Une œuvre pédopornographique?
Emmanuel Macron condamne l'attaque sur le tableau de Miriam Cahn

C'est un ancien élu d'extrême droite qui a vandalisé un tableau de l'artiste suisse Miriam Cahn dimanche dans un musée à Paris. Le Parquet de la capitale française a annoncé l'ouverture d'une enquête pour dégradation de bien culturel. L'homme a été arrêté.
Publié: 09.05.2023 à 09:22 heures
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Dernière mise à jour: 09.05.2023 à 16:43 heures

«En ce 8 mai, où nous célébrons la victoire de la liberté, je condamne l'acte de vandalisme commis hier au Palais de Tokyo», a tweeté le chef de l'Etat, qui devait rendre hommage à Jean Moulin et à la Résistance, lundi à Lyon, après la traditionnelle cérémonie de la Victoire contre l'Allemagne nazie à l'Arc de Triomphe. «S'en prendre à une œuvre, c'est attenter à nos valeurs. En France, l'art est toujours libre et le respect de la création culturelle, garanti» a ajouté le président.

Intitulée «Fuck abstraction!», l'œuvre de l'artiste suisse Miriam Cahn, exposée depuis mi-février par le centre d'art contemporain parisien, représente une personne aux mains liées, contrainte à une fellation par un homme puissant sans visage. Pour ses détracteurs, la victime est un enfant, ce que dément l'artiste, invoquant la représentation du viol comme arme de guerre et crime contre l'humanité.

Dimanche après-midi, un homme qualifié d'âgé par une source proche du dossier a projeté de la peinture mauve sur ce tableau, «mécontent de la mise en scène sexuelle d'un enfant et d'un adulte représentée selon lui», sans faire partie d'un groupe activiste.

Le tableau «Fuck abstraction!», exposé au Palais de Tokyo à Paris, de l'artiste suisse Miriam Cahn (photo), ne cesse de faire la polémique. Il a été aspergé dimanche de peinture par un individu, ayant agi seul. Emmanuel Macron a «condamné» lundi cet «acte de vandalisme».
Photo: CHRISTIAN BEUTLER

Un tableau pédopornographique?

Les associations Juristes pour l'enfance, l'Enfance en partage, Face à l'inceste et Innocence en danger, considérant le tableau pédopornographique, réclamaient son décrochage mais ont été déboutées au printemps par le tribunal administratif de Paris puis par le Conseil d'Etat.

Dimanche, la ministre de la Culture, Rima Abdul Malak, a dénoncé «l'instrumentalisation» de cette affaire par le Rassemblement national «pour susciter la polémique et attaquer la liberté de création des artistes» et sans laquelle, selon elle, «nous n'en serions certainement pas arrivés là».

Marine Le Pen a nié mardi toute responsabilité dans la dégradation, attribuant ce geste à un «comportement individuel». «Vous ne pouvez pas être tenu responsable d'un fait individuel de quelqu'un qui a été conseiller municipal il y a huit ans», a-t-elle dit sur Sud Radio, en assurant que l'auteur n'était plus membre du parti. «Il a eu tort de le faire», a-t-elle ajouté.

«Je suis très choqué»

Le Palais de Tokyo, qui a annoncé porter plainte, a précisé qu'il continuerait «à présenter le tableau et l'exposition», «avec les traces de la dégradation jusqu'à la fin prévue de la saison, le 14 mai».

«Je suis très choqué, a déclaré le directeur de Pro Helvetia Philippe Bischof à Forum sur les ondes de la RTS lundi soir. Avec les réseaux sociaux, on peut très facilement décontextualiser les œuvres d'art, les sortir du musée sans connaître la démarche de l'artiste», a-t-il poursuivi.

Ce n'est pas la première fois qu'une artiste suisse d'art contemporain suscite une forte controverse. L'exposition «Swiss-Swiss Democracy» de l'artiste suisse Thomas Hirschhorn Centre culturel suisse de Paris (CCSP) en 2005 n'avait pas laissé indifférent. L'artiste bernois s'en était pris à Christoph Blocher, alors conseiller fédéral.

«Mais agresser une œuvre d'art, c'est autre chose que d'en discuter de façon critique», a-t-il poursuivi. Selon Forum qui a contacté Miriam Cahn lundi après-midi, celle-ci se dit fatiguée par cette polémique.

(ATS)

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