«Il m'a craché aux pieds»
Des Russes de Suisse font face à la haine

La guerre en Ukraine touche également les Russes de Suisse. Ils ne sont pas seulement frappés par les sanctions, mais sont aussi parfois confrontés à des marques de haine.
Publié: 03.03.2022 à 06:10 heures
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Dernière mise à jour: 03.03.2022 à 15:40 heures
Lea Hartmann

L’image d’une matriochka russe sur la bouteille thermos qu’elle tenait entre ses mains a suffi à faire exploser l’homme assis en face d’elle dans le train RER zurichois. «Toi et tes compatriotes, vous êtes responsables de la souffrance des Ukrainiens», a-t-il lancé au visage d’Anna S. «Il m’a ensuite craché aux pieds et s’est enfui», raconte la Russe originaire de Moscou, qui vit et travaille depuis des années en Suisse. Le choc est encore lancinant. «Depuis l’agression, j’ai peur de parler russe en public», témoigne la trentenaire.

Elle n’est pas la seule à avoir eu cette expérience ces derniers jours. D’autres Russes de Suisse ont également été confrontés à de la haine et de la ségrégation en raison de leur nationalité. De nombreux citoyens russes, notamment les expatriés, ne soutiennent pourtant pas le président Vladimir Poutine – et encore moins l’invasion de l’Ukraine. Selon l’organisation de défense des droits de l’homme OVD-Info, plus de 6800 manifestants ont déjà été emprisonnés en Russie.

«Je n’ai pas fermé l’œil pendant deux nuits»

L’invasion de l’Ukraine par l'armée de Poutine a été un choc, raconte Galina B., qui souhaite elle aussi garder son anonymat. Cette Russe d’origine vit avec sa famille à Zurich. «Je n’ai pas fermé l’œil pendant deux nuits», souffle-t-elle. Craignant des réactions négatives, elle n’osait plus parler sa langue maternelle dans le bus. Mais elle a ensuite décidé de ne pas se laisser intimider: «Nous, les Russes, ne sommes pas responsables de ce que fait notre gouvernement. Ce n’est pas juste!» Galina B. s’inquiète surtout pour ses enfants. Après avoir entendu parler de la guerre à la radio, son fils, 6 ans, lui a demandé: «Maman, pourquoi tout le monde dit que nous sommes stupides?»

La Russe Anna S. a été agressée dans le train par un homme parce qu'elle tenait à la main un thermos avec une image de matriochka.
Photo: Siggi Bucher
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Sur Facebook, une Russe née dans le canton d’Argovie raconte que des camarades de classe de son fils l’ont accusé d’être responsable de ce qui se passe actuellement en Ukraine. Et dans le canton de Zurich, la directrice d’un groupe de jeu russophone a reçu un message menaçant: «Si j’étais toi, je fermerais le groupe de jeu. Salutations de l’Ukraine». Par précaution, elle a maintenant changé le nom du groupe de jeu afin qu’il ne soit plus immédiatement associé à la Russie.

«Demandez à votre Poutine»

La guerre de Vladimir Poutine touche aussi les Russes en Suisse sous la forme de sanctions. «La population est punie pour quelque chose qu’elle n’a jamais voulu», soupire Anna S. avec amertume.

Pour de nombreux Russes, la suspension des liaisons aériennes entre la Russie et l’Occident est particulièrement douloureuse. En raison des restrictions de voyage à cause du Covid-19, les visites n’étaient guère envisageables ces dernières années. «Je n’ai pas vu ma mère depuis deux ans et demi», témoigne Galina B. Avec les nouvelles sanctions, ce projet s’éloigne encore un peu plus.

Une amie d’Anna S., également Russe et vivant en Suisse, est actuellement bloquée à Moscou en raison de la suspension des liaisons aériennes de et vers la Russie. «Elle a appelé Swiss hier pour demander quand elle pourrait rentrer. On lui a répondu: 'Demandez à votre Poutine'.»

(Adaptation par Jessica Chautems)

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