Un problème «systémique»
Une entreprise suisse sur trois verserait des pots-de-vin à l'étranger

La corruption est monnaie courante dans les entreprises suisses opérant à l’étranger. C’est ce que montre une nouvelle étude de la Haute école spécialisée des Grisons. Transparency International parle d’«échec systémique».
Publié: 28.02.2024 à 07:19 heures
|
Dernière mise à jour: 28.02.2024 à 08:27 heures

Le cas est parlant: l'entreprise suisse ABB, spécialisée dans les technologies de l’énergie et de l’automation, a dû payer une amende de 327 millions de francs pour avoir soudoyé un haut représentant du géant énergétique sud-africain Eskom entre 2014 et 2017. ABB aurait en effet versé au moins 1,3 million de francs de pots-de-vin pour pouvoir fournir des pièces détachées à la quatrième plus grande mine de charbon du monde, Kulise, en Afrique du Sud.

ABB est toutefois loin d'être la seule entreprise suisse corrompue. Bien au contraire: selon une étude de la Haute école spécialisée des Grisons et de Transparency International, une entreprise suisse sur trois qui fait des affaires à l'étranger y a déjà versé des pots-de-vin. Ce qui est particulièrement vrai dans les pays où la corruption est très répandue.

Les entreprises consacrent 5,6% de leur chiffre d'affaires aux pots-de-vin

Malgré le renforcement des mesures anti-corruption, la pratique illicite de versements informels ou de «cadeaux» est toujours aussi courante dans les activités à l'étranger, observe mercredi Transparency International. La corruption semble même en hausse, selon l'étude mandatée auprès de la Haute école spécialisée des Grisons.

Selon une enquête mandatée par Transparency International Suisse, plus de la moitié des entreprises helvétiques sont confrontées à des demandes de pots-de-vin dans le cadre de leur activité à l'étranger (archives).
Photo: PETER SCHNEIDER

L'enquête en ligne, menée auprès de 539 entreprises helvétiques de toutes tailles – des PME de cinq salariés aux multinationales de 50'000 salariés – et de tous les secteurs – de l'exploitation minière aux transports –, montre que 52% d'entre elles sont confrontées à des demandes de paiements informels. Et parmi celles-ci, 63% avouent effectuer de tels versements pour vendre leurs produits, obtenir des commandes, acquérir des licences ou payer des impôts.

En moyenne, les entreprises consacrent 5,6% du chiffre d'affaires réalisé dans le pays concerné aux versements sous le manteau.

Même si les entreprises industrielles sont moins susceptibles de se voir demander des pots-de-vin, elles paient tout aussi souvent que les autres secteurs. On constate toutefois que les entreprises de transport paient moins souvent.

Il s'agirait d'une «défaillance systémique»

«Au vu du nombre choquant d'entreprises qui effectuent des paiements informels directement ou indirectement, nous devons malheureusement supposer que nous sommes confrontés à une défaillance systémique, la corruption faisant donc partie du modèle économique», déclare Martin Hilti, directeur général de Transparency International Suisse. 

Pour lui, c’est le signe que pour de nombreuses entreprises, les bénéfices à court terme sont plus importants que le respect de la loi. Le directeur général de Transparency International Suisse souligne également que la situation générale en Suisse encourage la corruption. Le fait qu'en vingt ans seulement onze entreprises aient été condamnées pour n'avoir pas pris les précautions nécessaires pour prévenir la corruption en dit long: «Nous avons un problème d’application: si peu de jugements n’incitent pas vraiment les entreprises à éviter la corruption.»

(Blick, avec l'ATS)

Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la