Thomas Bläsi raconte
Député UDC et pharmacien, il traque les fausses ordonnances

Thomas Bläsi, député UDC et pharmacien genevois, dénonce les faussaires — sans toutefois donner leurs noms — sur sa page Facebook. A ses yeux, il est beaucoup trop facile de contrefaire une ordonnance en Suisse et il est urgent d'agir.
Publié: 13.11.2022 à 06:22 heures
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Dernière mise à jour: 13.11.2022 à 12:04 heures
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Amit JuillardJournaliste Blick

Il sait doser humour et colère, le pharmacien indépendant Thomas Bläsi. «Après le faussaire amateur, faites bon accueil au semi-professionnel», lance le député conservateur au Grand Conseil genevois sur son profil Facebook.

Sur l’image au-dessous de son texte, une ordonnance contrefaite (et anonymisée) qui n’a pas échappé à sa vigilance, ni à celle de son assistante. La «prescription»? «Un somnifère potentiellement utilisé comme drogue du violeur […], un [autre] potentiellement utilisé comme drogue du violeur et/ou pour diminuer les effets de sevrage, et un petit Viagra en cas de baisse de forme!», blague cet élu de l’Union démocratique du centre (UDC).

Mais, après un «Caramba! Encore raté!» plutôt festif, son ton devient vite plus sombre. Ce 1er novembre, il alerte: «!!! EN SOIRÉE, NE LAISSEZ JAMAIS VOS VERRES SANS SURVEILLANCE!!!» Un mois plus tôt, il avait déjà exposé une histoire similaire.

«Nous, les pharmaciens, sommes des gardiens de but: si nous nous ratons, c'est goal, et des cachets, qui peuvent parfois mettre des vies en danger, se retrouvent dans la nature», image Thomas Bläsi.
Photo: KEYSTONE/Salvatore Di Nolfi
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«Je l’ai implorée de porter plainte!»

Joint par Blick ce 10 novembre, Thomas Bläsi doit juste déplacer ce vélo qui obstrue l’accès à sa Pharmacie du Museum, non loin du Musée d’histoire naturelle, avant de pouvoir en raconter davantage. Voilà. «Nous en attrapons entre 15 et 20 par an. Mais ce dernier cas est particulièrement intéressant, puisque cette même ordonnance est apparue dans plusieurs régions de Suisse à la même période.»

Vraiment? «Oui. Lorsque les produits listés nous paraissent louches, notamment parce qu’il s’agit de médicaments capables de soulager des dépendances ou qui peuvent être utilisés à des fins récréatives, nous appelons le ou la médecin figurant sur l’en-tête. Au téléphone, celle-ci m’a dit qu’elle avait reçu beaucoup d’appels comme le mien… Je l’ai implorée de porter plainte!»

Selon la procédure usuelle, le contrefacteur est ensuite dénoncé auprès du Service de la pharmacienne cantonale. Mais il incombe à la personne dont la signature a été imitée de porter l’affaire devant les tribunaux. Impossible de vérifier si la toubib ici concernée l’a fait. Soumis au secret de fonction, ni Thomas Bläsi ni le Service de la pharmacienne cantonale n’ont souhaité nous transmettre ses coordonnées.

Le pharmacien, ce gardien de but

Aux yeux de Thomas Bläsi, les pharmaciens font tout ce qu’ils peuvent. «Nous avons déjà beaucoup de poids sur nos épaules. Nous sommes des gardiens de but, en quelque sorte. Si nous nous ratons, c’est goal, et des cachets, qui peuvent parfois mettre des vies en danger, se retrouvent dans la nature.»

Alors comment combattre ce fléau? «En Suisse, les ordonnances ne sont pas protégées, il n’y a pas de normes standardisées, de papier spécial, comme en France. Un médecin peut écrire quelque chose sur un bout de nappe, y mettre son tampon et sa signature et c’est bon. C’est donc trop facilement falsifiable.»

Le politicien invite les praticiennes et praticiens à la prudence et à placer leurs précieux petits papiers sous clef. Pour soulager un peu la pression derrière le comptoir des apothicaires.

Des chiffres stables

Contacté par écrit, le Service de la pharmacienne cantonale annonce être en train d’essayer de faciliter la traque aux faussaires. «Nous planchons actuellement sur une nouvelle approche qui permettrait de transmettre les coordonnées administratives de la personne qui aurait commis la fraude alors que, actuellement, nous ne pouvons que communiquer à toutes les pharmacies le nom du médecin dont l’identité a été usurpée.»

Le phénomène est-il en hausse? Non, rétorque Laurent Paoliello, porte-parole du Département de la santé, dans le même courrier électronique. En 2021, le Canton a diffusé 21 circulaires à destination des officines concernant des ordonnances bidon. En 2022, 19. Mais tous les signalements ne déclenchent pas forcément une communication, étaie Laurent Paoliello: «Nous contactons le médecin pour discuter avec lui de la pertinence de faire une circulaire.»

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