Trop vieux, fatigué, malade?
Voici comment se défendre contre un licenciement abusif

En Suisse, les employés sont mal protégés juridiquement. Ils peuvent être licenciés à tout moment et sans raison. En cas de licenciement abusif, les employés peuvent se défendre – s'ils respectent certains délais et formalités.
Publié: 17.10.2023 à 16:21 heures
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Gitta Limacher

Un chauffagiste a travaillé pendant 44 ans pour le même employeur, et ce, toujours de manière satisfaisante. Mais à l'approche de la retraite, il n'a plus envie de s'arracher à la tâche. Le patron trouve qu'il a une «attitude négative» et le licencie. Est-ce légal?

Une assistante de direction de 63 ans travaillait depuis 14 ans dans la même entreprise. Mais depuis six mois, elle est malade. Est-ce possible de la licencier?

En principe, les deux employés cités peuvent être licenciés. En Suisse, les employés ne sont guère protégés, à cause de l'importante liberté de licenciement. L'employeur peut résilier le contrat de travail à tout moment, et il n'a pas besoin d'un motif grave.

Trop peu motivé, trop souvent malade, trop vieux: les employeurs licencient leurs travailleurs pour diverses raisons. Cela peut être source de frustration et de désespoir.
Photo: Getty Images

Indemnité de six mois maximum

Mais dans des cas exceptionnels, le licenciement n'est pas recevable. Par exemple lorsque les employés sont malades ou accidentés. En fonction de la durée de l'engagement, un délai de 180 jours maximum fait foi, pendant lequel les collaborateurs ne peuvent pas être virés.

Une autre circonstance exceptionnelle est celle où le licenciement est abusif. C'est notamment le cas après de nombreuses années de service et lorsque les employés se rapprochent de la retraite. Les personnes licenciées peuvent alors demander une indemnité de six mois de salaire maximum.

Le chauffagiste fatigué n'est ni malade ni accidenté. Du coup, il ne peut rien faire contre son licenciement. Mais obtient-il une indemnité pour licenciement abusif? Le Tribunal fédéral a décidé que oui. Malgré sa longue fidélité au service, l'entreprise n'a pas cherché de solution «socialement plus acceptable». Et il n'y avait aucun impératif à licencier l'employé. Le chauffagiste a donc reçu six mois de salaire.

Assez âgé, ou pas?

L'assistante de direction a eu moins de chance. Il est vrai qu'elle était toujours malade, mais le délai d'arrêt a expiré. Dans ce cas, le licenciement est valable. Et il n'est pas non plus abusif, a décidé le Tribunal fédéral, car l'employée n'avait pas informé sa patronne si et quand elle reprendrait son travail. Il n'est pas possible de prévoir quand un tribunal va considérer le licenciement comme abusif ou non. Cela dépend des détails de chaque cas, pris de manière individuelle, en sachant que la justice doit évaluer les intérêts des deux parties.

En outre, ni la loi ni la jurisprudence ne fixent de limites d'âge claires. On ne peut donc pas dire à partir de quand les employés sont considérés comme «âgés». Même chose pour l'ancienneté d'un employé: aucune précision sur le nombre d'années qu'il faut.

Il existe toutefois quelques points de repère. En règle générale, il est abusif que l'employeur licencie uniquement en raison de l'âge. Mais là encore, il y a une exception: lorsque l'âge de la retraite est atteint, le licenciement ne peut plus être considéré comme abusif. Ainsi, il était légal de licencier un enseignant spécialisé à temps partiel âgé de 70 ans en raison de son âge, et même si c'est pour le remplacer par un plus jeune, a décidé le Tribunal fédéral.

Cependant, il est abusif de licencier un employé juste avant qu'il reçoive son cadeau d'ancienneté, simplement pour faire échouer ce droit.

Plus dans le bon rythme

Par contre, cela change la donne lorsque le travailleur âgé ne fournit plus ses meilleurs services ou a perdu sa performance sur le plan professionnel ou technique. Ainsi, il n'était pas abusif de licencier un imprimeur offset de 57 ans après plus de 33 ans de service, simplement parce qu'il ne pouvait plus suivre le rythme des exigences techniques de son métier.

Les employeurs ont en principe un devoir d'assistance envers les employés âgés de longue date. Le chef du monteur en chauffage, par exemple, ne l'a pas respecté. Les supérieurs doivent en effet procéder avec le plus de ménagement possible en cas de congédiement.

Certains juges du Tribunal fédéral vont encore plus loin et considèrent que les employeurs ont le devoir d'informer les personnes concernées à temps, de les entendre éventuellement avant de les licencier, de chercher des alternatives possibles ou de leur donner une dernière chance de s'améliorer en cas de déficits de comportement ou de performance.

L'employeur aurait dû donner une dernière chance

Il était donc abusif que l'entreprise licencie ce Key Account Manager de 59 ans. Après 35 ans dans l'entreprise, il n'était plus autant performant. Le Tribunal fédéral a tranché: l'employeur aurait dû d'abord signaler sa volonté de licencier et donner une dernière chance.

Il n'existe toutefois pas d'obligation générale en la matière. Ainsi, une entreprise n'était pas tenue de consulter au préalable un directeur de 60 ans qui était également membre du conseil d'administration, ni de chercher des solutions alternatives. Et ce, bien qu'il ait déjà 37 années de service à son actif. Le Tribunal fédéral a justifié cette décision par la position particulière de cet homme.

Lorsqu'il y a un procès, les employés doivent prouver que le licenciement est abusif. Et ceci comporte une difficulté: s'il existe un autre motif de licenciement que le motif abusif, l'employeur doit prouver qu'il aurait tout de même congédié son travailleur.

Toujours est-il que les procédures en droit du travail sont gratuites jusqu'à une valeur litigieuse de 30'000 francs. Mais avant de se lancer, il vaut mieux se faire conseiller par un juriste, car la procédure comporte aussi des dangers.

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