soir. En rencontrant mon équipe actuelle, en travaillant avec elle, j’ai eu encore plus envie de faire du live. Et de le faire, ça me ramène à mes basiques. Mes basiques rock, en tout cas.

Ça se voit et ça s’entend! La scène, c’est forcément rock pour toi?
La scène, c’est comme un terrain de jeu. Si tu joues de la guitare, il faut y aller à fond. Si tu veux un arrangement rock, il faut rocker. Après, tu vois, j’ai joué il y a quelques jours au Baiser Salé, à Paris. C’est un club de Jazz. On y a donc joué avec des arrangements jazz. Mais ce n’est pas l’essentiel, c’est même assez secondaire. Ce qui compte vraiment, c’est de jouer live. D’être ancré dans le présent, de faire vibrer les gens, de prendre son pied et d’être généreux. C’est ça, la clé.

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On discute, on discute, mais ça me fait vraiment bizarre de te voir sans ta gratte. J’étais pourtant persuadé qu’elle était une extension de ton corps…
(Il sourit) Sur scène, je ne suis jamais sans. C’est vrai!

Quel est ton rapport avec elle? J’imagine que ça n’est pas qu’un simple instrument.
C’est mon fil d’Ariane. C’est le truc qui m’a amené à faire de la musique. Ça remonte à l’adolescence.

C’est donc ta guitare qui t’a amené au rap?
Le lien est moins direct. Vers 13-14 ans, j’ai appris à jouer dans mon coin, pas de façon scolaire. Mon père et mes oncles en jouent et ils voulaient m’apprendre des morceaux traditionnels orientaux. J’y allais un peu à reculons, je crois que je voulais inconsciemment leur faire plaisir. Je me suis rapidement retrouvé à gratter des titres de Nirvana, de Metallica ou encore de Led Zeppelin. C’est un peu plus tard, vers 18-20 ans, que des potes m’ont dit que je devrais essayer d’écrire. C’est comme ça que j'en suis arrivé à faire du rap. Mais c’était déjà un style de musique que j’écoutais beaucoup quand j’étais plus jeune, même si j’ai d’abord été attiré par le rock.

Et quelle importance à la chanson française pour toi? J’ai vu ta magnifique reprise de Brel dans l’émission Fanzine.
Énorme! Mes parents écoutaient beaucoup la radio. Jacques Brel, Georges Brassens, Daniel Balavoine… C’est un style qui m’a toujours beaucoup plus. Surtout dans l’écriture.

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Ce que tu fais, comme d’autres à l’instar de Georgio ou même Lomepal, c’est ça, la nouvelle chanson française?
Pour moi, la nouvelle chanson française, ce sont les artistes qui prennent des risques. Quand j’ai commencé à rapper avec ma guitare, j’étais le seul à le faire. Je pense qu’il faut se distinguer, oser des choses différentes. On peut rester dans la continuité, mais ça n’est pas ce qui m’intéresse.

Tu m’arrêtes si je me plante: j’ai l’impression que tu as une grande sensibilité que tu arrives parfaitement à exprimer dans ta musique. Tu y parviens aussi dans la vie de tous les jours, ?
(Il réfléchit quelques secondes) Je crois, oui. Même si je suis un peu dans le contrôle de mes émotions. Je crois qu’arriver à les maîtriser, c’est aussi apprendre à se connaître soi-même. À savoir qui on est, ce qu’on veut.

Je te pose aussi cette question parce que j’ai le sentiment que tu nous passes un message avec la cover de ton album Nuages. Ton visage n’a aucune expression mais une larme perle d’un de tes yeux… Personne ne pleure comme ça. Ça signifie que tu te l’interdis, que tu te protèges de ta vulnérabilité?
Sans te mentir, je pleure un peu comme ça, en essayant de me retenir. Par pudeur, probablement. Mais aussi parce que j’essaie d’éviter d’exacerber ce que je ressens. Je cherche toujours les nuances. Mais c’est vrai qu’on peut pousser la réflexion assez loin avec cette cover. Moi, je voulais déjà assumer ma face en grand, montrer quelque chose de très frontal. Je voulais aussi quelque chose de sincère, qu’on ait l’impression de me regarder dans les yeux. Et puis je voulais dire que même si je fais une poker face, je ressens tout de même des émotions pas toujours évidentes à appréhender.

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C’est quand la dernière fois que tu as pleuré pour de vrai?
Mhhhm… Franchement, il n’y a pas longtemps. (Il se tourne vers sa chérie, assise non loin de nous, et lui demande: «Mon amour, c’est quand la dernière fois que j’ai pleuré?» Elle répond: «Franchement, il n’y a pas longtemps, ouais».)

Et c’était pourquoi?
(Il se marre) Là, sincèrement, je ne sais plus. Mais ça devait être pour une bonne raison!

La colère, la rage, c’est quelque chose dont tu te nourris aussi?
J’en ressens parfois, comme tout le monde. À un moment donné, ça peut être une force. Mais je pense que c’est surtout un sentiment destructeur. Il ne faut pas se laisser gagner par la rage, jamais. Il faut plutôt se concentrer sur ce qui nous grandit et nous améliore en tant que personne. Ça passe aussi par la manière de se comporter avec les autres.

C’est pour ça que tu as multiplié les appels à la bienveillance lors de ton concert?
Oui, exactement. C’est important de prendre l’autre en considération, de regarder si on peut l’aider d’une manière ou d’une autre. Par exemple en relevant quelqu’un qui serait tombé dans le public. Il est aussi important d’être reconnaissant, il y a toujours une bonne raison de l’être. C’est un tout. Et c’est nécessaire pour vivre ensemble.

C’est ta responsabilité d’artiste de porter ce message?
Oui. En tant qu’artiste, j’estime qu’on doit rassembler. On ne doit pas porter de message ou agir de façon à créer de la désunion. Il y a déjà assez de choses qui le font dans la vie de tous les jours. Non?

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