L'UDC et le PS s'allient
«Il faut une interdiction des entreprises too big to fail!»

Après la débâcle de Credit Suisse, le Conseil fédéral veut venir en aide aux banques en difficulté, en leur fournissant des liquidités. Mais face à une nouvelle UBS géante, le PS et l'UDC ne veulent pas s'engager aussi facilement.
Publié: 01.09.2023 à 12:32 heures
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Dernière mise à jour: 01.09.2023 à 14:04 heures
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Sermîn Faki et Pascal Tischhauser

Alors que Credit Suisse va définitivement être avalé par l'UBS, des normes bancaires plus strictes pourraient devenir réalité plus rapidement qu'imaginé. Le Conseil fédéral devrait se prononcer dès mercredi prochain sur le mécanisme public de garantie des liquidités (PLB). Il s'agit de provisions permettant à la Confédération et à la Banque nationale d'accorder des aides en liquidités aux banques d'importance systémique en difficulté. Le tout, sans devoir recourir au droit d'urgence, comme lors du sauvetage de Credit Suisse.

«Avec le PLB, la garantie de l'Etat pour l'UBS est quasiment inscrite dans la loi, pourtant les énormes risques ne sont pas minimisés en contrepartie», critique le coprésident du PS Cédric Wermuth. «Le fait que le Conseil fédéral ne réagisse au sauvetage de Credit Suisse que par cette mauvaise proposition montre déjà à quel point l'UBS mène les politiques à la baguette», assène-t-il.

Une alliance contre-nature

En même temps, le socialiste sait que la ministre des Finances Karin Keller-Sutter lui ouvre ainsi une fenêtre de tir pour ancrer des règles plus strictes dans la loi sur les banques. Lors de l'examen des règles du PLB, le Parlement a en effet la possibilité d'inscrire d'autres points dans la loi. Le PS exige ainsi davantage de fonds propres, la fin des bonus excessifs des managers et une surveillance plus efficace. «Si le Conseil fédéral et le Parlement ne répondent pas à nos exigences, nous nous réservons le droit de rejeter la loi», menace même Cédric Wermuth.

Le président du PS Cédric Wermuth veut prendre des mesures plus strictes face au naufrages bancaires. L'UDC est du même avis.

Et il a déjà un allié puissant... et surprenant! L'UDC s'oppose également au PLB. Le parti demandera de ne pas entrer en matière, assure le chef de groupe Thomas Aeschi. Il ne souhaite donc même pas débattre de la loi. «L'UDC demande – comme en 2014 – une interdiction des entreprises too big to fail

Les deux partis s'accordent sur un point problématique: une entreprise qui sait qu'elle sera sauvée d'une manière ou d'une autre en cas de crise prendra toujours trop de risques. Avec la garantie de liquidité prévue par l'Etat, l'incitation serait trop grande et un mauvais signal serait donné: «Avec la Banque nationale comme prêteur en dernier recours, les entreprises too big to fail prennent des risques plus élevés. Il en irait autrement en l'absence d'un tel bouclier. C'est pourquoi l'UDC s'oppose à la garantie de liquidité par l'Etat», précise Thomas Aeschi. 

«Le problème s'est aggravé»

Le dilemme est limpide: soit Karin Keller-Sutter avale la pilule et accepte de durcir les règles, soit l'UDC et le PS s'allient pour faire tomber le chèque en blanc qui a profité à l'UBS. À eux deux, les partis ont ensemble presque la majorité au Conseil national.

Des experts mettent aussi en garde contre le danger que représente le géant bancaire de l'UBS, désormais couplé à Credit Suisse. L'un d'eux est Aymo Brunetti. «Le problème n'est en aucun cas résolu, souligne-t-il. Il s'est même aggravé. Le problème, c'est que nous avons une garantie d'Etat pour une banque dont nous ne voulons finalement pas et que nous ne pouvons pas nous permettre», explique l'économiste et ancien responsable de la direction de la politique économique au Secrétariat d'Etat à l'économie (Seco), sur les ondes de la SRF.

Crainte d'un nouvel effondrement

Aymo Brunetti alerte aussi sur le risque que tout s'effondre à nouveau, comme après les aides à l'UBS en 2008. Il indique déjà apercevoir de telles tendances. L'UBS ne bouge pas le petit doigt pour que cela change. Ce jeudi, alors que la nouvelle banque géante a présenté pour la première fois ses chiffres semestriels, elle annonce la suppression de 3000 emplois, tout en invitant les politiciens à «expliquer» leurs décisions stratégiques.

Dans la Berne fédérale, une commission d'enquête parlementaire (CEP) travaille sur les causes de la débâcle de Credit Suisse. Aymo Brunetti, mais aussi Cédric Wermuth, mettent en garde contre le fait d'attendre la remise du rapport l'été prochain. «Si une crise financière mondiale devait à nouveau survenir, nous serions confrontés au problème d'une méga-banque qui pourrait entraîner toute l'économie suisse avec elle», prévient le président du PS.

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