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«Pam & Tommy», la série qui va vous expliquer Internet avec une sex-tape

Diffusés sur la plateforme Disney+, les 8 épisodes de «Pam & Tommy» reviennent sur l’affaire de la sex-tape volée de Pamela Anderson. Sous des allures sulfureuses, la série est en réalité une réflexion subtile sur les débuts d’Internet.
Publié: 05.02.2022 à 11:28 heures
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Dernière mise à jour: 22.04.2022 à 14:54 heures
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Margaux BaralonJournaliste Blick

Les plus jeunes d’entre vous en ont vaguement entendu parler mais il y a fort à parier que les enfants des années 1970 et 1980 s’en souviennent beaucoup mieux. En 1995, Pamela Anderson, star d’«Alerte à Malibu», et Tommy Lee, batteur du groupe Mötley Crüe, parmi les couples les plus en vogue de l’époque, voyaient leurs ébats sexuels exposés aux yeux du monde entier. La vidéo amateur de leur torride nuit de noce, volée par un artisan chargé des travaux dans leur villa mais viré sans ménagement par Lee, s’était retrouvée en vente sous le manteau, avant d’être accessible directement sur le web naissant.

Voilà l’histoire à laquelle s’attelle Seth Rogen dans sa série «Pam & Tommy», dont les premiers épisodes viennent d’être mis à disposition sur Disney+. Le nom de celui qui a joué dans de nombreuses comédies américaines potaches, mais aussi co-écrit le film d’animation trash «Sausage Party», avait de quoi laisser perplexe sur le résultat final. Tout comme le marketing de la série, présentée comme une histoire d’amour et de stupre. À l’arrivée pourtant, «Pam & Tommy» évite l’écueil de l’anecdotique et du vulgaire - à l’exception d’une scène très «rogenienne» dans le deuxième épisode, qui vous fera hésiter entre la gêne et le rire nerveux. Voilà au contraire une passionnante réflexion sur la naissance d’Internet, et comment celui-ci a changé le monde.

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La série suit d’un côté le couple de stars, de l’autre Rand Gauthier, charpentier/électricien un peu minable -interprété par Seth Rogen lui-même, affublé d’une superbe coupe mulet- auteur du vol de leur coffre-fort. À l’intérieur, c’est par hasard qu’il découvre la sex-tape et s’aperçoit qu’il s’agit probablement de ce qui pourrait lui rapporter le plus d’argent. Gauthier démarche alors toutes les boîtes de production de films pornographiques de Los Angeles. Éconduit à chaque fois faute d’avoir l’accord des deux amants filmés (et pour cause), l’artisan a alors une idée visionnaire pour l’époque: vendre la VHS directement à ses clients en leur permettant de la commander sur un site Internet.

Révolution économique et médiatique

«Pam & Tommy» parvient parfaitement à rendre compte de l’incongruité de ce que représentait justement un site Internet à l’époque, et du temps qu’il a fallu pour que le web entre dans les foyers. Pour comprendre où et comment se vend leur vidéo intime, Pamela Anderson et Tommy Lee doivent se rendre… à la bibliothèque municipale. Et se connecter sur des ordinateurs d’une taille déraisonnable, qui affichent la page d’accueil du site une ligne de pixels après l’autre.

Au départ, les clients ne trouvent sur le site de vente de la sex-tape qu’une adresse postale, à laquelle ils doivent envoyer un chèque. Quelques semaines plus tard, la VHS arrive dans leur boîte aux lettres. Deux ans plus tard, Rand Gauthier voit sa poule aux œufs d’or détournée par un autre wannabe Steve Jobs, qui a l’idée de commercialiser la vidéo dématérialisée, payable en quelques clics. En l’espace de huit épisodes seulement, «Pam & Tommy» a ainsi résumé comment le web, au-delà de l’avancée technologique qu’il a représenté, a révolutionné non seulement le porno, mais aussi toute l’économie.

La série montre également les prémices du séisme que connaîtra la pratique du journalisme grâce à -ou à cause de, tout dépend du point de vue- Internet. On y croise une rédactrice du «Los Angeles Times» qui a toutes les peines du monde à convaincre sa direction que la fuite de cette sextape est une information. Et ce n’est que lorsque ce journal «sérieux» la relaie enfin que la presse s’emballe. Dernier sursaut du journalisme à l’ancienne, avant que ce qui se passe en ligne soit véritablement considéré comme digne d’intérêt des plus grandes publications. Avant que le web annonce les news plus vite que le papier. Et que les frontières entre l’information et l’entertainment, la vie publique et la vie privée, se brouillent totalement.

Empathie et délicatesse

C’est sûrement sur ce dernier point que la série est la plus réussie, dans sa façon de montrer à quel point la viralité de cette sex-tape a ruiné le couple et la vie professionnelle de Pamela Anderson. Qu’on ne s’y trompe pas: malgré son titre, «Pam & Tommy» raconte d’abord et avant tout, et avec bien plus d’empathie et de délicatesse que le laissait supposer le choix du sujet, l’histoire de la première. Dépossédée de son image et de son corps, Pamela Anderson prend très vite conscience que ce scandale lui sera bien plus préjudiciable qu’à son mari. Lui restera celui qu’on félicite d’avoir de bruyants ébats; elle celle qu’on réduit à une starlette à gros seins.

Lily James incarne Pamela Anderson.
Photo: Hulu

Dans ce qui est probablement l’épisode le plus poignant de la série, le personnage de Pamela Anderson -brillamment interprétée par une Lily James méconnaissable mais qui ne disparaît jamais sous son maquillage- s’insurge contre la décision d’un tribunal de ne pas condamner un magazine pour la publication de photos de la sex-tape. «Je n’ai pas de droits, lance-t-elle. Parce que j’ai passé ma vie publique dans un maillot de bain. Parce que j’ai osé poser pour ‘Playboy’. Ce que dit ce jugement, c’est que je suis une salope, et qu’en tant que telle, je ne peux pas décider de ce qui arrive à mon corps.» De fait s’il y a bien une chose qu’Internet n’a ni empêché ni révolutionné, mais plutôt eu tendance à amplifier, c’est la misogynie prégnante de la société.

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