Un permis spécial envisagé
Une ex-maire afghane pourrait s'établir en Suisse

L'ex-plus jeune maire afghane, voix des femmes, va peut-être s'établir en Suisse. Des efforts sont en cours pour un permis spécial. De passage mardi à Genève, Zarifa Ghafari s'attend à ce que les talibans restent «pendant des années» au pouvoir en Afghanistan.
Publié: 21.09.2021 à 18:51 heures

«Ce n'est pas mon gouvernement», assène dans un entretien à Keystone-ATS Zarifa Ghafari, qui était de 2019 à juin dernier maire de Maydan Shahr, au sujet des nouveaux patrons de l'Afghanistan. Le porte-parole des talibans a dévoilé mardi à Kaboul tous les ministres dont le nombre s'est élargi notamment à un membre de la minorité hazara, mais sans présence féminine. Autre absence significative, le ministère des femmes n'est pas reconduit dans l'Emirat islamique.

Depuis des décennies, les plus grandes victimes des violences sont les femmes mais ce sont les hommes qui sont toujours avantagés, insiste celle qui a aussi travaillé pour le ministère de la défense. «Nous ne sommes pas les femmes d'il y a 20 ans», affirme-t-elle. Les talibans «ne seront pas capables de gouverner sans la moitié du pays», des femmes qui n'ont pas fait la guerre, ne sont pas corrompues.

Des appels à la communauté internationale pour défendre les Afghanes

Depuis son arrivée en Allemagne il y a quelques semaines via le Pakistan, un moment très difficile pour elle, Zarifa Ghafari, a multiplié dans les médias internationaux les appels pour les femmes afghanes, demandant à la communauté internationale de négocier avec les talibans. Un message qu'elle a répété aussi mardi après-midi à Genève lors des PeaceTalks, à l'occasion de la Journée internationale de la paix.

L'ancienne maire afghane Zarifa Ghafari veut relayer depuis la Suisse son appel à défendre les droits des femmes afghanes face aux talibans dans son pays.
Photo: SALVATORE DI NOLFI

«Je suis prête à parler» avec les talibans parce qu'ils seront là «pour des années», affirme-t-elle, malgré tout ce que ceux-ci lui ont fait subir. «Je veux leur parler au nom de toutes les femmes afghanes qui ont déjà payé un prix élevé» pour la guerre mais aussi pour ses conséquences.

Aussi bien l'ONU que, mardi, des ONG dont l'Organisation mondiale contre la torture (OMCT) établie à Genève, ont dénoncé des violations des droits humains depuis l'arrivée des talibans au pouvoir il y a un mois. Les droits des femmes, notamment à l'éducation, ont été restreints malgré les promesses de l'Emirat islamique. Plusieurs manifestants ont été tués.

Un permis spécial pour rester en Suisse

Selon Zarifa Ghafari, la communauté internationale a exclu les Afghans des récentes discussions et doit faire pression sur le Pakistan pour qu'il pousse l'Emirat islamique à négocier. Récemment, une résolution devant le Conseil des droits de l'homme de l'ONU portée par Islamabad avait provoqué de nombreuses critiques, en raison de l'absence de toute demande d'investigation internationale sur les violations des droits humains par les talibans.

L'activisme de l'ancienne maire pourrait d'ailleurs bientôt se faire plus durablement depuis la Suisse. L'Allemagne a attribué à Zarifa Ghafari un statut de réfugié, mais la jeune femme souhaite pouvoir oeuvrer et parler librement. Jeudi, elle se rendra à Berne avec son entourage suisse pour plaider sa cause devant plusieurs parlementaires, a dit à Keystone-ATS celui-ci.

L'objectif est d'obtenir un permis spécial et plusieurs membres des commissions des affaires étrangères sont à la manoeuvre. Mais la jeune femme ne pense pas rester en Suisse pendant des années. «Mon seul souhait est de retourner en Afghanistan en toute sécurité dès que possible», dit-elle. «Je ne pourrai pas rester pendant des années en dehors de mon pays».

Attaquée à plusieurs reprises par les talibans, elle porte la douleur d'avoir vu son père, un ancien officier de l'armée afghane, tué par ces islamistes il y a quelques mois. Et celles d'une blessure, dans un bombardement qui la visait il y a deux ans, qui l'empêche de rester debout trop longtemps.

«Nous voulons la justice»

Mais elle ne pense pas actuellement à sa sécurité personnelle. Elle regarde en permanence «ces vidéos, ces images et ces photos sur les réseaux sociaux» de la situation dans son pays. Elle déplore la situation financière, les exécutions ciblées, la pauvreté, «les pertes».

Son ancien chauffeur a été pénalisé par les talibans qui ne peuvent plus l'atteindre. Elle et certaines de ses anciennes collègues du ministère doivent se cacher.

Mardi dans l'après-midi, plusieurs dizaines d'Afghans ont manifesté sur la Place des Nations à Genève. «Sauvez l'Afghanistan», affichait une banderole. «Nous voulons la justice», demandaient les personnes rassemblées.

(ATS)

Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la