Twint, Splitwise, Tricount...
Sommes-nous de plus en plus radins?

De nouvelles applications nous aident à répartir les coûts de manière équitable avec nos amis. Parfois de manière extrême. Selon les experts, l'usage accru de ces outils n'indique néanmoins pas pour autant que nous serions devenus radins.
Publié: 06.02.2023 à 22:18 heures
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Dernière mise à jour: 07.02.2023 à 17:45 heures
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Camille Kündig

Durant un repas de Nouvel-An entre amis, Léa Schneider, lectrice de Blick, assiste à la répartition des coûts des courses entre les invités. Elle voit son amie entrer soigneusement les montants dans l'application Splitwise et se demander qui a consommé le plus de guacamole. «J'ai su que notre amitié était terminée quand elle a fini par me demander de lui twinter deux francs», affirme sans détour la femme de 25 ans.

Mais que s'est-il passé exactement? Depuis quelques années, des applications de calcul comme Tricount ou Splitwise nous permettent de faire les comptes après une fête. En Suisse, faire ses paiements via Twint est devenu une habitude pour régler ses dettes au centime près.

Ces outils simplifient en outre le quotidien dans les collocs ou dans les couples. Les profiteurs ne s'en sortent plus aussi facilement qu'avant. Il faut dire que ces logiciels présentent un avantage important: ils nous permettent d'éviter les discussions inconfortables sur les questions d'argent en offrant une certaine discrétion numérique.

Les calculateurs de dépenses nous aident à faire les comptes entre amis.
Photo: Getty Images
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Les radins sont plus facilement repérables

«Ces applications sont les solutions idéales si l'on veut éviter de garder chaque quittance quand on part en vacances ou que l'on sort avec des amis. Pour répartir équitablement les coûts, c'est idéal», explique la lectrice de Blick Nicci Hunziker. Néanmoins, l'usage de ces outils peut se révéler plus problématique dans certains cas. Le portail d'information Nau.ch a par exemple rapporté le cas d'une Zurichoise qui utilisait Twint pour harceler son ex-copain, lui envoyant régulièrement des versements de 5 centimes accompagnés d'un pavé de texte.

Mais les réels désavantages de ces outils sont ailleurs. Selon Roberto Pevcnidk, on peut leur reprocher de réduire le nombre d'interactions humaines: «Avant, on organisait plutôt une nouvelle rencontre pour rendre la pareille après une invitation. Mais ça, c'est fini.» Léa Schneider estime quant à elle, après sa mauvaise expérience du Nouvel-An, que «ces applications de calcul nous permettent de repérer les radins plus facilement».

Selon la sociologue Katja Rost, l'utilisation abusive de tels outils peut effectivement avoir un impact sur nos relations: «Il est plus difficile de construire un rapport de confiance quand tout est calculé et que l'on ne laisse aucune marge de manœuvre aux autres.»

«Nous ne facturerons pas de sitôt l'arrosage de fleurs à notre voisin»

D'un autre côté, il est vrai que calculer rapidement nos frais facilite une certaine émancipation dans nos vies de couple et empêche qu'une personne se sente lésée dans les rapports amicaux ou amoureux.

Mais face à une telle précision comptable, ne risque-t-on pas d'assister à l'avènement d'une culture de l'avarice?

L'expert en fintechs Andreas Dietrich, de la haute école de Lucerne, a analysé des données de paiements Twint et nous rassure: «Un virement moyen varie généralement entre 60 et 70 francs. Cela indique donc qu'on a encore du plaisir à s'inviter les uns les autres pour de petits montants, en buvant un verre, par exemple.»

Rien d'étonnant à cela, estime la sociologue Katja Rost: «Nous évoluons dans un monde où l'on se fait plein de faveurs. Nous ne facturerons donc pas de sitôt l'arrosage de fleurs à notre voisin.» Nous voilà soulagés.

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