Un guide pour «cuisiner sans électricité»
Le canton de Berne se prépare pour l’apocalypse

À l'occasion de la Journée internationale pour la réduction des risques de catastrophe, Berne sort un drôle de guide: «Cuisiner sans électricité». La transition énergétique, le dérèglement climatique et la pandémie ont-ils donné des impulsions survivalistes au Canton?
Publié: 11.10.2021 à 16:06 heures
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Dernière mise à jour: 20.10.2021 à 10:28 heures
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Daniella GorbunovaJournaliste Blick

«Les catastrophes et autres situations d’urgence peuvent survenir à tout moment», avertit gravement l’Office de la sécurité civile, du sport et des affaires militaires du canton de Berne dans un communiqué. En effet, à l’occasion de la Journée internationale pour la réduction des risques de catastrophe, qui a lieu chaque année le 13 octobre, celui-ci a publié un guide… pour «Cuisiner sans électricité».

Au menu? Une marche à suivre pour sauver les denrées périssables, ou encore un catalogue des moyens de cuisson de substitution, du feu de camp à la grille à pâtisserie posée sur des bougies — pour ne citer que deux éléments.

Les risques de coupure de courant pour causes naturelles ne sont pas une nouveauté. Encore moins depuis cet été désastreux, où l’Europe toute entière a vu des plaies comme des inondations et des incendies d’envergure inédite s’abattre sur elle. Sous l’impulsion des dérèglements climatiques, aggravés par un contexte de pandémie mondiale, Berne a-t-il versé dans le survivalisme alarmiste? Ou faut-il vraiment courir remplir sa cave de Heinz Baked Beans en conserve et sortir la couverture de survie?

Selon Daniela Maniarratti, collaboratrice scientifique de l'organe cantonal bernois et autrice du fameux guide de survie alimentaire: «L’Office fédérale de protection de la population signale la panne électrique généralisée parmi les risques les plus présents et élevés en Suisse.»
Photo: Nathalie Taiana

Une panne pour cet hiver?

Si des coupures de courant pouvant durer quelques heures se produisent occasionnellement au niveau communal, par exemple, la Suisse n’a jamais connu de black-out national. Pourtant, Daniela Maniarratti, collaboratrice scientifique de l’organe cantonal bernois et autrice du fameux guide de survie alimentaire, justifie une telle opération de communication par la prévoyance: «L’Office fédéral de protection de la population signale la panne électrique généralisée parmi les risques les plus présents et élevés en Suisse. Ainsi, il est bon d’avoir des provisions, mais il est également nécessaire de savoir comment les préparer et les conserver si une telle panne se produit.»

Tout en se défendant de prédire une catastrophe prochaine, la spécialiste avoue que les inondations estivales ont donné un coup d’accélérateur à son projet. «L’électricité est très importante, tout le monde en est dépendant, souligne-t-elle. Nous avons vu, avec les désastres météorologiques de cet été, des personnes à travers l’Europe ne pas avoir accès à l’électricité pendant des jours. Cela peut aussi se produire en hiver, avec les chutes de neige.» Et quand bien même la météo suisse s’avérerait, comme cet été, capricieuse mais moins détraquée que celle de nos voisins, la situation énergétique de la Confédération la rend de fait extrêmement dépendante des ressources européennes.

«Notre avenir dépend du réseau européen»

Après un été passé sous le signe d’une météo borderline, certainement liée à la crise climatique, le risque de panne électrique généralisée est-il plus grand? Selon Fabien Lüthi, porte-parole de l’Office fédéral de l’énergie, il ne faudrait pas s’alarmer - le danger ne serait pas plus élevé à cause des dérèglements climatiques dans le cas Suisse. Cependant, notre avenir dépendrait encore (trop) étroitement du réseau d’électricité européen: «Le dérèglement climatique met de fait tous les pays devant de nouveaux défis, de façon générale. Pour garantir l’approvisionnement électrique en Suisse aussi à l’avenir, nous devons rapidement augmenter l’utilisation des technologies renouvelables et propres.»

Si les énergies renouvelables représentent 76% de la consommation suisse, la Confédération n’est cependant de loin pas autosuffisante. En effet, en 2020, 72% de nos ressources provenaient de l’étranger — énergie renouvelable, fossile et nucléaire confondues. Donc s’il vous faudra, cet hiver, sortir votre caquelon à fondue par survie plutôt que par folklore, ce sera la faute à la dépendance énergétique.

Pas encore sortis du nucléaire

Pour prendre un exemple concret, la Suisse compte encore, en 2020, à 19,9% sur le nucléaire. L’un des plus gros exportateurs européens est, à l’heure actuelle, la France. Cette ressource y représentant plus de 70% de la production d’électricité totale, il y a de fortes chances que l’on se tourne vers notre voisin de l’Ouest en cas de pénurie. Or, si des catastrophes naturelles telles que des tempêtes de neige extrêmes ravagent d’un coup le pays, ou si un problème technique y survient, nos contrées pourraient également être touchées par une panne.

Fabien Lüthi confirme que la dépendance du pays vis-à-vis du réseau européen est grande, tout en souhaitant l'amoindrir dans les prochaines années: «Avec la sortie du nucléaire et du charbon de nombreux pays européens, la Suisse sera aussi impactée, car nous sommes étroitement liés au réseau européen. Nos objectifs énergétiques et climatiques d’ici 2050 sont d’augmenter la part d’énergie renouvelable indigène, et les solutions de stockage. Nous devons rapidement avoir de nouvelles sources d’approvisionnement renouvelables et propres.»

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