Sylvie Goulard à Berne ce mercredi soir
«Sur la Communauté politique européenne et la Suisse, il ne faut pas tout mélanger»

L'ancienne ministre et eurodéputée française Sylvie Goulard est ce mercredi soir à Berne à l'invitation de Foraus, aux cotés de l'ex-cheffe de la diplomatie autrichienne Ursula Plassnik. Le sujet? Le sommet de la Communauté politique européenne du 1er juin en Moldavie.
Publié: 31.05.2023 à 15:56 heures
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Richard WerlyJournaliste Blick

Impossible de leur raconter des histoires ou de les perdre dans le labyrinthe bilatéral Suisse-Union européenne! Sylvie Goulard et Ursula Plassnik connaissent toutes deux par cœur l’histoire des relations compliquées de la Suisse avec ses voisins.

Ce mercredi soir à Berne, à l’invitation du «think-tank» Foraus, ces deux anciennes ministres française et autrichienne vont pourtant débattre d’un autre sujet d’actualité: la Communauté politique européenne, forte de 47 pays, qui tient ce jeudi 1er juin son second sommet à Chisinau, capitale de la Moldavie. Alain Berset y représentera la Confédération, à un moment où certains voient dans cette organisation informelle une opportunité rêvée pour la Suisse de s’arrimer à l’Union sans en être membre et sans conditions. Ces arrière-pensées helvétiques ont-elles un sens? Non. «Il s'agit d'autre chose», répond clairement Sylvie Goulard, très écoutée par Emmanuel Macron. Interview.

Sylvie Goulard, la Communauté politique européenne (CPE), c’est quelque chose d’important?
C’est une volonté de dialogue née à un moment particulier de l’histoire de l’Europe, après l’invasion d’un territoire européen et la remise en cause brutale des frontières existantes. Rien que ça, c’est d’une ampleur sans commune mesure. La CPE prouve qu’il y a un accord, au sein des pays européens démocratiques, pour dénoncer une guerre d’agression, et le fait que ce sommet se tient en Moldavie est bien plus que symbolique. La meilleure comparaison est le G7, ce forum informel des chefs d’État et de gouvernement des pays les plus riches qui se réunit une fois par an. Ici, il y a 47 pays, mais c’est la même idée: établir un dialogue informel au plus haut niveau sans subir la tyrannie du communiqué. Je pense, moi, qu’il vaut mieux attendre avant de commenter. Ce forum va prendre sa vitesse de croisière. Des groupes de travail sur l’énergie, sur le digital, sur la transition écologique vont débattre au niveau des dirigeants. C’est ça l’important, comme au G7.

La présidente de la République de Moldavie, Maia Sandu, lors d'un rassemblement pour réclamer l'adhésion à l'Union européenne, à Chisinau, le 21 mai 2023. À la suite du conflit en Ukraine, de nombreux Moldaves ont demandé à ce que leur pays devienne membre de l'UE.
Photo: DUKAS
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Qui dit forum informel peut dire aussi risque de délitement. Un ou deux sommets, et puis ça disparaît…
On peut se poser la question de la pérennité de ce type de forum. Mais ce que je note, c’est que d’autres sommets sont déjà prévus. Le prochain devrait avoir lieu en Espagne cet automne, puis au Royaume-Uni. La Suisse s'est déjà portée candidate pour accueillir le suivant. C’est un baromètre. Il faut un lieu où les Européens et leurs partenaires les plus proches du continent, comme la Turquie ou l’Azerbaïdjan, puissent dialoguer au plus haut niveau. Vous me direz qu’on fait déjà ça au Conseil de l’Europe (ndlr: dont la Suisse est membre), où aux Nations Unies. Sauf que.... au sommet de la CPE, ce sont les dirigeants qui seront présents, pas seulement les diplomates. Dans la période de tensions et de confrontations que nous traversons, c’est essentiel.

Donc, il faut rester informel. Pas de structure, pas de secrétariat?
Il faut une régularité des sommets pour que les gens se connaissent. L'avenir dira comment ce forum évoluera. Mais il ne faut surtout pas se lancer dans une fiction et projeter sur cette Communauté politique européenne autre chose que sa mission actuelle: constituer un forum de discussion où les 27 pays de l’Union, les pays candidats, les partenaires et ceux qui, comme la Suisse ou le Royaume-Uni, ont choisi de rester à l’écart, peuvent se retrouver. Je trouve ça amusant que les pays qui sont sortis de l’UE, ou qui ne veulent pas y rentrer, s’interrogent sur le caractère informel de ces sommets. C’est bien la preuve que l’on recherche, au-delà des divergences, une forme de stabilité.

La Suisse est à la table de la CPE. Concrètement, ça veut dire quoi?
Ça veut dire que la Suisse, dont je respecte pleinement la souveraineté et les choix, est intégrée dans un dialogue sur la sécurité et la géopolitique du continent dont elle fait partie! D'autres peuvent avoir d'autres motivations. Il ne faut pas tout mélanger. Un pays comme la Moldavie veut clairement adhérer à l’Union. Soit. C’est le cas aussi des pays des Balkans. Mais la CPE n’est pas là pour ça. Être présent au sommet de Chisinau n’implique rien d’autre que la volonté de collaborer. Cela dit, les dirigeants sur place ont des échanges bilatéraux. Ils évoquent les dossiers. On se fréquente. Je le répète: ne mélangeons pas les genres. La CPE, c’est un autre type d’exercice que la négociation d’une relation stable avec l’Union européenne.

Bonne chance pour l’expliquer ce mercredi soir à Berne…
J’ai accepté cette invitation pour parler de la Communauté politique européenne et de ses enjeux, qui sont largement le résultat de la guerre lancée par Vladimir Poutine. Cette guerre bouleverse tout. Elle nous rapproche bien plus qu’on ne l’aurait pensé. Elle nous oblige à prendre des responsabilités et des décisions que beaucoup auraient préféré éviter. Elle impose de regarder en face la réalité du monde où de nombreux pays ne s’estiment pas concernés par ce conflit. C’est simple comme explication, non? Après, un forum est aussi une bonne occasion d’échanger. Ça crée de la confiance. Et de cette confiance en Europe, nous avons tous besoin. Y compris la France. Y compris la Suisse.

Pour assister à la conférence de Foraus, ce mercredi 31 mai à 18h à Berne, au Kornhaus Forum: https://www.foraus.ch/fr/evenements


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