«Vous êtes dégoûtants»
Le journaliste palestinien Motaz Azaiza accuse la RTS de l'avoir censuré!

Le photojournaliste palestinien Motaz Azaiza était invité au «19h30» de la RTS, lundi 11 mars. Le Gazaoui a peu goûté au montage de la chaîne. Sur les réseaux, il estime qu'une de ses réponses a été coupée pour «servir les objectifs de la chaîne». La RTS se défend.
Publié: 13.03.2024 à 06:05 heures
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Dernière mise à jour: 13.03.2024 à 10:40 heures
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Lucie FehlbaumJournaliste Blick

Le «19h30» de la Radio télévision suisse (RTS) a-t-il censuré la star palestinienne du journalisme, Motaz Azaiza? Le reporter aux 18,6 millions d’abonnés sur Instagram était invité sur le plateau de Philippe Revaz, lundi 11 mars. La veille, il participait au Festival du film et forum international sur les droits humains (FIFDH), à Genève.

Le jeune photojournaliste n’a pas du tout apprécié le montage de la chaîne de service public suisse. Des groupes locaux de soutien à la Palestine non plus. «J’ai répondu à la question de multiples fois, mais ils ne l’ont jamais gardée ni partagée», écrit Motaz Azaiza sur Instagram, mardi 12 mars.

Il fait référence à plusieurs interviews données à divers médias occidentaux, durant lesquelles la question concernant le 7 octobre revient régulièrement.

Le photojournaliste gazaoui Motaz Azaiza a répondu aux questions du journaliste et présentateur Philippe Revaz, lundi 11 mars. La version intégrale est disponible sur le site de RTS Play.
Photo: RTS- «19h30»

«Une honte pour le journalisme suisse»

La réponse incriminée? Elle concerne les attaques du 7 octobre du Hamas contre Israël. «Est-ce qu’il y a tout de même de la colère au sein de la population palestinienne pour l’attaque terroriste du Hamas, qui a provoqué cette riposte terrible d’Israël?», questionne Philippe Revaz. Le journaliste poursuit: «Est-ce que les gens en veulent au Hamas?»

Le groupe de soutien Lausanne Palestine n'a pas non plus apprécié la version coupée pour le «19h30».
Photo: Capture d'écran/Instagram
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La question en elle-même est «une honte pour le journalisme suisse», réprimande le groupe Lausanne Palestine sur les réseaux sociaux. Pour lui, demander à «un homme qui a vu l’horreur s’il condamne le 7 octobre est le comble du manque de respect.» Le groupe ne mâche pas ses mots: «RTS Info, vous êtes dégoûtants.»

La section genevoise de Boycott, Désinvestissement et Sanctions contre Israël a également réagi à l'extrait vidéo, dénonçant un double standard. «Quand vous invitez des Israéliens, on ne vous voit pas les forcer à parler des crimes perpétrés par leur armée...», déplore le collectif.

Réponse coupée «car les chaînes ne l’aiment pas»

Le photojournaliste de 25 ans est plus nuancé. Au lendemain de l’entrevue, il publie sur Instagram un texte révélant que de nombreux journalistes lui ont conseillé de «fuir» cette question. Il souhaite pourtant l’affronter.

Ce qui le gêne en revanche, c’est ce qui est gardé de sa réponse. Les chaînes de télévision occidentales «n’arrêtent pas de couper [sa] réponse, car ils ne l’aiment pas, en fait», estime le jeune homme, qui a fui Gaza le 23 janvier.

Condamner Israël pour qu’un Palestinien condamne le Hamas

Selon lui, c’est parce que les interviews sont enregistrées en avance que les médias prennent «ce qui convient à leurs objectifs». Si les journalistes occidentaux veulent qu’un «Palestinien assiégé» condamne l’attaque du Hamas, affirme Motaz Azaiza, ils doivent alors condamner «ce qu’Israël a fait contre les Palestiniens, avant le 7 octobre, depuis 1948, durant le génocide ainsi qu’après.»

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L’interview complète menée par Philippe Revaz est disponible sur le site RTS Play. Elle dure 19’50', contre 4’41' pour la version coupée par le téléjournal. On y entend notamment le reporter gazaoui «assurer» que les Palestiniens «ne tuent pas les enfants», «ni les femmes». Ou parler de l’auto-détermination de son peuple. Des éléments qui ont été coupés pour le «19h30».

«Poser toutes les questions qui s’imposent»

Questionné par Blick, le journaliste et présentateur Philippe Revaz répond aux critiques par l’intermédiaire de Christophe Minder. Le porte-parole de la chaîne explique ainsi que lorsque des interviews sont coupées et montées sous une forme raccourcie, à l’image de l’extrait diffusé lundi soir, la RTS veille «à ne pas trahir l’esprit général des propos retenus». Il s’agit d’une pratique standard. Les versions intégrales des entretiens sont régulièrement postées sur RTS Play.

Cependant, c’est à la demande de Motaz Azaiza que l’interview a été pré-enregistrée. La RTS n’a donc pas choisi de procéder ainsi. La chaîne «respecte» la réaction du photojournaliste palestinien, qui lui appartient. «Tout comme il nous appartient de mener nos interviews dans le respect des règles journalistiques», souligne le communicant. «En particulier, de poser toutes les questions qui s’imposent», tranche-t-il.

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