Magasins, restos, jeux
Après les écrans, voici comment Netflix va envahir votre vie

Le géant américain du streaming réfléchit à une stratégie globale pour prolonger l’expérience de ses séries. Au programme: la construction de «maisons Netflix» avec la possibilité de manger, acheter et même jouer dans l’univers de ces fictions.
Publié: 23.10.2023 à 19:04 heures
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Margaux BaralonJournaliste Blick

Vous êtes fan de «Sex Education» et, parfois, il vous arrive de vous imaginer étudier au lycée de Moordale, celui dans lequel les personnages principaux, Otis et Maeve, se sont rencontrés? Ou bien vous êtes plus «Stranger Things» et aimeriez vous aussi défier les monstres d’un monde parallèle? À moins qu’aller jouer sur les traces des héros d’«Alice in Wonderland» vous tente encore plus…

Bientôt, tout ceci pourrait bien être possible. Car Netflix, la plateforme qui propose toutes ces séries, s’apprête à ouvrir deux établissements qui promettent une immersion dans le monde de ses programmes. Des «Netflix houses» («maisons Netflix») dans lesquelles on pourra s’imprégner des univers de «Squid Game» ou du «Jeu de la Dame», acheter des vêtements, accessoires et autres mugs siglés, participer à des jeux, assister à des spectacles ou encore profiter de restaurants à thème. Autrement dit, de véritables expériences pour prolonger le visionnage des fictions du géant du streaming.

Des événements physiques qui cartonnent

En réalité, le phénomène n’est pas tout à fait neuf. À plusieurs reprises, Netflix a organisé des événements physiques pour accompagner la sortie de fictions sur la plateforme virtuelle. À Paris, durant tout l’été 2022, un pop-up store «Stranger Things» a plongé les visiteurs dans les rues de la petite ville (fictive) d’Hawkins, avec son centre commercial et son lycée. Il était possible de prendre des photos, jouer à des jeux d’arcade comme dans les années 1980 ou se procurer des tote bags siglés, le tout moyennant finance évidemment. Netflix vantait alors «des produits uniques et disponibles nulle part ailleurs». Au total, 400 mètres carrés de merchandising sur les Champs-Elysées, et une attente telle qu’il fallait réserver sa place sur Internet.

Netflix lance les «Netflix Houses», lieux de divertissement qui regrouperont des offres de restauration, de vente et de jeux d'un même univers de série.
Photo: Unsplash

De la même façon, en 2022 Netflix a déjà proposé aux fans de participer à un bal tout droit tiré de la saga «Bridgerton». Entre 200 et 300 personnes déboursaient entre 45 et 90 francs pour 1h30 de danse en costume. Le géant américain a également ouvert à Los Angeles un restaurant éphémère avec les glaces et les pizzas surgelés aperçues dans «Stranger Things». Mis sur pied un jeu inspiré de «Squid Game», qui ouvrira début décembre 2023, toujours dans la Cité des Anges. Et organisé une sorte d’escape-game géant dans l’univers de «La Casa de Papel». L’an dernier, la plateforme assurait qu’un million de personnes à travers le monde avait pu profiter de ces shows, tous plus impressionnants les uns que les autres.

De nouvelles sources de revenus

Mais tout ceci n’avait pas vocation à perdurer, contrairement aux «Netflix houses». «On a vu combien les fans aimaient s’immerger dans les univers de nos films et nos séries, et on a beaucoup réfléchi à comment passer à la vitesse supérieure», résume Josh Simon, vice-président de Netflix en charge des produits dérivés, auprès de «Bloomberg». En 2025, deux établissements seront implantés aux États-Unis. Et l’objectif est d’essaimer ensuite partout dans le monde.

Du côté des créateurs de série, on voit ça plutôt d’un bon œil. Shonda Rhimes, qui a signé un juteux contrat avec la plateforme et notamment produit «Bridgerton», explique dans les colonnes du «New York Times» qu’elle a «toujours voulu faire ça». «Les gens qui regardaient ‘Grey’s Anatomy’ [ndlr: série qu’elle a également créée, toujours en cours de diffusion] ne regardaient pas juste un épisode le jeudi soir. Ils cherchaient d’autres façons de consommer cette série. Chez Netflix, j’ai la possibilité de répondre à ce désir des fans et de créer quelque chose qui leur permet de prendre part à l’expérience plus qu’une nuit ou une heure dans la semaine.»

Pour Netflix, l’enjeu est évidemment de diversifier ses sources de revenus, à l’heure où les plateformes prennent conscience que ceux-ci sont limités. Augmentation des tarifs d’abonnement, fin du partage de compte, instauration de la publicité… Netflix, mais aussi ses concurrents comme Disney+, cherchent encore un modèle économique viable. En créant ces expériences immersives, les géants du streaming entretiennent l’émulation autour d’une série dont la diffusion est, par définition, limitée dans le temps.

Un pari risqué

Il s’agit aussi de toucher un autre public, jusqu’ici relativement ignoré de ce genre de grands raouts: les femmes. «C’est une fanbase mal considérée. Il y a peu d’offres spécifiquement dédiées à un public féminin», explique Greg Lombardo, chef des expériences chez Netflix, au «New York Times». Organiser un bal comme dans Bridgerton, série très populaire auprès des jeunes femmes, est justement un moyen de rectifier le tir. Des séries comme «Downton Abbey» ou «Outlander» pourraient fournir des univers également à même d’attirer ce public féminin.

Reste à savoir si cela peut fonctionner. Netflix n’a ni l’expérience ni (pour le moment) la force de frappe d’un groupe comme Disney, habitué à bâtir des passerelles entre ses parcs d’attraction, ses films et désormais ses séries, qui se nourrissent les uns les autres. Et même Disney a essuyé de cuisants échecs, avec par exemple l’ouverture d’un hôtel issu de l’univers Star Wars, qui a finalement fermé au bout de six mois. Les coûts de construction et de maintenance de ces établissements sont énormes. Trouver une localisation qui permette au public de se renouveler suffisamment est une gageure. Et pour une plateforme qui a longtemps fait son beurre précisément en permettant aux gens de s’occuper sans bouger de chez eux, les attirer hors de leur lit ou de leur canapé est un véritable défi.


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