Un expert romand décrypte le mythe
Votre médecin doit-il vous faire signer un formulaire de consentement?

Face à une pratique qui se répand dans les cabinets médicaux du pays, Sylvain Métille, avocat spécialiste de la protection des données et professeur à l'Université de Lausanne (UNIL), démêle le vrai du faux. Fact-checking et loi sur protection des données (LPD).
Publié: 14.09.2024 à 08:04 heures
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Dernière mise à jour: 15.09.2024 à 10:47 heures
La loi sur la protection des données (LPD) est invoquée à tort et à travers.
Photo: Keystone

C’est une pratique qui fait débat et à laquelle vous avez peut-être dû vous plier récemment. Posons le décor. Vous patientez tranquillement dans la salle d’attente de votre médecin quand, soudain, on vous brandit un document à signer rempli de petits caractères. On vous présente cette fiche — cryptique — comme étant un formulaire de consentement qui permet à votre praticien de traiter vos données. Justification souvent invoquée? La nouvelle loi sur la protection des données (LPD).

Vous n’êtes pas juriste et celui ou celle qui vous soigne est digne de confiance. Alors, vous paraphez sans trop réfléchir. Mais ce contrat de traitement de données est-il vraiment nécessaire? Sylvain Métille, avocat spécialiste de la protection des données et professeur à l’Université de Lausanne (UNIL), est catégorique: non. Absolument pas.

Sur son blog et au bout du fil, l’homme de loi rappelle qu’en droit suisse, on peut traiter des données personnelles sans consentement. «Sous l’angle de la LPD, et on ne le rappellera jamais assez: un consentement n’est pas la condition d’un traitement de données personnelles, écrit le docteur en droit. Un consentement n’entre en ligne de compte qu’en cas de violation des principes (proportionnalité, finalité, transparence, sécurité, etc.) ou de communication à des tiers de données sensibles. De manière générale, le traitement des données personnelles par un médecin ne devrait pas violer ces principes.»

Sylvain Métille, avocat spécialiste de la protection des données et professeur à l'Université de Lausanne (UNIL).
Photo: Sébastien Bovy

L’expert développe: «Quant à la communication de données sensibles à des tiers (qui ne sont pas des sous-traitants), elle est courante dans le domaine médical, mais intervient dans des cas spécifiques, en principe à la demande du patient (transmission d’un rapport au médecin de famille, délégation et demande d’examen complémentaire à un spécialiste, etc.). Il s’agit de toute façon de situations spécifiques pour lesquels le consentement ne peut pas être donné en bloc et de manière abstraite. Le patient doit savoir quelles données sont transmises à qui pour consentir valablement. Ce n’est pas le cas lorsqu’il est dans la salle d’attente avant même d’avoir vu le médecin.»

De la contrainte?

En clair: dans la très grande majorité des cas, votre médecin n’a pas besoin de vous demander une autorisation de traitement de données. Et, dans les cas où il devrait le faire, un formulaire très général du type de ceux qui circulent actuellement dans les cabinets n’est pas adapté.

«
Une demande de consentement sous-entend la possibilité de la refuser
»

Sylvain Métille va plus loin. Pour lui, on peut même se demander si un médecin respecte ses obligations professionnelles ou s’il se rend coupable de contrainte lorsqu’il force ses patients à signer un formulaire. Idem pour celui qui refuserait carrément de les prendre en charge en l’absence de déclaration de consentement. «Une demande de consentement sous-entend la possibilité de la refuser, déclare au téléphone l’universitaire. Il faudrait, pour écarter un patient en invoquant ce motif, qu’une alternative soit possible. Au vu de la pénurie de médecin généraliste qui frappe certaines régions, cela serait difficilement recevable.»

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