Votation du 3 mars
Philippe Nantermod accuse Pierre-Yves Maillard de mentir sur la 13e rente AVS

Dans le cadre de la campagne pour une 13e rente AVS, le libéral-radical Philippe Nantermod accuse le socialiste Pierre-Yves Maillard d'avoir menti sur les ondes de la RTS. Qu'en est-il vraiment?
Publié: 01.02.2024 à 18:02 heures
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Dernière mise à jour: 02.02.2024 à 05:55 heures
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Amit JuillardJournaliste Blick

Deux argumentaires s'affrontent. La gauche veut une 13e rente AVS, sur le modèle du 13e salaire, pour aider les retraitées et retraités qui galèrent. La droite n'en veut pas: cette solution «arroserait» même les millionnaires alors qu'il vaudrait mieux cibler celles et ceux qui en auraient vraiment l'utilité, comme l'écrit Philippe Miauton, directeur de la Chambre vaudoise du commerce et de l'industrie, dans une chronique publiée par Blick.

Et pour voler à leur secours, pas besoin de bouger, soutient le patronat: introduites en 1966, les prestations complémentaires (PC) viennent déjà en aide aux seniors dont les revenus sont insuffisants pour vivre. Sauf qu'il y a un hic, rétorquent les syndicats.

Fortune n'est pas égale à richesse

Lors de l'émission «Forum» de mardi, le conseiller aux États Pierre-Yves Maillard a répété ce qu'il avait déjà martelé en substance dans une chronique diffusée sur nos plateformes. «Quand [... ] on a mis de l'argent de côté pour s'acheter une maison, et qu'on vit dedans, on a une fortune [...]. [Mais] cette fortune, dont on tient compte lorsqu'on calcule [le droit aux] PC, ne signifie pas qu'on est riche», développe le socialiste.

Philippe Nantermod (debout, à gauche) et Pierre-Yves Maillard (à droite) — ici sous la Coupole fédérale en mai 2023 — ont débattu mardi dans l'émission «Forum» de la RTS.
Photo: KEYSTONE/ALESSANDRO DELLA VALLE

Résultat, selon le Vaudois? «Il y a des gens qui, parce qu'ils ont investi dans une maison, se retrouvent sans droit aux PC. Avec une situation plus précaire que ceux qui touchent des PC [...].»

«Ignorance ou mensonge?»

En face de lui sur le plateau de la RTS, le conseiller national Philippe Nantermod n'est pas d'accord. Le Valaisan est d'ailleurs revenu sur ce point précis au lendemain de leur passage à l'antenne. Ce mercredi soir, sur X, l'élu a accusé son opposant de tordre la vérité.

«Hier soir (ndlr: mardi), pour convaincre d’accepter la 13e rente AVS, M. Maillard a affirmé dans Forum que les propriétaires de leur logement n’avaient pas droit aux prestations complémentaires, a tweeté le libéral-radical. L’art. 9a al. 2 LPC (ndlr: Loi sur les prestations complémentaires) exclut précisément ces cas. Ignorance ou mensonge?» Cet article du texte légal stipule en effet que «l’immeuble qui sert d’habitation au bénéficiaire de prestations complémentaires [...] n’est pas considéré comme un élément de la fortune nette».

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Qu'en dit Pierre-Yves Maillard, contacté ce jeudi matin? «Bien sûr qu'il n'est pas impossible pour des propriétaires d'obtenir des prestations complémentaires, amorce le puissant président de l'Union syndicale suisse (USS). Je dis que beaucoup n’y ont pas droit, parce qu’on tient compte de la valeur de leur maison dans le calcul, tout le monde le sait. Dans son post, en ne citant que l'article 9, Monsieur Nantermod laisse entendre que la fortune immobilière n'est pas du tout prise en compte dans les calculs pour les PC. Or elle l'est, mais il faut lire l'article 11 pour le savoir.»

Et toc?

Ça a l'air compliqué, mais ça ne l'est pas. Dans la loi, il y a deux façons d'exclure les gens des PC: par rapport à ce qu'ils ont (fortune), mais aussi par rapport à ce qu'ils gagnent (revenus). C'est sur ce deuxième point que porte l'article 11, brandi par Pierre-Yves Maillard.

«Ce que montre cet article 11, c'est que la fortune immobilière est prise en compte dans le calcul du revenu, à travers la valeur locative et une part de la valeur de la maison qu’on habite», appuie l'ex-conseiller d'Etat. Dit simplement, la fortune immobilière est bel et bien prise en compte dans le calcul des PC.

Exemple concret

Également joint ce 1er février, Philippe Nantermod persiste pourtant. «En tant qu'avocat, j'ai fait des demandes de PC pour des propriétaires, qui arrivent à en obtenir.»

L'homme de loi s'appuie par ailleurs sur le calculateur officiel de la Confédération. Dans son exemple, la personne témoin touche une rente de 25'000 francs par an. Celle-ci possède un bien immobilier d'une valeur fiscale de 367'000 francs — «la valeur fiscale médiane des biens immobiliers des ménages retraités», souligne-t-il — et déclare une dette hypothécaire résiduelle de 100'000 francs. Elle a le droit à une PC de 11'000 francs par an, quelque 900 francs par mois.

«Objectivement, c'est faux»

«Ici, la personne a 267’000 francs de fortune nette (fiscalisée) et a droit aux PC, constate Philippe Nantermod. Et ce, même si on sait que la valeur fiscale des bâtiments est souvent très inférieure à la valeur réelle.» Dans certains cas, on peut avoir une fortune nette de 400'000 francs et toucher des PC, ajoute-t-il.

Le détail de l'exemple avancé par Philippe Nantermod.
Photo: DR

«Objectivement, dire qu’une personne à la retraite qui est propriétaire de son bien immobilier n’a pas accès aux PC, c’est faux, insiste le trentenaire. C’est même le contraire: dans la dernière réforme, il a été expressément décidé que la propriété du logement n’était pas un critère d’exclusion de principe des PC, contrairement au fait de disposer de liquidités.»

D'autres cas, d'autres résultats

Le sénateur lui rétorque une nouvelle fois que ce n'est pas ce qu'il a dit et qu'il n'a pas fait de généralité. «J'ai dit qu'il y a des propriétaires qui n'ont pas accès aux PC à cause de leur maison, c’est juste une évidence. Monsieur Nantermod a de nouveau tweeté trop vite», tacle Pierre-Yves Maillard.

Sur le fond, il n'est pas convaincu par les exemples avancés par Philippe Nantermod. «Ces exemples confirment ce que je dis: la prise en compte d’une partie de la valeur de la maison fait augmenter le revenu et affaiblit donc le droit aux PC. Et dans d'autres cas, que Monsieur Nantermod ne cite pas, cela aboutit à un refus de droit aux PC. Cela n’empêche qu’il ne faut jamais hésiter à demander les PC. Les exemples de Monsieur Nantermod montrent juste à quel point les bénéficiaires des PC ont aussi besoin de cette 13e rente, que l’initiative leur assure.»

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